L'histoire est presque trop belle pour être vraie. Le frère de la belle-soeur du voisin a déniché une propriété à prix ridicule qu'il a rénovée puis revendue, encaissant un profit de 100 000$. Non, il ne s'agit pas d'une légende urbaine, ces coups de chance existent vraiment. Dans le jargon immobilier, on appelle ces transactions des flips. Mais avant de vous précipiter chez un agent immobilier, sachez que ces occasions se comptent sur les doigts d'une main! Un dossier de Marie-Andrée Amiot.

Flipper une maison (l'expression vient des États-Unis) signifie l'acheter pour la revendre rapidement. Idéalement avec profit. Le mot définit également une transaction illégale où il est question de prête-nom et d'acheteurs peu scrupuleux. Mais ce n'est pas le cas des flips communs. «C'est tout à fait légal de faire ce genre de transaction, pourvu que les règles soient respectées», affirme Thierry Merrien, copropriétaire de Re/Max Platine de la Rive-Sud. 

Bienvenue aux téméraires!

Si l'appât du gain est alléchant, les risques sont grands. «On ne s'embarque pas dans une telle aventure sans connaître le b. a.-ba de la construction», soutient Marie-Claire Le Pessec, agent immobilier pour le Groupe Sutton Centre Ouest. Ces propriétés ont presque toujours besoin de rénovations, parfois même de travaux structurels considérables. «Si cette propriété vous intéresse, elle intéresse aussi d'autres acheteurs, insiste M. Merrien. L'acheteur doit donc agir rapidement, parfois sans l'aide d'un inspecteur en bâtiment.» D'où l'importance de s'y connaître!

 

De tels immeubles attirent les entrepreneurs ou ceux qui ont un bon réseau d'amis bricoleurs. Sinon, l'acheteur ordinaire doit s'en remettre aux bons soins des plombiers, électriciens, plâtriers et autres artisans selon les travaux exigés. Tarif d'un plombier reconnu et certifié: de 60$ à 75$ l'heure. Celui d'un électricien, environ 80$ l'heure. C'est sans parler des matériaux qui, achetés en petite quantité, coûtent plus cher qu'en vrac. «Quand on achète un seul comptoir en granit, on paie davantage qu'un entrepreneur qui en négocie 10 à la fois», soutient Mme Le Pessec.

Maxime Vandal, architecte et propriétaire du groupe Les ensembliers, est encore plus prudent. «Les émissions de télévision induisent les gens en erreur, estime-t-il. On laisse croire que c'est simple de rénover une maison qui tombe en ruine. Or, on a toujours des surprises. À la télévision, on ne dit pas que les matériaux ont été donnés par des fournisseurs ou que le plâtrier a fait le travail gratuitement. Les gens voient la somme finale et se disent qu'eux aussi peuvent tenter leur chance.» Ces émissions, croit-il, ont contribué à la crise de l'immobilier qu'on a connue aux États-Unis.

Qui sont ces braves?

Liane Miller est une flippeuse professionnelle. En 13 ans, elle a acheté, rénové puis revendu six maisons. Deux dans sa ville natale de New York, et quatre depuis son déménagement à Montréal en 2004. Chaque fois, elle les a revendues à profit après moult rénovations.

Elle constate aujourd'hui que ses nombreux achats-reventes lui ont apporté un immense plaisir... et des profits intéressants.

Aventure malheureuse

Pour d'autres, l'aventure de l'achat pour revente rapide n'est pas si heureuse. C'est le cas de Stéphanie. Son épopée est si pénible qu'elle préfère l'anonymat.

Stéphanie et son mari ont acheté il y a quatre ans une propriété au nord de l'île de Montréal. Un quartier cossu quoique mixte. Prix de la maison: 470 000$. En un an, ils ont investi près de 600 000$ en importants travaux de rénovations et en matériaux exclusifs. «Je me suis fait prendre à mon propre jeu, confie-t-elle aujourd'hui. Quand je voyais un robinet, je voulais le meilleur de la gamme. Même chose pour les portes, les céramiques, les luminaires. Je me suis fait plaisir comme si j'allais vivre moi-même dans cette maison.» Pour récupérer son investissement, elle devra obtenir 300 000$ de plus que la vraie valeur de la maison. Résultat: la propriété est en vente depuis deux ans. Pourtant, Stéphanie avait déjà trois expériences à son actif. «Chaque fois, j'y avais trouvé mon compte. Cette fois, je me suis trompée.»

Le flippeur conscientisé

Carl Boutet a une âme de conservateur, pourrait-on dire. Sa famille a acheté une maison patrimoniale sur la Rive-Sud afin qu'elle puisse «revivre sa gloire d'autrefois». Les acheteurs n'ont jamais habité la propriété, qui a toujours été destinée à la revente. Ils ont investi d'énormes sommes en temps et en travaux, qu'ils espèrent récupérer. «Mais nous avons aussi la satisfaction de savoir que cette maison ancestrale gardera son cachet et qu'elle ne disparaîtra pas sous les pics des démolisseurs.»

Le referaient-ils? «Pas de sitôt», répond le jeune père, qui a hâte d'en finir.

 

De l'importance du flipping

Aux États-Unis, d'où vient l'expression flip, le phénomène avait pris une telle ampleur durant la récente bulle immobilière qu'on y a consacré des séries télévisées. Flip That House, sur le réseau TLC, ou Flip This House, présentée sur A&E, qui est devenue Des maisons d'occasion sur Canal Vie. Au Canada anglais, sur HGTV, on peut écouter les sages conseils de Peter Fallico, animateur de Home To Flip.