À travers les bons coups et, parfois, les moins bons, nos critiques de restaurants vous racontent leur expérience, présentent l’équipe en salle et en cuisine, tout en expliquant ce qui a motivé le choix du restaurant. Cette semaine : Chez Saint-Pierre, au Bic, en formule revisitée.

Pourquoi en parler ?

La salle à manger de Chez Saint-Pierre a été fermée pendant deux étés, « remplacée » par des conteneurs rouges dans le stationnement de l’église en face. La Cantine côtière est toujours active pendant la belle saison 2022, mais on peut enfin à nouveau s’attabler à l’intérieur, pour vivre la toute nouvelle expérience proposée par le célèbre restaurant du Bic, ouvert depuis 2003.

Qui sont-ils ?

La chef militante Colombe St-Pierre n’a plus besoin de présentation. Son talent, sa verve, sa défense des pêcheries du fleuve (Manger notre Saint-Laurent) et ses exposés sur les conditions difficiles de la restauration, surtout en région, sans compter ses perruques et sa collection de lunettes à la Elton John, font d’elle une personnalité chouchou des Québécois et Québécoises. Soutenue en salle et dans l’ombre par son conjoint Alexandre Vincenot, la mère de trois filles peut aussi compter sur un coup de main de son aînée au service et sur une équipe de cuisine dévouée et motivée à suivre la chef dans ses délires.

Lisez une entrevue récente de Marc Cassivi avec Colombe St-Pierre

Notre expérience

« Expérience ». Le mot est particulièrement bien choisi pour parler de Chez Saint-Pierre, version 2022. L’équipe a décidé de faire les choses bien différemment, cet été, avec une formule imposée, qui vise à éviter bien des maux de tête à la cuisine et à renouveler le concept pour les commensaux curieux.

Ce n’est pas le premier restaurant qui adopte cette approche événementielle. Faux Bergers, Le Mousso et Parcelles, entre autres, ont aussi choisi le menu et la tablée uniques, avec petite mise en scène pour présenter les plats et les produits. Au Bic, il y a même un service qui se fait sur guéridon, au centre de la salle. Si on doutait encore du fait que la nourriture, c’est aussi de la culture, il faut rendre visite à Colombe.

Il y a quelque chose de relaxant – pour les personnes qui sont ouvertes d’esprit et de bouche, s’entend – à ne pas choisir ses plats. L’excitation de la découverte sur place du menu, qui comporte une douzaine d’éléments que l’on pourra TOUS goûter, fait partie du charme.

De l’apéro, servi à 18 h 30, aux desserts, il faut compter près de quatre heures. C’est suffisamment long pour faire connaissance avec les tables voisines ou les tabourets adjacents, puis échanger ses impressions.

  • Les huîtres William B viennent de la Ferme maricole du grand large, à Carleton.

    PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

    Les huîtres William B viennent de la Ferme maricole du grand large, à Carleton.

  • Ce plat de tomates sur skyr était surmonté d’un amusant sorbet au « bloody ».

    PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

    Ce plat de tomates sur skyr était surmonté d’un amusant sorbet au « bloody ».

  • Ce moelleux et réconfortant pain casserole à l’échalotte noire et au foin d’odeur était servi avec une savoureuse salsa de pleurotes et un beurre à l’ail noir.

    PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

    Ce moelleux et réconfortant pain casserole à l’échalotte noire et au foin d’odeur était servi avec une savoureuse salsa de pleurotes et un beurre à l’ail noir.

  • Sous l’émulsion se cachent de belles têtes de violon encore un peu croquantes.

    PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

    Sous l’émulsion se cachent de belles têtes de violon encore un peu croquantes.

  • Le flétan cuit à la vapeur de thé des bois est servi sur guéridon.

    PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

    Le flétan cuit à la vapeur de thé des bois est servi sur guéridon.

  • L’aubergine « XO » avait un généreux fond de beurre de tournesol.

    PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

    L’aubergine « XO » avait un généreux fond de beurre de tournesol.

  • Ici, la version finale de l’aubergine, avec dulse et « crispy crunch ».

    PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

    Ici, la version finale de l’aubergine, avec dulse et « crispy crunch ».

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On ne vous fera pas la description de tous les plats. Ils n’étaient, du reste, pas tous aussi mémorables les uns que les autres. Évidemment, Colombe poursuit son œuvre de mise en valeur des plus beaux comestibles de sa région. Son militantisme pour un meilleur accès aux produits du fleuve issus de pratiques durables prend aussi tout son sens lorsqu’on constate qu’il y a un seul poisson comme ingrédient principal au menu, un moelleux flétan cuit à la vapeur de thé des bois, que la chef a dû aller chercher elle-même à la dernière minute à Matane.

Mais on déguste aussi des huîtres, les délicieuses gaspésiennes William B, qui sont bien mises en valeur par une rafraîchissante garniture de concombre, d’épinette blanche et de menthe sauvage. D’autres produits du Saint-Laurent apparaissent çà et là pendant le repas, très subtilement, que ce soit le persil de mer en émulsion dans la belle assiette verte de têtes de violon, la dulse qui surmonte l’aubergine, elle-même tartinée de sauce XO à base de pétoncles et de crevettes, ou la « bonite Qc » élaborée à partir de la ligne de sang déshydratée d’un thon. Bref, le fleuve s’exprime davantage dans une succession de « condiments » que dans un grand festin de la mer, de moins bon ton par les temps de surpêche qui courent, peut-être.

Du reste, il faut s’attendre à un certain éclectisme au menu. Certains seront peut-être surpris, par exemple, de se faire servir du tofu et de la soupe tonkinoise (au bouillon exceptionnel, cela dit !), dans une table dite « gastronomique » du Bas-du-Fleuve. Est-ce ce que Colombe appelle la démocratisation de la gastronomie ? Chose certaine, à 125 $ par personne, ça reste accessible… et bon… et amusant. Mais les coureurs de grandes tables qui cherchent à tout prix le « Wow ! » à chaque service ne le trouveront peut-être pas ici.

Dans notre verre

  • Ici, un verre de blanc de macération (« vin orange ») italien

    PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

    Ici, un verre de blanc de macération (« vin orange ») italien

  • La sélection du soir est présentée sur le buffet au centre de la salle à manger.

    PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

    La sélection du soir est présentée sur le buffet au centre de la salle à manger.

  • Raphaële Bérubé se laisse inspirer par le menu et l’ambiance du soir pour proposer des accords libres.

    PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

    Raphaële Bérubé se laisse inspirer par le menu et l’ambiance du soir pour proposer des accords libres.

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Raphaële Bérubé a quitté Montréal, où elle occupait le poste de sommelière au Mousso, pour se rapprocher de sa ville natale, Matane. Sa sélection de vins pour la soirée, salivante, est exposée sur le buffet dans la salle à manger. Il y a plusieurs options au verre. En cours de soirée, il arrive que Raphaële se sente inspirée et sorte d’autres pépites de la cave. L’accord est libre et instinctif. On peut aussi choisir de commander à la bouteille. Bref, il n’y a pas de formule fixe pour les liquides. Il y a toutefois une philosophie : une cuisine d’artisans se doit d’être accompagnée de vins d’artisans. On boit donc du Nival (Québec), du Pierre Frick (Alsace), du Yann Bertrand (Beaujolais), du Lise et Bertrand Jousset (Loire), ainsi que de belles cuvées de petites maisons italiennes, allemandes, espagnoles, etc.

Bon à savoir

PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

La sélection de lunettes de Colombe est exposée dans la salle à manger.

Comme dans le passé, le restaurant affiche complet jusqu’à la fin de la saison, mais on peut ajouter son nom à la liste d’attente. Il n’est pas rare que des places se libèrent. À preuve, les deux couples assis au comptoir avec nous avaient eu leurs places quelques jours avant le repas.

Chez Saint-Pierre est ouvert le soir, du mercredi au samedi, jusqu’au mois d’octobre.

129, rue du Mont Saint-Louis, Rimouski

Consulter le site de Chez Saint-Pierre