De quoi avait-on peur il y a 20 ans, 50 ans, voire 100 ans ? Menaces réelles ou fruits de l’imaginaire, ces six choses ont suscité l’angoisse en Occident dans les dernières décennies… et elles vous font peut-être encore peur aujourd’hui.

Panique satanique

Qu’ont en commun les jeux de rôles et le heavy métal ? Dans les années 1980, ils ont été associés au satanisme. « À l’époque, des gens étaient convaincus qu’à peu près dans toutes les banlieues américaines, il y avait des congrégations sataniques qui se réunissaient et qui faisaient des sacrifices humains », indique Antonio Dominguez Leiva, professeur de l’UQAM spécialisé en histoire culturelle. Selon lui, le succès qu’a connu le film Rosemary’s Baby de Roman Polanski, paru en 1968, a certainement contribué à raviver cette peur du diable. Aux États-Unis, des éducateurs en garderie, soupçonnés de faire partie de groupes satanistes, ont été accusés d’attouchements sexuels sur des enfants. Francis Langlois, professeur d’histoire au cégep de Trois-Rivières, dresse un parallèle entre la méfiance envers ces hommes et celle dont ont fait l’objet les drag queens dans la dernière année. « Ça s’inscrit dans le même genre de tendance. On démonise des catégories de personnes. Et ça, ça vient d’où ? D’une forme de fondamentalisme chrétien puritain. »

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Extraterrestres

L’idée qu’il existe une autre forme de vie dans l’univers n’a pas toujours été qualifiée de terrifiante. « Les extraterrestres sont devenus inquiétants quand il a été question d’enlèvements dans les années 1980 », indique Antonio Dominguez Leiva. Des gens ont témoigné avoir été transportés à bord de vaisseaux pour subir des expériences médicales. « Ils sont réellement convaincus qu’ils ont été en contact avec ces créatures », poursuit-il. Au début de l’année, le Pentagone a déposé un rapport sur les « phénomènes aériens non identifiés », ce qui a continué d’alimenter le débat sur l’existence (ou non) des extraterrestres.

Armes nucléaires

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Hiroshima, complètement dévastée en 1945

Les images des villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki, complètement rasées par l’explosion de deux bombes atomiques pendant la Seconde Guerre mondiale, ont marqué les esprits. Tout au long de la période de la guerre froide qui a suivi, la menace nucléaire effraie la planète entière. « On avait vraiment peur qu’à tout moment, l’URSS ou les États-Unis décident d’attaquer avec une bombe nucléaire et que l’autre riposte. […] C’était la peur de la fin du monde », rappelle l’historienne et enseignante à la Villa Sainte-Marcelline Sophie Doucet. La guerre en Ukraine et la hausse des tensions entre la Russie et les États-Unis ont fait renaître cette peur. Pourtant, la menace nucléaire n’était jamais disparue, souligne Francis Langlois. « Personne n’est totalement conscient qu’il y a encore beaucoup d’armes nucléaires et qu’elles sont nettement plus puissantes que celles utilisées à Hiroshima et Nagasaki. »

Clowns maléfiques

PHOTO TIRÉE DE WIKIPÉDIA COMMONS

Le tueur en série John Wayne Gacy

Ils sont censés provoquer la joie et le rire, mais, en 2016, ils ont semé la panique aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni, notamment. « Tout à coup, il y avait des gens qui se sont mis à voir des clowns inquiétants dans leur jardin, dans le bois ou sur la route », raconte Antonio Dominguez Leiva, auteur d’un livre abordant cette « grande peur clownesque ». Parfois filmés, ces incidents ont fait l’objet de reportages dans les médias… comme ce fut aussi le cas dans les années 1980 et 1990. Les nombreux films d’horreur mettant en scène des clowns maléfiques, dont Halloween de John Carpenter, puis It, de Stephen King, ont contribué à nourrir cette crainte. Mais au-delà de la fiction, un personnage bien réel a également alimenté cette peur des clowns : John Wayne Gacy. Tueur en série américain qui a enlevé la vie à au moins 33 jeunes hommes dans les années 1970, il a été surnommé par la presse le « clown tueur » puisqu’il se déguisait ainsi pour faire du bénévolat dans les hôpitaux.

Terrorisme

PHOTO SEAN ADAIR, ARCHIVES REUTERS

Deux avions détournés par des terroristes ont percuté les tours du World Trade Center le 11 septembre 2001.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont totalement changé la peur du terrorisme aux États-Unis, bien entendu, mais aussi ailleurs dans le monde. Si, avant 2001, on l’associait à une menace interne, comme ce fut le cas en 1995 lorsqu’un groupe d’extrême droite a fait exploser un bâtiment fédéral à Oklahoma City, l’effondrement des tours jumelles a modifié cette vision. « Avec le 11-Septembre, le terrorisme, c’est devenu la peur de l’islamisme. On a “ethnicisé” le terrorisme », note Francis Langlois, membre associé à l’Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand. « La peur que ça se reproduise a rendu beaucoup de gens méfiants par rapport à une catégorie de la population qu’on associait à ces évènements-là. La peur alimente le racisme, l’intolérance », ajoute l’historienne Sophie Doucet. Encore aujourd’hui, on ressent les effets de cette « peur de l’autre », pensent les deux experts.

Virus

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

La pandémie de COVID-19 a fait renaître la peur des virus.

Absente des pensées de nombreux Québécois il y a quatre ans à peine, la peur des virus est revenue en force en 2020, merci à une certaine maladie nommée COVID-19. Or, la crainte des pandémies s’observe par vagues depuis la fin du XIXsiècle, avance Antonio Dominguez Leiva. « À cette époque, il y avait une paranoïa autour de la découverte des microbes et de la médecine microbienne. » La crainte que des groupes anarchistes utilisent des virus contre une portion de la population était réelle au tournant du XXe siècle. Cette peur du bioterrorisme est également réapparue pendant les guerres mondiales, la guerre froide et même tout récemment. « Ça demeure l’hypothèse de beaucoup de gens sur l’origine de la COVID-19 », souligne le professeur de l’UQAM.