Personne ne cuisine avec un chronomètre. Mais, avant de planifier ses repas, qui ne regarde pas le temps de préparation indiqué dans la recette? Et qui n'a jamais eu l'impression d'avoir largement dépassé ces estimations? Nous avons soumis une quinzaine de recettes à l'épreuve de la minuterie.

Jamie Oliver a frappé l'imaginaire avec son livre de recettes prêtes en 15 minutes, lequel a suscité de nombreux commentaires de gens se disant incapables de rentrer dans les temps. «Quand on voit Jamie cuisiner, ça roule! remarque la nutritionniste Geneviève O'Gleman. Ça prend de l'expérience, de la confiance. J'essaie d'être plus réaliste dans ma façon d'aborder les recettes. Je ne veux pas que les gens se sentent stressés et découragés.»

Dans le cadre de notre exercice qui, précisons-le, n'est ni exhaustif ni scientifique, nous avons mis à l'épreuve 15 recettes (12 plats principaux et 3 desserts/collations) tirées des livres et sites internet de trois des auteurs de recettes les plus populaires du Québec, soit: Ricardo, Trois fois par jour et Cuisine futée, parents pressés (ainsi que Savourer, le nouveau projet web de Geneviève O'Gleman, anciennement de Cuisine futée). Avant de démarrer le chronomètre, nous avons pris soin de déposer sur le comptoir tous les ingrédients et instruments nécessaires. Et de sortir de la pièce l'enfant de 2 ans de la maison, grande source de distraction.

Des 15 recettes testées, 6 ont dépassé (de 10 % à 46 %) le temps total indiqué. Les recettes où l'écart est le plus important sont souvent celles où il y avait le plus de manipulation: façonner des boulettes, faire une purée, farcir et rouler des pâtes. Une seule, le pain aux bananes ultra-moelleux de Ricardo, a pu être terminée plus rapidement qu'indiqué.

Les auteurs des recettes testées soulignent que les temps estimés ne sont pas une science exacte. La méthode utilisée pour faire ces estimations varie d'une équipe à l'autre. L'équipe de Ricardo utilise le chronomètre, pas les autres. Chez Ricardo et Trois fois par jour, le compteur commence à tourner quand tous les ingrédients et instruments sont sur le comptoir, alors que Geneviève O'Gleman tient compte du moment passé à faire le tour du frigo et du garde-manger. «Tout Savourer a été développé dans ma cuisine où des fois, oui, on cherche le pot de sauce hoisin dans le fond du frigo», dit celle qui fait valider les temps estimés par son équipe de proches testeurs.

Les temps de préparation et de cuisson sont toujours présentés de façon distincte. «Chaque fois qu'on n'a pas à manipuler quelque chose et que c'est en train de cuire, on le compte dans le temps de cuisson, expose Marilou, fondatrice de Trois fois par jour. Quand c'est de la préparation, c'est parce que tes mains bougent. On ne calcule pas à la seconde près, mais on essaie d'être le plus précis possible.»

Une vitesse variable

Or, tous ne possèdent pas l'équipement et l'expérience des cuisiniers professionnels. C'est pourquoi, chez Ricardo, on ajuste les temps pour refléter la réalité de monsieur et madame Tout-le-Monde, particulièrement en pâtisserie.

«Quand vient le temps de faire un gâteau, on a une certaine aisance. Surtout quand vient le temps de le monter. En pâtisserie, on se rajoute toujours un buffer de 10 minutes. On pense à ceux pour qui c'est la première fois», remarque la cuisinière à la standardisation chez Ricardo, Danielle Bessette.

«Il y a des gens pour qui couper un oignon, ça prend une minute, d'autres trois. Il faut y aller avec ce qu'on connaît de nous-mêmes. Si tu es une personne qui range tout entre chaque étape, donne-toi 10 minutes de plus», indique Marilou.

Revoir sa façon d'écrire les recettes

Lorsqu'elle a lancé Savourer, Geneviève O'Gleman a complètement revu sa manière d'écrire ses recettes, afin de raccourcir le temps de préparation. «Dans la liste des ingrédients, tous les articles sont bruts, explique-t-elle. On les transforme au fil des étapes. C'est le fruit d'une réflexion que j'ai amorcée avant de lancer Savourer. Pourquoi il y a des gens qui n'arrivent pas dans les temps et pour qui la cuisine devient un champ de bataille?»

Une partie de la réponse réside dans les temps morts. Quand on est moins expérimenté en cuisine, il est souvent préférable de couper tous ses légumes d'abord. Mais ce faisant, on se tourne parfois les pouces pendant la cuisson. «Par exemple, on indique dans les étapes que pendant que telle chose cuit, on a le temps de couper les poivrons, illustre Geneviève O'Gleman. On permet aux gens moins expérimentés de faire ce que le cuisinier expérimenté fait naturellement.»

Tous s'entendent pour dire qu'il y a une variable qu'ils ne contrôlent pas, soit les nombreuses distractions qui s'invitent dans nos cuisines. «Des fois, il y a un texto qui rentre, notre enfant qui nous parle, on part dans la lune, affirme Geneviève O'Gleman. Il ne faut pas se mettre trop de pression quand on cuisine. Le temps indiqué est un temps moyen, mais optimal. Il est là pour donner un indicateur de ce dans quoi on s'embarque.»

Les recettes qui ont pris plus de temps à réaliser que ce qui est indiqué

> Polpettes

Cuisine futée, parents pressés

51 min au lieu de 35 min: 46 % plus long qu'indiqué

> Poulet et orzo aux tomates cerises

Cuisine futée, parents pressés

39 min au lieu de 30 min: 30 % plus long

> Lasagne roulée à la courge, au ricotta et aux épinards

Trois fois par jour

1 h 18 au lieu de 1 h: 30 % plus long

> Couscous aux légumes

Ricardo

37 min au lieu de 30 min: 23 % plus long

> Chili végétarien

Ricardo

1 h 28 au lieu de 1 h 15: 17 % plus long

> Soupe aux lentilles à la marocaine à la mijoteuse

Savourer

9 h au lieu de 8 h 10: 10 % plus long

PHOTO MAUDE CHAUVIN, FOURNIE PAR GENEVIÈVE O'GLEMAN

Geneviève O'Gleman