Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier.

Mardi matin, Mathieu Grondin, cofondateur de l’organisme à but non lucratif MTL 24/24, nous invitait à rencontrer au Centre PHI $teven Ra$pa, codirecteur de l’évènement Burning Man, et Mirik Milan, ex-maire de la nuit d’Amsterdam.

La première fois que nous avons discuté de l’importance de la vie nocturne avec Mathieu Grondin, c’était dans un tout autre contexte, en février 2021. Notre rencontre avait eu lieu au milieu d’une place des Festivals déserte à l’approche du couvre-feu alors en vigueur.

C’était l’un des moments les plus déprimants de la pandémie. Mathieu Grondin proposait alors la tenue d’une conférence et de prestations-tests avec un service de bar qui se prolonge après 3 h du matin, ce qui semblait iréaliste dans un contexte de confinement.

Le temps a passé. Mercredi et jeudi, le Centre PHI recevra le troisième Sommet de la nuit alors qu’un quatrième projet pilote « non stop » de musique est prévu ce week-end dans le Vieux-Montréal. Cette fois-ci — première au Canada —, 36 heures de danse sont au programme, de 22 h vendredi à 8 h dimanche. « Pendant deux nuits », se réjouit Mathieu Grondin.

« Nous avons une mairesse qui était prête à essayer des prolongations après 3 h du matin et nous avons réussi à démontrer que cela a peu d’impact sur la sécurité publique… »

« Mais…, ajoute-t-il en haussant le ton, il faut des permis permanents. »

Ottawa avant Montréal

Si Mathieu Grondin a l’écoute de la Ville, il commence à s’impatienter.

Même le conseil municipal d’Ottawa — pas particulièrement réputé pour son nightlife — a approuvé il y a une semaine un Plan d’action pour l’économie de la vie nocturne, qui inclut la nomination éventuelle d’un commissaire. Le responsable du dossier, Emmanuel Rey, prendra part à un panel sur la gouvernance pendant le Sommet de la nuit.

Une politique de la vie nocturne figurait parmi les promesses électorales de Projet Montréal en 2017 et la mairesse Valérie Plante a annoncé l’an dernier un dépôt pour 2023. « Ça fait six ans qu’on attend », lance Mathieu Grondin.

On veut une structure dédiée à la vie nocturne dans l’appareil municipal. Il faut un commissaire qui relève directement du comité exécutif et qui fait la coordination avec les différents services.

Mathieu Grondin, cofondateur de MTL 24/24

Dans un monde idéal, la personne à la tête de la structure de gouvernance nocturne serait un sorteux ou encore un « ancien raver », illustre Mathieu Grondin.

Pourquoi pas lui ? Il aime bien son rôle de militant et de maire de la nuit par dépit. « Il faut quelqu’un qui comprend la réalité du terrain », dit-il néanmoins.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, au Sommet de la nuit de 2022

Pour l’instant, la vie nocturne relève du développement économique, dont le maire du Plateau-Mont-Royal, Luc Rabouin, est responsable.

Ce sera sans doute à l’automne que la Ville de Montréal dévoilera sa politique, a-t-il indiqué à La Presse. Le responsable du développement économique au comité exécutif promet une « approche plus systématique » pour les organisateurs d’événements. C’est important « d’installer une gouvernance de la vie nocturne » qui sera en place à long terme, fait valoir Luc Rabouin.

Les résultats d’une étude sur Montréal

Pour appuyer ses revendications, MTL 24/24 peut maintenant compter sur une nouvelle étude, dont la présentation des résultats lancera le Sommet de la nuit.

L’étude, appelée Creative Footprint, a été réalisée dans quatre autres villes en plus de Montréal, soit Berlin, Tokyo, New York et Stockholm, ce qui permet des comparaisons. Premier fait saillant : les lieux de diffusion des quartiers centraux de Montréal subissent moins de pression immobilière par rapport à d’autres métropoles, nous apprend Diana Raiselis, de la boîte VideLab, qui a mené l’étude.

Or, la plupart des 271 lieux répertoriés se concentrent dans les arrondissements de Ville-Marie et du Plateau-Mont-Royal, puis dans Le Sud-Ouest et Rosemont–La Petite-Patrie. Il y aurait du potentiel d’activités nocturnes ailleurs.

En matière de diversité et de qualité de la programmation, Montréal obtient des notes élevées, mais il fait moins bonne figure pour ce qui est des « conditions-cadres » des activités nocturnes. « Les petits organisateurs d’évènements comme les plus grands disent ne pas avoir d’interlocuteur et de cadre réglementaire assez clair », résume Diana Raiselis.

« Les données peuvent guider les villes dans leurs décisions », poursuit Mirik Milan, ex-maire de la nuit d’Amsterdam et cofondateur de VideLab.

C’est important pour les villes d’avoir une stratégie de nightlife, fait-il valoir. Ne serait-ce que pour attirer des touristes ou des étudiants.

Esprit de communauté

C’est aussi important pour les résidants, ajoute $teven Ra$pa, l’un des codirecteurs du mythique évènement Burning Man.

En fin de journée ce mercredi, il donnera une conférence gratuite à propos de ce que les « vraies » villes peuvent apprendre de la ville temporaire qui se forme chaque année dans le désert de Black Rock, au Nevada.

La nuit est un espace, expose-t-il. « Et la culture est un facteur de cohésion sociale qui permet aux gens de créer des liens authentiques et de manifester leurs vulnérabilités. »

Programmation de l’évènement NON STOP 24/24

  • Quand ? De 22 h vendredi à 8 h dimanche
  • Où ? Grand Quai du Vieux-Port de Montréal
  • Quoi ? Un marathon de 36 heures de danse en continu
  • Avec qui ? DJ Minx, VTSS, Jacques Greene, Kiernan Laveaux, Tigerhead, ISAbella, etc.
Consultez le site de l’évènement

Une première version de cet article a été publiée sans la réaction de Luc Rabouin.