Voilà trois mois et demi que la famille Antipova-Mikhiyenko a quitté l’Ukraine en catastrophe pour venir s’installer au Québec. Notre journaliste, qui l’a accueillie le premier mois ayant suivi son arrivée, l’a rencontrée pour parler de son adaptation.

« Babak ! »

Demian, 6 ans, accourt à la table de pique-nique où ses parents sont installés, au parc Michel-Chartrand, à Longueuil. Il pointe une grosse marmotte qui se dandine dans l’herbe, quelques mètres plus loin. « Babak » signifie « marmotte » en ukrainien.

« On n’a jamais vu de marmottes dans la nature en Ukraine. Je sais qu’il y en a, mais elles sont plus prudentes ! », explique son père, Vitaliy Mikhiyenko, qui affiche la même expression émerveillée que son fils.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Natalia Antipova, Vitaliy Mikhiyenko, Demian et Zoriana

Trois mois et demi après leur arrivée au Québec, en bons Européens, les Mikhiyenko sont toujours aussi fascinés par les marmottes, les tamias et les autres animaux sauvages du Québec. Mais tranquillement, Vitaliy Mikhiyenko, Natalia Antipova, Zoriana et Demian s’adaptent à leur nouvel environnement.

« Nous n’avons plus l’impression d’être en transit, ici », explique Vitaliy Mikhiyenko.

Élan de générosité

Le 29 mars, la famille est arrivée à Montréal avec trois valises en main. Elle avait quitté l’Ukraine un mois plus tôt, quelques heures après les premières frappes russes, pour se réfugier en Slovaquie. Sur les entrefaites, le Canada a accepté sa demande de résidence permanente entreprise quelques années plus tôt.

L’élan de générosité envers la famille Mikhiyenko a été exceptionnel. L’administration d’un immeuble de condos locatifs, à Longueuil, a offert de la loger pendant un an, gratuitement. Un lecteur de La Presse s’est offert pour aider les membres de la famille à déménager et a entièrement équipé leur cuisine. Touché par leur histoire, un homme d’affaires de Montréal leur a donné une voiture.

« On nous a pris et on nous a installés dans notre vie du Québec », résume Vitaliy Mikhiyenko en mimant une pelle mécanique avec sa main. Ça se sent : il en est reconnaissant.

Entre bonnes nouvelles et découragement

Toute la famille se porte bien. Natalia a entrepris des cours de francisation pour lesquels elle reçoit une allocation. Les enfants sont allés à l’école au printemps et fréquentent désormais un camp de jour. Vitaliy Mikhiyenko travaille pour une entreprise de Chicoutimi qui développe des logiciels en gestion de la santé, de la sécurité et de l’environnement. Elle lui permet de travailler à distance.

  • En visite à Québec

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    En visite à Québec

  • À Granby

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    À Granby

  • Sur le traversier de Boucherville

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    Sur le traversier de Boucherville

  • À Saguenay

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    À Saguenay

  • Près de chez eux, à Longueuil

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    Près de chez eux, à Longueuil

  • À Chambly

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    À Chambly

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Vitaliy Mikhiyenko a rencontré ses collègues pour la première fois le mois dernier, en allant participer à une course de bateau dragon, à Saguenay. Les Antipova-Mikhiyenko ont visité plusieurs autres villes — Québec, Chambly, Saint-Hyacinthe, Saint-Jean-sur-Richelieu, Granby, Sherbrooke. Ils regardent le prix des maisons, dans l’espoir de devenir un jour propriétaires de leur chez-soi.

D’ici là, Vitaliy Mikhiyenko essaie de vendre sa maison à Poltava, au centre de l’Ukraine, ce qui requiert des démarches administratives complexes.

Il ne s’en cache pas : il a parfois des périodes de découragement. Il a par exemple échoué à une partie de son examen théorique de conduite, qu’il juge trop subjective (il a heureusement passé l’examen au deuxième essai). Il peine aussi à naviguer dans le système de santé du Québec, « le seul désavantage sérieux par rapport à l’Ukraine », selon lui.

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Demian chez lui, à Longueuil

« Quand j’ai échoué à cette troisième section de ce test, ou quand j’aurais voulu aller rencontrer un médecin — et bien sûr, il n’y a pas de médecin au Canada —, je dis à ma famille à la blague : “On achète des billets pour l’Ukraine et on retourne.” Mais les enfants et Natalia me répondent : “D’accord, mais vas-y tout seul”, raconte Vitaliy Mikhiyenko en riant. Ils aiment vivre ici. »

Les enfants se sont fait des amis à l’école. Demian a rencontré une fillette ukrainienne ayant elle aussi fui son pays. Zoriana, 11 ans, s’est liée d’amitié avec une fille du Bangladesh. Quelle langue parlez-vous entre vous ? Zoriana comprend la question, même si on la lui pose en français. « Un 'tit peu anglais, un 'tit peu français », répond-elle, signe que l’accent québécois s’installe lui aussi tranquillement.

Les parents sont agréablement surpris du climat estival québécois. Ils aiment aussi la spontanéité des Québécois, avec qui il est facile d’engager une conversation sans raison précise.

Natalia Antipova, qui parle encore peu français et anglais, garde espoir de trouver un jour un emploi dans son domaine : le coaching professionnel. Déjà, plusieurs de ses rêves se sont réalisés, comme vivre à l’étranger, vivre près de l’eau et vivre près de gratte-ciels (leur condo est en bordure du fleuve Saint-Laurent).

Natalia Antipova explique quelque chose en russe à son mari, qui traduit. « Maintenant qu’elle a déménagé au Canada, elle ne rêve plus d’aller ailleurs. Elle veut vivre ici et améliorer sa vie, ici. »