Les fausses équivalences donnent le tournis ces jours-ci. Je n’en peux plus de lire que les salopards du Hamas qui ont commis des massacres sont des « militants », je n’en peux plus de constater les contorsions linguistiques utilisées ici et ailleurs pour éviter de dire que ceux qui ont tué plus de 1000 Israéliens sont des « terroristes ».

Bien sûr que le conflit israélo-palestinien est « complexe ». Bien sûr qu’il a des racines religieuses, politiques, historiques et sociales qui sont difficiles à démêler et qui remontent parfois à l’ère biblique.

Bien sûr que l’occupation de la Cisjordanie et le blocus de Gaza par Israël causent ignominies et injustices chez les Palestiniens, ce qui mène à une colère légitime. Dénonçons cette occupation. Souhaitons-en la fin pour qu’enfin, peut-être, quelque chose comme une paix durable puisse prendre racine.

On peut manifester son soutien aux Palestiniens. Mais une certaine lucidité morale commande de ne pas répondre à l’appel d’organisateurs qui veulent simplement la destruction d’Israël.

Dans ce cas-ci, dans le cas particulier des massacres qui nous occupent, la « résistance » palestinienne a le dos large, sachant ce qu’est le Hamas. Sachant les massacres filmés et photographiés, on est moins dans la résistance que dans un pogrom mené par des terroristes.

Qu’est-ce que le Hamas ? C’est une organisation désignée comme « terroriste » à travers le monde, qui s’est toujours contrefichée d’une solution négociée à deux États et qui ambitionne de détruire Israël puis d’instaurer dans le voisinage un État islamique qui ne serait pas sans rappeler les jours noirs de…

L’État islamique, justement.

Et dès les années 1990, quand un fragile itinéraire vers la solution à deux États a été négocié sous l’égide des États-Unis, le Hamas faisait partie des groupes islamistes qui ont juré de faire dérailler cet accord de paix. Arafat et Rabin n’avaient pas terminé leur poignée de main à la Maison-Blanche que le Hamas préparait déjà des attentats-suicides qui ont contribué à faire dérailler ce processus de paix.

C’est ça, le Hamas.

C’est aussi un groupe financé et soutenu par l’Iran, un pays qui dit haut et fort qu’Israël doit disparaître. Quand le Hamas a pris le contrôle de Gaza après le départ d’Israël, c’est principalement à canarder Israël qu’il a consacré ses énergies, pas à s’occuper des Gazaouis. L’Iran n’en veut pas, de solution négociée, l’Iran se fiche des Palestiniens qui sont aux yeux de la République islamique ce que les Palestiniens sont aux yeux de tous les États du Golfe : un ballon politique utile.

On peut soutenir les droits des Palestiniens sans soutenir le Hamas au nom de je ne sais quelle équivalence morale. On peut dénoncer le vol des terres palestiniennes sans se faire des entorses du cortex cérébral pour justifier les massacres du week-end dernier.

Bien sûr, le désespoir fabrique un terreau politique toxique. On peut le dire. Mais il y a une différence entre expliquer et justifier. Il suffit de regarder les images du pogrom de ce week-end pour constater que c’est indéfendable. Jouer sur les mots est stupide dans le cas qui nous occupe.

Je souligne que généralement, c’est à gauche qu’on joue justement sur les mots pour ne pas avoir à dire les choses comme elles sont, qu’on essaie d’un tant soit peu justifier l’injustifiable.

Chez les cousins français, l’extrême gauche incarnée par La France insoumise fait des accommodements raisonnables aux coupeurs de têtes. On reproche à l’État français de suivre les États-Unis…

Et aux États-Unis, justement, l’antenne Chicago de Black Lives Matter a publié sur X la silhouette d’un terroriste (mon étiquette, pas celle de BLM) du Hamas faisant du parapente, surmonté d’un drapeau palestinien, avec ces mots : « C’est ça qui est ça ! » (ma traduction).

On peut critiquer Israël : dans ce jeu géopolitique délétère, Israël a bien sûr ses propres extrémistes (l’un d’eux a jadis tué Rabin, par exemple), notamment dans ce gouvernement d’extrême droite qui a depuis longtemps mis tout plan de solution à deux États sur la voie de garage.

Mais on peut aussi montrer une évidence : le leadership politique qui prétend représenter les Palestiniens est soit barbare (le Hamas) ou complètement corrompu et émasculé (le Fatah).

Ça aussi, ça fait partie de la tragédie palestinienne : c’est depuis toujours la guerre civile entre plusieurs factions pour déterminer qui parlera au nom du peuple.

L’autre aspect totalement négligé par les contorsionnistes qui font des accommodements raisonnables avec le Hamas : le pogrom du week-end ne fera rien avancer, va radicaliser une portion d’Israéliens qui étaient modérés et l’État hébreu va répliquer à Gaza avec une force que l’on devine déjà comme inouïe… Ce sera très certainement contraire au droit international. Mais ce sera en phase avec le traumatisme de ces massacres d’Israéliens filmés de centaines d’angles.

Qui va écoper ?

Les civils, encore.