Rare encore dans les maisons de chez nous, bien qu'il y soit en émergence, le foyer de masse est un imposant réservoir de chaleur fait de maçonnerie.

Rare encore dans les maisons de chez nous, bien qu'il y soit en émergence, le foyer de masse est un imposant réservoir de chaleur fait de maçonnerie.

 Dans son noyau, formé de deux chambres de combustion pour l'extinction complète du bois, de sa créosote et de presque tous ses gaz, un feu produit une chaleur très vive qui, par succion lente provoquée par la cheminée qui s'ouvre au bas, est entraînée dans de longs conduits. Elle lèche alors les parois de l'épaisse chape de pierre ou de brique réfractaire - visible dans le salon ou le séjour - dont elle augmente la température. La chaleur ainsi stockée se répand ensuite subtilement dans la maison durant des heures, voire des jours.

 Le feu de l'unique attisée quotidienne (une deuxième s'il fait très froid ou si l'isolation de la maison laisse à désirer) dure normalement moins de deux heures. Une fois qu'il est éteint, c'est au tour de la chape de chauffer la maison. Sans aide.

 «Comme le soleil chauffe la matière et non l'air, le foyer de masse fait de même. Pour chauffer une maison de 2000 pi ca, il lui faut au maximum huit cordes de bois par an», précise Sylvain Boisclair, conseiller en habitation bioclimatique et représentant, dans la région de la Capitale-Nationale, des foyers de masse Temp-Cast (Ontario).

 Lointain ancêtre

 En fait, c'est le feu de camp des premiers humains de l'histoire du monde qui est le lointain ancêtre du foyer de masse. Les hommes préhistoriques ont vite constaté, dit-on, que les pierres disposées autour de leur feu restaient chaudes longtemps après son extinction.

 «La capacité de stockage et de rayonnement de la pierre naturelle est réputée plus grande que les autres matériaux telle la brique d'argile», soutient M. Boisclair.

 Pyromasse Montréal, entreprise spécialisée dans la fabrication artisanale de foyers de masse, rappelle qu'au début des années 1700, l'Europe de l'Est et les pays scandinaves ont été gravement affectés par une pénurie de bois. La nécessité étant la mère de l'invention, «les foyers en pierres empilées font leur apparition». En brûlant moins de bois, on suppléait donc à sa cherté.

 À l'époque, cependant, on évaluait les objets à leur utilité, non à leur apparence. De nos jours, s'aperçoit Gabriel Callender, président de Foyers radiants Debriel de Sherbroke et de La Baie, on conjugue les deux. Les foyers prennent part à l'architecture des lieux et sont en réciprocité avec le décor. «Il y en a de somptueux à 30 000 $, voire à 40 000 $. Ils exigent souvent plusieurs semaines de labeur. D'autres, à 8000 $, sont honnêtes, performants, beaux et montés en une couple de semaines», détaille M. Callender, qui fabrique tous ses foyers à la main, de A à Z. Il en a d'ailleurs essaimé plusieurs dans tout le Québec depuis les 17 dernières années.

 À l'opposé, il y en a dont le noyau, en ciment réfractaire, est préfabriqué. Temp-Cast en fait sa spécialité. En fait, 37 modules s'emboîtent en un tournemain et sont retenus au moyen de béton collant polymérisé.

 M. Callender, quant à lui, n'emploie que de la brique à feu. Ce, de l'âme du foyer jusqu'au grand corps de maçonnerie appelé corps de chauffe, lequel, dans tous les cas, est chaud au toucher, mais jamais brûlant.

 Efficacité

 Conseiller à l'Agence d'efficacité énergétique du Québec (AEEQ), Benoît Légaré trouve qu'il n'y a pas grand-chose à dire contre le foyer de masse qui est d'ailleurs tout à fait compatible avec la façon Novoclimat de construire.

 Car, précise-t-on ailleurs, il n'émet que 1,3 g par heure de particules fines par opposition à 7,5 g maximum pour les poêles à bois ordinaires normés EPA (Agence américaine de protection de l'environnement).

 D'un autre côté, il produit très peu de cendre, ne provoque pas de feu de cheminée, laquelle d'ailleurs n'a pas besoin d'être ramonée (peut-être aux cinq ans si on est craintif), ne provoque dans la maison aucun soulèvement de poussière, car sa chaleur est subtilement itinérante.

 «Mais pour qu'il soit efficace, il faut généralement laisser les pièces de la maison ouvertes. Nous avons le nôtre depuis 11 ans et il chauffe sans mal 2500 pi ca», dit au Soleil Gesa Wehmeyer, de Sainte-Croix-de-Lotbinière.

 De plus, les assureurs ne se laissent pas prier. Ils couvrent volontiers, dit-elle. Après inspection, cependant. Ce que confirme le Bureau d'assurance du Canada (BAC). «Avec un ajustement de tarification, éventuellement», suppose Alexandre Royer, conseiller en affaires publiques au BAC.

 Quelques irritants

 Le foyer de masse est exaltant, mais il présente quelques inconvénients, d'après Benoît Légaré, de l'Agence de l'efficacité énergétique du Québec (AEEQ)

 Son prix, d'abord. Selon les fabricants joints par Le Soleil, il varie normalement de 8000 $ à 12 000 $.

 Puis, la nécessité d'entreposer et de manipuler du bois de chauffage. Ensuite, l'obligation de présence au moins une fois par jour, pendant la saison de chauffage, pour l'allumage et la fermeture des trappes, une fois le feu éteint. «Si on ne ferme pas, il y a perte de chaleur et refroidissement de la masse», prévient-il.

 Enfin, il faut un solide ouvrage de soutènement pour contenir, du rez-de-chaussée, une charge moyenne de 7000 à 9000 livres. Le noyau, à lui seul, pesant au bas mot 2600 livres.

 Sur le roc

 À moins que la maison, sans sous-sol, ne soit élevée directement sur le roc ou sur un grand pavé de béton. C'est, du reste, le cas chez Jean-Charles Garant, de Québec, qui profite du sien depuis deux hivers, après en avoir rêvé pendant près de 10 ans.

 «Chez nous, le foyer est solidement ancré au sol», précise-t-il. Il se félicite, en revanche, que les planchers de sa demeure soient radiants à l'eau chaude, demeure d'ailleurs chauffée par le foyer dans lequel la tubulure chemine. Il n'y a donc pas accroissement de chaleur, mais distribution plus judicieuse de celle-ci.

 Il se souvient, enfin, de l'enthousiasme de sa famille dès l'amorce du premier hiver. Enthousiasme qui, depuis, ne s'est pas démenti. «Elle n'en revenait pas de l'efficacité du foyer et du confort qu'il procurait», se rappelle-t-il.

 Autrement, le foyer peut être mis en oeuvre du sous-sol même, directement sur la dalle de béton localement renforcée, pour se prolonger au rez-de-chaussée et à l'étage in extenso tel que chez Mme Gesa Wehmeyer, de Sainte-Croix-de-Lotbinière.

 Faire feu de tout bois

 Le hêtre, l'érable ou le merisier sont les bois secs, de deux ans autant que possible, les plus prisés. Pour peu que les bûches aient de 4 po à 5 po de diamètre. Cependant que le peuplier faux-tremble, le bouleau, le frêne et même l'aulne font bien le travail. Hormis le pin, qui contient trop de résine, dit-on.

 D'un autre côté, le foyer peut être pourvu d'un four à pain. «Tandis qu'il peut pourvoir aux besoins en eau chaude de la maison, à la condition qu'un serpentin y soit annexé», précise le conseiller en habitation bioclimatique et représentant des foyers Temp-Cast à Québec, Sylvain Boisclair.

 Renseignements: sylvainboisclair.com ; debriel.com ; pyromasse.com ; heatkit.com