Sur le bord de la route surplombant le Cap-à-l’Aigle, dans Charlevoix, une maisonnette – à moins que ce ne soit une grange ! – se dresse sans choquer l’œil. Revêtue d’un bois patiné par l’air salin, elle est une jolie tricherie en robe champêtre qui ne révèle son vrai visage que lorsqu’on s’enfonce dans ses entrailles. L’espace se démultiplie alors. L’ambiance se métamorphose. Nous sommes ailleurs, dans l’univers chaleureux et imposant des Arches.
Dans leurs loisirs, certains font de la peinture et d’autres grattent leur guitare. Florent Moser, lui, a dessiné une maison et l’a fait apparaître dans le paysage de La Malbaie. « Vous auriez voulu être un artiste ? », demande-t-on à la blague. La question est facile, on en convient, bien que le principal intéressé ne démente pas la chose. « Quand on arrive à peu près au milieu de sa vie, on se demande si on a fait les bons choix et ce qui a motivé ceux qu’on a faits. Pour ma part, j’ai toujours aimé l’architecture sans avoir un grand talent en dessin. Cette maison, je me la suis offerte par pur plaisir. »
Il faut préciser que Florent Moser ne fait pas ses armes en construction, un domaine dans lequel il évolue depuis plus de 15 ans à titre de promoteur et d’entrepreneur général. À travers son entreprise, Demonfort, et le hameau d’habitations de prestige qu’il a cofondé dans les hauteurs de Charlevoix, Teracea, il a collaboré avec certaines des plus belles signatures de l’architecture québécoises, dont Charles Côté (Mu Architecture), Maxime Frappier (ACDF Architecture) et Alain Carle (Atelier Carle).
Consultez notre article sur Teracea« Pour avoir travaillé sur plusieurs gros projets d’immeubles de condos, comme La Chapelle d’Outremont, dit-il, je n’avais pas peur des défis que présentait cette maison sur le plan technique. » Les Arches n’en demeure pas moins un projet ambitieux à l’échelle résidentielle. La maison se déploie essentiellement dans le sol, à l’intérieur d’une coquille de béton qui a nécessité le retrait d’une portion du terrain, utilisé ensuite pour ensevelir le bâtiment. Ce procédé, inhabituel, repose non pas sur une fantaisie d’artiste, mais sur l’intégration de ce bâtiment dans le paysage et sur sa performance écoénergétique.
Prendre racine sous terre
Avec ses lignes simples qui évoquent les anciens bâtiments agricoles, la pointe émergente des Arches s’inscrit dans l’architecture vernaculaire de Charlevoix. Ce n’est là que la pointe de l’iceberg. Lové dans son manchon de terre qui l’isole, le volume inférieur se déploie de manière exponentielle et s’ouvre sur une vue spectaculaire animée par les mouvements du fleuve.
C’est pour ne pas bloquer ou changer ce paysage dont profite une autre maison, située plus en hauteur, qu’est née l’idée d’enfouir Les Arches. « J’aime qu’on crée la surprise, qu’il y ait un aspect de découverte et d’inattendu. Mais au-delà de ce point, il y avait celui de bâtir une maison aussi autonome que possible en énergie. »
Je réfléchissais aux façons d’implanter une maison qui soit discrète dans son environnement. J’ai décidé de la dessiner moi-même et de la faire telle que je la souhaitais.
Florent Moser, concepteur des Arches
Par son orientation, le bâtiment principal profite d’une entrée de chaleur et de lumière venue du sud-ouest. En été, une casquette structurelle bloque l’entrée des rayons lumineux et participe à garder l’intérieur frais. Le soleil d’hiver, plus bas, pénètre plutôt par toutes les pièces et s’emmagasine dans la maçonnerie du plancher. Mais surtout… « La terre agit comme une couverture isolante pour la chaleur et le bruit, et permet de garder une température constante à l’intérieur », argue son concepteur.
L’un des défis, dans ces conditions, était d’assurer une ventilation adéquate des lieux. « Puisque nous n’avons qu’un seul pan de mur sous terre, la maisonnette fait office de cheminée. En ouvrant les fenêtres à cette hauteur, on crée un appel d’air qui assure une bonne circulation d’air dans la maison principale », explique le constructeur.
Le jeu d’illusions
Une maison sous terre génère spontanément des images de grotte et donc d’environnement sombre et humide. On en est loin dans l’antre des Arches. Cette tanière demeure lumineuse avec sa paroi entièrement vitrée et ses plafonds de 10 pieds de hauteur.
La grange, entourée d’un champ fleuri, semble être inscrite dans le paysage depuis longtemps. On y entre pour découvrir un grand vestibule. De là se révèle le décor campagnard d’une charmante maisonnette qui accueille une suite et une salle de jeux, sur deux paliers différents. Lorsqu’on emprunte l’escalier, colonne vertébrale du projet, une autre ambiance se révèle à l’étage inférieur.
« Je suis suisse d’origine et j’ai une affection particulière pour l’esthétique européenne, confie Florent Moser. L’étage du bas reflète cet aspect de ma personne et de mes voyages en Europe. Quand j’ai dessiné cette maison, je revenais d’ailleurs d’un séjour à Bordeaux, dans Saint-Émilion, où j’ai visité des monastères. De là est venue l’inspiration pour l’allée bordée d’arches qui rappelle les cours intérieures de ces monuments. »
La maçonnerie est un élément prédominant du décor. Elle témoigne d’une architecture construite de main d’hommes et de femmes. La pierre y est réchauffée par la présence du bois. Les mêmes matériaux ont été utilisés à l’extérieur pour flouter les frontières. La cuisine, dans les normes actuelles, est relativement modeste pour l’ampleur des lieux : un choix délibéré.
« Pour une raison qui m’échappe, la tendance est à vouloir définir la valeur d’une maison par sa cuisine. Finalement, on se rend compte que ce n’est pas si agréable de cuisiner dans trop grand. Il y a quelque chose de chaleureux à être près les uns des autres et à avoir tout sous la main », croit le concepteur.
Certaines maisons s’imposent à leur terrain : un manque au devoir de l’architecte qui est d’intégrer ses créations dans leur environnement, estime Florent Moser. Les Arches fait preuve du contraire. « Je suis fier de cette maison confortable et intime. Le seul hic, c’est que les ondes cellulaires peinent à entrer. Mais finalement, c’est un mal pour un bien quand on y est pour se déconnecter. Ça force la détente ! »
Les Arches est offerte en location court terme.
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