Dans son livre Comment faire ses conserves sans empoisonner sa famille, la chimiste alimentaire Anne-Marie Desbiens décortique l’art de faire ses conserves en toute sécurité. Elle répond ainsi à de nombreuses questions que les gens se posent (et lui ont souvent posées !). Voici donc six questions, suivies de réponses éclairées.

« Ma mère fait ses conserves au micro-ondes. C’est un peu bizarre, non ? »

En effet, c’est bizarre. Comme d’autres méthodes « douteuses » énumérées dans le livre d’Anne-Marie Desbiens (la couverture chaude, la mijoteuse, le lave-vaisselle…), celle du micro-ondes n’est pas recommandée, « entre autres parce que le four micro-ondes ne chauffe pas de façon égale. Des zones surchauffent, mais le cœur des aliments – comme des petites betteraves, par exemple – n’atteint pas des températures assez chaudes. Ça risque donc d’être insuffisant pour tuer tous les micro-organismes. Aussi, le transfert de chaleur est moins efficace dans le four micro-ondes qu’il ne l’est lorsqu’on utilise une source de chaleur humide ».

« Si la préparation est bouillante quand on empote, peut-on se passer du bain-marie ou de l’autoclave ? »

« Peu importe ce qu’on fait – confiture, marinade, etc. —, il faut toujours traiter toutes les conserves à la chaleur après avoir empoté. Je pense que l’erreur la plus flagrante que beaucoup de gens font, c’est justement de ne pas traiter les pots. On préchauffe simplement les pots, on fait bouillir la confiture, on met ça dans le pot, on ferme et parfois même on inverse le pot (ce qui n’est pas recommandé non plus). Et quand on entend le son “pop”, on a l’impression que ça a fonctionné. Mais ce son ne signifie pas qu’on a stérilisé l’aliment et qu’on a détruit les micro-organismes, ça veut simplement dire qu’on a créé un vide ! Quand on passe nos conserves acides au bain-marie, elles sont meilleures, plus nutritionnelles, elles se scellent mieux, se conservent plus longtemps et sont plus sécuritaires. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La foodie scientifique Anne-Marie Desbiens vient de publier le livre Comment faire ses conserves sans empoisonner sa famille.

« Pourquoi la moitié de mes pots ne se scellent pas ? Et pourquoi sortent-ils du bain-marie à moitié vides ? »

« Plusieurs raisons peuvent expliquer que les pots ne se scellent pas. D’abord, il faut laisser un espace vide d’air dans le pot, d’une hauteur différente selon l’aliment qu’on met en conserve. En général, plus l’aliment contient d’oxygène à l’intérieur, plus il faut laisser un gros espace. S’il manque d’espace, le liquide va avoir tendance à vouloir sortir, parce qu’il y a trop d’oxygène. Parfois aussi, les pots ne se scellent pas parce qu’on a serré le disque trop fort ou pas assez fort. Enfin, ça peut aussi être lié à un traitement à la chaleur insuffisant ou à un goulot mal nettoyé. »

« Peut-on manger une confiture s’il y a un peu de moisi dessus ? »

« C’est la même règle que pour tous les aliments, conserve ou pas : en général, plus un aliment est liquide, plus il est déconseillé de le manger lorsqu’il y a de la moisissure à la surface. Si on a un morceau de parmesan qui a de la moisissure, on enlève un centimètre et on peut le manger. Mais quand l’aliment est liquide, comme du yogourt ou une conserve, si la moisissure crée des toxines et que ces toxines migrent dans le liquide, enlever le dessus n’est pas suffisant. Il pourrait y avoir des toxines à la grandeur. C’est donc conseillé de le jeter. En plus, s’il y a de la moisissure, c’est signe que la conserve n’a pas été bien traitée. »

« J’ai acheté un autoclave il y a deux ans et je ne l’ai jamais utilisé… il me fait trop peur ! »

« Cette phrase-là, je l’entends souvent. Il y a beaucoup de gens qui ont acheté un autoclave, mais qui ne l’ont jamais utilisé, parce que ça leur fait peur. C’est compréhensible – c’est quand même une machine sous pression –, mais ça ne devrait pas nous faire peur. Tous les autoclaves modernes d’aujourd’hui sont dotés de deux systèmes de sécurité qui s’activent si jamais la pression devenait trop haute. Cette peur-là est probablement aussi causée par le manque de ressources. Quand on achète un autoclave All American, par exemple, tout le manuel est en anglais, et ce n’est pas clairement expliqué. »

« Chaque fois qu’on m’offre des conserves maison en cadeau, je les jette illico rentré à la maison. Pas question de prendre le risque d’être malade ! »

« Ça aussi, je l’entends très souvent ! Les gens se sentent mal, parce que chaque année, ils jettent les cornichons de leur tante ou le ketchup de leur ami. Ils ont peur et ne veulent pas prendre de risque. Je les comprends : je ne mange aucune conserve qu’on me donne. Comme on le voit dans mon livre, il y a beaucoup de choses à prendre en compte quand on fait des conserves pour s’assurer qu’elles soient vraiment salubres et qu’il n’y ait pas de danger. Mais bon, si j’étais certaine que la personne suit les recommandations du département de l’Agriculture des États-Unis – les mêmes que celles que je partage dans le livre –, je serais rassurée. Quand on suit une bonne recette validée en laboratoire, c’est très sécuritaire. »

La petite histoire des conserves

Dans le livre d’Anne-Marie Desbiens, en librairie depuis le 6 septembre, la première partie est consacrée à la passionnante histoire de l’invention de la conserve.

  • C’est le confiseur et distilleur français Nicolas Appert qui a mis au point le procédé pour mettre en conserve à la fin du XVIIIe siècle.

    ILLUSTRATION ANNE-MARIE DESBIENS

    C’est le confiseur et distilleur français Nicolas Appert qui a mis au point le procédé pour mettre en conserve à la fin du XVIIIe siècle.

  • Extrait du livre Le livre de tous les ménages, ou l’art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales, écrit par Nicolas Appert et publié en 1810

    ILLUSTRATION ANNE-MARIE DESBIENS

    Extrait du livre Le livre de tous les ménages, ou l’art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales, écrit par Nicolas Appert et publié en 1810

  • Des pratiques douteuses (et non sûres) sont transmises par le bouche-à-oreille, comme en témoigne cette reproduction d’une illustration d’un bulletin du ministère de l’Agriculture de la province de Québec de 1937.

    ILLUSTRATION ANNE-MARIE DESBIENS

    Des pratiques douteuses (et non sûres) sont transmises par le bouche-à-oreille, comme en témoigne cette reproduction d’une illustration d’un bulletin du ministère de l’Agriculture de la province de Québec de 1937.

  • Voici un rapport d’autopsie fictif créé à partir des observations d’Émile van Ermengem, le bactériologiste belge qui a identifié la toxine botulique. Selon l’OMS, ces toxines font partie des substances les plus létales connues.

    ILLUSTRATION ANNE-MARIE DESBIENS

    Voici un rapport d’autopsie fictif créé à partir des observations d’Émile van Ermengem, le bactériologiste belge qui a identifié la toxine botulique. Selon l’OMS, ces toxines font partie des substances les plus létales connues.

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Comment faire ses conserves sans empoisonner sa famille

Comment faire ses conserves sans empoisonner sa famille

Les Éditions La Presse

264 pages