La Gaspésie recèle un solide lot de maisons patrimoniales porteuses d'histoires originales. L'une d'elles, le manoir Hamilton, à New Carlisle, figure dans le peloton de tête, avec ses 160 ans d'histoire, ses meubles, ses foyers, ses livres et les deux propriétaires qui l'animent depuis 2004, Nicole Duguay et Marc-André Blais.

Le manoir a été construit entre 1848 et 1852 par John Robinson Hamilton, qui avait été deux fois député de la circonscription de Bonaventure à l'Assemblée du Bas-Canada entre 1832 et 1844. Il a aussi été conseiller de la reine Victoria.

 

C'est un manoir néoclassique anglais, un type rare au Québec. Son architecture a été influencée par le style palladien, du nom d'Andreas Palladio, un architecte italien de la Renaissance.

Nicole Duguay a grandi à New Carlisle et le manoir a fait partie de son enfance. «Jeunes, nous passions beaucoup de temps dans les champs hors de la vue de M. Hamilton [Basil, descendant de John Robinson Hamilton], avec les chevaux, à jouer aux cow-boys. Lorsque nous apercevions sa tête sur le haut de la côte, inutile de dire que nous décampions.»

Marc-André Blais a été élevé à Newport, une cinquantaine de kilomètres plus à l'est, mais il a aussi vite remarqué cette maison. «C'était vu comme inaccessible. C'était une maison d'aristocrate.»

Quand, bien après, elle a été mise en vente, Mme Duguay s'est mise à rêver. À la dérobée, elle a noté le numéro du courtier. Elle n'a appelé qu'un an plus tard, en 2004, constatant avec son conjoint qu'elle était encore à vendre.

Le couple a payé 180 000 $, meubles compris. Il fallait toutefois rester calme.

«En 1984, un architecte était venu et il avait dit que le bâtiment était irrécupérable. Les planchers étaient mangés [pourris] et il n'y avait pas de système de chauffage. Il n'y avait pas d'eau courante, excepté dans la cuisine parce qu'à l'époque, les gens se lavaient dans les chambres avec un bain de zinc transportable. Il n'y avait pas de plomberie», précise Marc-André Blais.

Nicole Duguay et Marc-André Blais ont entamé en 2004 une vigoureuse réfection de la maison, dans laquelle ils ont investi plus de 350 000 $. Ils ont fait l'essentiel des travaux eux-mêmes, une source majeure d'économie.

Le passage de la plomberie et de l'électricité, essentiellement dans les planchers, a constitué le principal défi de réfection pour lui. «Les murs intérieurs sont en pierre, ils ont un pied et demi d'épaisseur et ils sont recouverts de torchis, un mélange de crin de cheval, de foin, de chaux et de sable fin qui tient ensemble par mystère», dit M. Blais.

Nicole Duguay ne croyait pas que les travaux dureraient deux ans. «Heureusement que j'étais dans mon village, car je ne crois pas que j'aurais eu toute l'énergie nécessaire pour accomplir ce que nous avons fait», dit-elle, pensant aux encouragements des gens qui la voyaient revenir à New Carlisle.

En fait, de l'âtre de la cuisine aux quatre cheminées et aux huit foyers, le manoir est à ce point riche en meubles, en livres, en style architectural et en histoire qu'il vaut une visite guidée, que Marc-André Blais livre avec passion, puisque la rénovation l'a forcé à en découvrir à peu près tous les dessous.

«Ce sont les meubles d'origine. Dans les bibliothèques, il y a des livres datant de 1702. Nous n'avons pas eu de salaire en cinq ans, mais c'est un patrimoine à donner aux Gaspésiens», note M. Blais.

Passionné de cinéma, il possède une collection de 800 films antérieurs à 1969, qu'il projette à ses clients et à des concitoyens, qui adorent son Petit théâtre du soir qui penche et les soirées animées du manoir Hamilton.

«Je projette des films mettant en vedette Jean Gabin, Michel Simon, Le coiffeur pour dames, avec Fernandel. Il y a des conférences, parfois des musiciens, des conteurs, des historiens», dit-il.

Un salon de thé a été aménagé dans une section de la demeure, de même qu'une petite galerie d'art.

Un petit camping est aussi disponible sur le terrain. En outre, New Carlisle est située à proximité de plusieurs attractions variées : des plages, un golf, une rivière à saumon, une piscine, un circuit patrimonial, le Musée acadien, le site historique du Banc-de-pêche-de-Paspébiac, les grottes de Saint-Elzéar.

Parce qu'il s'agit d'une résidence privée, ils n'ont pas bénéficié de l'appui de l'État, en dépit de la richesse culturelle du lieu.

«Les Européens ne comprennent pas qu'il soit si difficile d'avoir de l'aide. Mais nous travaillons à l'obtention de subventions», glisse M. Blais.