Les spécialités martiniquaises ne courent pas les rues à Montréal, où la cuisine haïtienne, jamaïcaine et celle des autres îles des Grandes Antilles plutôt que des Petites sont beaucoup plus répandues.

Il faut donc saisir l’occasion de goûter à quelques plats emblématiques, comme le fameux colombo de poulet (parent des caris indien et sri-lankais) pendant le festival Martinique gourmande, qui se déroule chaque année en septembre dans la métropole. Son marché créole, qui aura lieu le week-end prochain, permet de découvrir des produits normalement peu accessibles ici, comme les fameux « berlingots glacés » Floop, la glace coco, le boudin antillais, les fressinettes (petites bananes à la peau fine) ou la quenette, ce petit fruit qui peut rappeler le litchi et que tout le monde grignote sous le soleil là-bas.

Heureux seront les nostalgiques de la Martinique en apprenant que le fameux fruit-culte qu’est la pomme cannelle se trouve à l’occasion dans certains supermarchés québécois. La meilleure que nous ayons goûtée venait du nouveau Marché T&T à Saint-Laurent.

« Quand je suis au pays, je veux manger des fruits : des bananes qui ont du goût, des oranges pas belles mais qui sont super juteuses et sucrées, des mangots [mangue plus petite et plus fibreuse] », raconte en entrevue téléphonique Jérémie Jean Baptiste, chef et consultant culinaire pour le festival.

PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

Stevic Netala reprend la gestion de la résidence hôtelière familiale.

Un des grands moments de notre plus récent voyage en Martinique, en juin dernier, était d’ailleurs la visite du verger du Village Pomme Cannelle, au Prêcheur. Cette résidence hôtelière familiale du nord de l’île est le paradis du fruit tropical, avec ses goyaves, ses corossols, ses prunes de toutes les couleurs (dont la cythère, qui fait un jus des plus désaltérants), ses caramboles, ses cerises acérola et ses guajilotes, entre autres.

Stevic Netala, propriétaire, nous en a fait faire le tour, cueillant au passage quelques spécimens pour les cinq journalistes québécois que nous étions. Pourquoi pas un peu de fruit de la passion dans le ti-punch de l’apéro !

PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

Les langoustes du Petibonum sont exquises.

J’aime aussi me promener dans les ports quand les pêcheurs sont rentrés avec leurs belles prises, leurs vivaneaux et leurs langoustes.

Jérémie Jean Baptiste, chef et consultant culinaire pour le festival Martinique gourmande

Voilà qui évoque de beaux souvenirs de copieux repas de poisson et de fruits de mer pendant notre petit tour de l’île en cinq jours, au printemps dernier. Nous étions si près de la source.

PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

Un pêcheur répare sa senne sur la plage du Carbet.

Pendant le passage d’un grain (pluie forte mais brève), nous nous étions réfugiés sous l’abri d’un pêcheur qui réparait sa senne, un grand filet de pêche collective. Celui-ci peut mesurer de 100 à 600 m. Il est déployé en arc de cercle dans l’eau. Deux équipes se coordonnent pour tirer chacune sur un côté du filet afin de le ramener à terre. Cette pêche très ancienne est d’une remarquable solidarité. Le propriétaire de la senne garde la moitié de la pêche. Ceux qui aident peuvent facilement repartir avec deux ou trois kilos de poisson.

PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

Des petits balaous panés nous attendaient au restaurant Petibonum.

Un peu plus tôt dans la journée, nous étions témoins d’une pêche au balaou, petit poisson allongé au bec pointu. Elle se fait de manière ancestrale, à l’épervier. Il s’agit de lancer sur un banc de poissons un filet circulaire, alourdi de plombs. Le soir même, nous avons la chance de goûter au balaou pané, directement sur la plage, au Petibonum.

Cette institution du Carbet (commune tout juste au sud de la plus connue Saint-Pierre), dans le nord de l’île toujours, a brûlé en 2021. La communauté s’est mobilisée pour sauver le restaurant. Son chef et propriétaire, Guy Ferdinand, est un habitué du Québec et grand amateur de rhum agricole, qu’il nous fait déguster sans réserve.

Cap sur la gourmandise à la martiniquaise

Les invités du festival Martinique gourmande 2023 sont Clémence Bruère-Dawson, fondatrice d’OKO, une expérience culinaire holistique, Luidgi Coutépéroumal, du Zandoli, restaurant de l’hôtel La Suite Villa aux Trois-Îlets, Harold Jeanville, du restaurant Carte blanche, aussi aux Trois-Îlets, et Yadji Zami, fondateur du Galanga Fish Bar, à Fort-de-France.

Le thème à respecter cette année : de la tradition à l’innovation. On peut s’attendre à des sandwichs de type bao remplis de garnitures aux saveurs de la Martinique, à des cassaves ou kassav (galette à base de manioc) façon tacos et à un courgeotto avec de la morue.

Lui-même pétri d’influences, Jérémie Jean Baptiste en sait un brin sur la fusion et l’innovation. Né en Bourgogne de parents martiniquais, il a été formé chez Bocuse à Lyon et travaille aujourd’hui à Québec comme chef consultant et chef à domicile.

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL MARTINIQUE GOURMANDE

Le chef Jérémie Jean Baptiste

« J’ai la chance de pouvoir proposer une cuisine qui ressemble à mon vécu. Ma mère a un restaurant antillais en Bourgogne. Jeune, un des premiers plats que j’ai faits était un hachis parmentier avec des patates douces et des épices à colombo », se remémore-t-il.

Aussi Jérémie nous a-t-il proposé une recette qui marie justement tradition et invention, développée avec la Tablée des chefs. Cinq mille portions de ce plat seront livrées dans les banques alimentaires du Québec puis redistribuées. Voilà qui mettra un peu de soleil dans les assiettes des moins fortunés.

Le festival Martinique gourmande se déroule du 12 au 24 septembre. Le Marché créole se tiendra les 16 et 17 septembre au Pavillon du Grand Quai du port de Montréal (entrée gratuite).

Consultez le site du festival Martinique gourmande