Pour une partie de la jeunesse, le 21 novembre sera l’occasion de provoquer un petit séisme personnel dans son quotidien. Ceux ayant souscrit au défi « Pause » devront résister à la tentation de consulter tout appareil technologique pendant 24 heures, dans l’optique de mieux reconnecter avec des activités extranumériques.

Les adolescents et jeunes adultes volontaires pourront ainsi rejouer à leur manière une scène culte de The Matrix — vous savez, celle où le héros Neo doit choisir entre une pilule bleue et une pilule rouge, cette dernière lui permettant de s’extirper de la Matrice, toile virtuelle oppressive. Les participants au défi Pause auront donc, en quelque sorte, gobé leur propre pilule rouge, en s’engageant à faire une croix, le temps d’une journée complète, sur toute activité numérique : conversations par messagerie, visionnement de vidéos de chats et consultations des réseaux sociaux inclus.

Le but de cette campagne orchestrée par l’organisme Capsana ? Fermer les fenêtres des navigateurs web pour mieux ouvrir celles d’activités sociales ou personnelles, offrir un aperçu des bienfaits d’une rare parenthèse technologique et faire prendre conscience de la banalisation de la dépendance numérique. On pourrait même rêver que les jeunes sevrés songent ensuite à se prodiguer plus de pauses du genre au cours de l’année.

Pour mieux s’adapter aux contraintes de chacun et ajuster les dosages de déconnexion, le défi se décline en quatre formules. La première est simple : il suffit de bannir tout contact avec téléphone, ordinateur, tablette et autres bestioles à écran, 24 heures durant. Bref, une déconnexion toute garnie, qui pourrait provoquer de sérieuses démangeaisons digitales chez certains. Les trois autres défis consistent à se passer des réseaux sociaux, des jeux vidéo (y compris ceux sur mobile) ou de la vidéo en continu (comme Netflix ou YouTube). Un peu moins radical, mais idéal pour une première détox en douceur.

Quand 12 étages défilent

Aussi, les amis de Laura Gagnon devraient-ils s’attendre à voir leurs messages rester lettre morte ; au moins jusqu’à lundi matin. Cette étudiante en génie industriel de 22 ans s’est engagée, pour la troisième année d’affilée, à résister aux sirènes des notifications et publications en tous genres dans le cadre du défi, optant même pour la déconnexion totale.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Laura Gagnon, étudiante qui va participer au défi Pause ton écran

Après avoir assisté, en 2019, à une conférence portant sur la dépendance numérique, disons qu’elle est tombée de haut en apprenant qu’en moyenne, nous faisons quotidiennement défiler sur les réseaux sociaux l’équivalent d’un immeuble de 12 étages. « Quand je consulte les réseaux sociaux pendant plus de 5 minutes, cette histoire de 12 étages de haut me revient à l’esprit, et je me dis que je pourrais quand même prendre une pause », lance celle qui a pu en mesurer les effets.

Pour moi, cela signifie une réduction du stress. Cette journée nous montre à quel point la consultation de son écran en permanence est devenue un réflexe et une dépendance. Laisser de côté son cellulaire et les réseaux sociaux pour juste faire des activités pour soi, diminuer son temps d’écran, ça fait du bien.

Laura Gagnon

Ce qui a permis à Laura d’instaurer des aménagements dans sa vie quotidienne, en troquant par exemple les séances de consultation de Facebook en soirée contre la lecture de bons vieux bouquins. « J’en profite aussi pour me coucher plus tôt, et cela me donne une meilleure nuit de sommeil », souligne-t-elle.

Un défi à longueur d’année

Étudiante à Polytechnique Montréal, la jeune femme n’hésite pas à convier les camarades de son établissement à se prêter au jeu de la déconnexion pour 24 heures. Elle est même coordonnatrice du projet Station Polytechnique, consacré au bien-être des étudiants, un comité qui s’est associé à la campagne Pause. Hasard du calendrier, le 21 novembre, date officielle du débranchement, tombe en même temps que la journée portes ouvertes de Polytechnique. Le comité sera bel et bien sur place, mais avec présentations sur support papier, pour sensibiliser les jeunes visiteurs à la dépendance numérique.

Néanmoins, pour les étudiants, répéter cette bulle de déconnexion et s’administrer d’autres « pilules rouges » de nombreuses fois dans l’année s’avère tout de même compliqué. Laura Gagnon confesse avoir elle-même de la difficulté à la reproduire en marge du défi Pause, pointant l’intensification du recours aux écrans causée par la pandémie, consciente que la société se dirige inéluctablement vers une ramification technologique tous azimuts.

« Quand on est aux études, surtout avec les cours à distance qu’on a vécus, c’est très dur de passer une journée sans ordinateur. Par contre, j’ai installé une application mobile qui m’envoie un rapport, chaque semaine, du pourcentage de temps passé en moins ou en plus sur mon écran par rapport à la semaine précédente. C’est encourageant, parce que je vois que cela me permet d’être plus productive dans autre chose », précise-t-elle.

Il est encore temps de s’inscrire (en ligne !) au défi Pause.

Consultez le site du défi Pause
  • 21 %
    Proportion d’élèves montréalais de 6année utilisant les écrans plus de 4 heures par jour à des fins de loisirs. Ce chiffre est de 16 % chez les adultes.
  • 18 %
    Proportion de jeunes Québécois du secondaire à risque de développer une utilisation problématique de l’internet.
  • 96 %
    Proportion des Québécois adultes possédant au moins un appareil connecté

Source : Capsana