Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier.

« Il y a déjà trois chiens avec moi dans la voiture », nous avertit-elle.

Pourquoi le rendez-vous avec Tammy Pieters a-t-il été fixé à 6 h 45 devant le parc de l’hôtel de ville de Montréal-Est, alors qu’elle vit dans Montréal-Nord ? C’est parce qu’elle garde une doberman appelée Mila… chez ses maîtres. « C’est la première fois qu’ils partent en vacances. Mila est rescapée du Liban et elle est très anxieuse », précise l’entraîneuse et promeneuse de chiens.

Sur la banquette arrière, Mila apprivoise les chiens de Tammy Pieters, un caniche royal et un boston terrier nommés Hitch et BB. Elle doit s’y faire puisqu’un peu plus tard dans la journée, nous serons neuf êtres vivants à bord.

Sur le panneau de commande, on retrouve des post-it avec les noms de toutes les bêtes à qui Tammy Pieters et ses sous-traitants (elle en cherche désespérément d’autres !) feront prendre l’air pendant la journée, que ce soit pour marcher ou aller au parc canin. Cela donne le tournis, tout comme les nombreux trousseaux de clés du compartiment central.

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Les nombreux trousseaux de clés du compartiment central du véhicule de Tammy Pieters

« C’est beaucoup de gestion », convient Tammy Pieters. D’ailleurs, la sonnerie de son téléphone se fera entendre d’innombrables fois.

Dans notre esprit, la clientèle des promeneurs de chiens se concentrait dans des quartiers bien nantis comme Outremont et Westmount. Ce n’est pas vrai : celle de Tammy Pieters est plutôt dans Rosemont, Anjou, Saint-Michel et Saint-Léonard.

« J’ai un gros secteur dans l’Est et il y a toute une gamme de clientèles », souligne-t-elle.

Autre cliché à abandonner : celui que les chiens soient mieux dans de grosses maisons que dans de petits appartements. « L’important, c’est ce que tu fais avec ton chien et quand il voit d’autres chiens. »

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Tammy Pieters portait un t-shirt qui la présentait comme elle est : The Dog Mother.

Dès le premier toutou que Tammy Pieters doit aller chercher, chez une femme âgée qui a des ennuis de santé, on constate à quel point elle est aussi une confidente pour les propriétaires des animaux.

Tammy Pieters fait affaire avec des couples qui ont des mésententes canines. Et comme une gardienne, elle doit rassurer des « parents » en leur envoyant une photo de leur bête. « Ils viennent de prendre l’avion », dit-elle après avoir rassuré les maîtres de Mila.

Une vocation

Tammy Pieters est entourée de chiens depuis 2006, ce qui convient à son tempérament solitaire qu’elle explique par les quatre mois passés dans un incubateur après sa naissance prématurée, et à son besoin de stabilité causé par de multiples déménagements.

Tammy Pieters voulait être mère, mais elle a changé d’idée quand elle a appris que la sienne souffrait de schizophrénie. Une mère morte du cancer juste avant que son père ait un diagnostic d’alzheimer. « Ma vie n’a pas toujours été facile, mais je suis blessed », insiste Tammy Pieters.

À 35 ans, alors que les crises de panique paralysaient une partie de son quotidien, Tammy Pieters a découvert à quel point les chiens de ses amis dont elle devait s’occuper lui apportaient un grand apaisement.

Dès lors, elle s’est mise à lire tout ce qu’elle pouvait sur la psychologie canine. « J’allais au parc à chiens pour les filmer. Apprendre le langage de leur corps, la façon de corriger les autres », raconte-t-elle alors que nous sommes pris dans la congestion routière de l’autoroute Métropolitaine.

C’est en faisant d’abord du bénévolat que Tammy Pieters a établi une clientèle et trouvé sa vocation. Même des traitements pour un lymphome hodgkinien ne l’ont pas empêchée de travailler en 2015. « Une chance que j’avais mes chiens », confie-t-elle avant d’aller recueillir Angus, un toutou de 140 lb qui a mal à la patte.

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Quand Tammy Pieters marche dans l’aire clôturée, les chiens se mettent à la suivre.

Au parc canin Jean-Talon

C’est manifeste à notre arrivée au parc canin Jean-Talon, dans Saint-Léonard, où nous irons deux fois dans la journée : tout le monde connaît Tammy Pieters. « Hi, Angela », lance-t-elle à une femme d’origine russe qui arrive avec ses deux grandes bêtes : Boris et Adele.

Angela avait écrit à Tammy Pieters plus tôt pour être au parc canin en même temps qu’elle. « Boris est un chien dominant et Tammy sait comment m’aider pour le calmer. »

J’aimerais tellement écrire un livre sur la dynamique au parc à chiens.

Tammy Pieters

« Tout le monde se parle ici. On se fait des apéros à la sangria le vendredi soir », souligne Nancy Digiulio en nous présentant Rex, un ancien chien de rue d’Italie.

Soudainement, le cœur de tous les occupants du parc cesse de battre quand un petit chien sans laisse passe à deux poils de causer un accident en traversant la rue Jean-Talon.

Conclusion : le poméranien a sauté de la fenêtre de la voiture de son propriétaire. « Il a entendu les autres chiens », dit Tammy Pieters.

Il ne faut pas sous-estimer la nature profonde des différentes races de chiens et leur besoin de socialiser. « L’esprit de meute ressort », dit-elle alors que nous allons reconduire la deuxième cohorte de chiens de la journée avant d’en prendre une troisième dans Rosemont.

Nous en avons eu la preuve avec Mila. Après sept heures en sa compagnie, c’était un tout autre molosse qui gambadait dans l’allégresse au parc Pélican. « On le voit qu’elle est bien », se réjouissait Tammy Pieters.

Le programme prévu pour le reste de la journée ? Deux autres promenades individuelles, de la gestion de calendrier, sans compter la nuit chez les maîtres de Mila.

Étrange de dormir chez des clients ? « Mon travail est tellement physique qu’en fin de journée, je m’endors ! Tant que je suis avec mes chiens », assure Tammy Pieters.