Au centre hospitalier de St. Mary à Montréal, des dizaines de tonnes de déchets évitent chaque année le chemin du dépotoir grâce à la ténacité de Michel Perreault, un homme inspirant, armé d’une réjouissante inventivité.

Sarraus usés, vieux stylos, contenants en tout genre… Dans un bureau exigu, le matériel normalement voué à la poubelle s’empile du plancher au plafond. Mais cette masse hétéroclite vaut de l’or aux yeux de Michel Perreault, technicien en environnement du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal.

C’est le cas, par exemple, d’un immense seau rempli de piles AA provenant d’appareils à cautériser à usage unique, jetés en entier. « L’instrument ne sert qu’une seule fois, mais les piles sont encore neuves ! Je vais trouver quelqu’un à qui elles peuvent servir », assure M. Perreault.

C’est là toute la magie de cet écologiste dans l’âme. À ses yeux, les déchets des uns sont la matière première des autres. En plus de 20 ans, à force de persuasion et d’imagination, il s’est bâti un vaste réseau international d’organismes, de récupérateurs et de chercheurs intéressés par cette manne parfois salutaire.

Un réseau international

« Ces modèles-là s’en vont en Guinée », dit-il devant les lits vieux d’une quarantaine d’années, toujours fonctionnels, mais aujourd’hui jugés non conformes. Bien des hôpitaux ont simplement envoyé les leurs, par dizaines, à l’enfouissement ou à la ferraille. Michel Perreault, lui, a trouvé un organisme prêt à venir les chercher pour les expédier outre-Atlantique. « En Afrique, ces lits à manivelle sont pratiques, car les pannes d’électricité sont fréquentes ! »

De la même manière, des frigos trouvent preneurs dans les cuisines communautaires, des couvertures, des piqués et du liquide désinfectant sont distribués aux sans-abri, des rouleaux de carton se retrouvent dans des travaux d’art plastique d’écoliers, des tissus stériles recouvrent le fond des cages à la SPCA, des biberons servent à nourrir les animaux du Zoo de Granby… Et des livres, des thermomètres, des aiguilles et des pansements légèrement périmés partent en direction de l’Ukraine, du Cameroun ou d’Haïti.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Des glacières en styromousse récupérées par Michel Perreault ont servi de couche isolante intégrée aux voies routières du nouveau pont Samuel-De Champlain.

Du pont Champlain au rêve ultime

On trouve même la trace de Michel Perreault dans le nouveau pont Samuel-De Champlain. Toujours déçu de voir des glacières en styromousse, pourtant réutilisables, être jetées après un simple usage, il a trouvé une firme d’ingénierie intéressée par les propriétés de ce plastique. « Elle en a fait une couche isolante intégrée aux voies routières », dit fièrement cet adepte de l’économie circulaire.

Le gaspillage alimentaire se trouve aussi dans son collimateur. Il y a trois ans, il s’est fait l’entremetteur entre l’organisme La Tablée des chefs et les responsables des cuisines du CIUSSS. Aujourd’hui, des dizaines de mets préparés sont remis chaque semaine par les cinq hôpitaux à des organismes d’aide alimentaire.

Maintenant, j’aimerais que chaque hôpital du CIUSSS dispose d’un digesteur pour faire du compost avec les restes de table. On atteindrait alors le zéro déchet, le rêve ultime.

Michel Perreault, technicien en environnement

À l’affût

Rien n’échappe à l’œil de cet infatigable travailleur. Pas un meuble ne quitte l’hôpital avant qu’il n’ait récupéré les crayons, élastiques et trombones laissés dans les tiroirs. « Dès que je vois quelque chose, je me demande à qui cela pourrait servir », affirme-t-il en ouvrant une boîte pleine de vieilles batteries de secours pour ordinateur. « J’ai trouvé un récupérateur qui me les achète pour le plomb à l’intérieur. »

Les initiatives de Michel Perreault, en effet, ne permettent pas seulement à l’hôpital de réduire ses frais d’enfouissement et d’incinération. Elles rapportent aussi de l’argent qui sert à financer des initiatives vertes, comme la plantation d’un millier d’arbres sur les différents sites du CIUSSS. Qui les a plantés ? Michel Perreault, pour la plupart.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Un bénévole décortique chaque semaine des ampoules de médicaments pour en récupérer les composantes : du verre, de l’aluminium et du caoutchouc.

Car cet ancien technicien dentaire ne compte que sur une toute petite équipe de bénévoles, surtout composée de bénéficiaires de l’aide sociale ou de personnes atteintes de déficience intellectuelle. Ils récoltent les objets laissés dans les bacs disséminés dans l’hôpital avant de les trier. Une tâche qui exige souvent une bonne dose de minutie.

Une ampoule de médicament, par exemple, est composée d’une bouteille en verre, d’un couvercle en aluminium et d’une rondelle de caoutchouc. Trois demi-journées par semaine, dans le petit bureau encombré, un homme atteint du trouble du spectre de l’autisme se concentre à les décortiquer une à une. « Il a une capacité de concentration incroyable. Il m’est très précieux. »

Même si la retraite approche, Michel Perreault caresse encore plein de projets qui débordent parfois du cadre strictement hospitalier. Il a d’ailleurs installé des ruches sur les toits des hôpitaux pour venir en aide aux abeilles. « Leur travail est nécessaire pour l’environnement », dit cet homme investi d’une mission tout aussi essentielle.