Pour la deuxième fois, les marchés publics de Montréal font cette année place à la relève. Trois kiosques clés en main au marché Jean-Talon, un autre au marché Atwater et le dernier au marché Maisonneuve permettent aux agriculteurs de vendre leurs produits avec un maximum de flexibilité.

Léandre Raymond-Desjardins récoltait ses carottes avec son frère Alexandre quand nous sommes arrivés aux Jardins de la fourchette, sur la terre familiale de Mirabel. Le jeune maraîcher avait appelé son frangin à la rescousse pour préparer les légumes qu’il comptait apporter le lendemain au marché Jean-Talon. Ses employés saisonniers ayant déjà repris le chemin des classes, il est de moins en moins envisageable pour lui de s’éloigner de ses champs en temps de récolte. Impossible donc de se déplacer dans les marchés les plus populaires — les agriculteurs membres des Marchés publics de Montréal doivent garnir leurs étals au minimum trois jours par semaine.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Léandre Raymond-Desjardins (debout) travaille aux champs en compagnie de son frère Alexandre, qui vient l’aider à l’occasion sur la terre familiale.

C’est ici qu’intervient le programme des Kiosques de la relève, qui permet aux jeunes fermiers de venir au marché une seule journée par semaine. « C’est une drôle de coïncidence, nous apprend le maraîcher. J’ai appelé au marché Jean-Talon à l’automne 2019 pour connaître les occasions qui pourraient s’offrir à moi. C’est alors qu’ils m’ont parlé du projet. »

Un programme tout chaud

Le programme a finalement vu le jour l’an dernier, avec trois kiosques offerts au marché Jean-Talon pour les entreprises agricoles en activité depuis cinq ans ou moins. Grâce à l’aide du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec ainsi que de la Ville de Montréal, les Marchés publics de Montréal sont désormais propriétaires des installations louées aux agriculteurs de la relève — le coût de location est par ailleurs assumé à 50 % par l’Union des producteurs agricoles. Pour les jeunes agriculteurs, la facture ne s’élève donc qu’à 28 $ par jour. Ils arrivent avec leurs produits et les installent dans le kiosque, qui reste en place en tout temps.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Nicolas Fabien-Ouellet, directeur général des Marchés publics de Montréal

Ils savent se distinguer, c’est vraiment tape-à-l’œil, il y en a, du stock. Les autres membres les épaulent aussi à leur arrivée, ils s’informent sur leur variété de produits, ça s’entraide.

Nicolas Fabien-Ouellet, directeur général des Marchés publics de Montréal, à propos des agriculteurs de la relève

Parce que les vétérans voient d’un très bon œil l’arrivée des nouveaux. « Le programme est crucial, soutient M. Fabien-Ouellet. Ça constitue non seulement notre pépinière de relève agricole, mais aussi d’éventuels nouveaux membres pour le marché. On a sondé nos marchands au cours des dernières années et un thème récurrent est comment faire pour remplir le marché, comment faire de la place à la relève. À Jean-Talon, c’est 3 emplacements sur 200 que l’on réserve à la relève, ça ne vient pas remplir toute une zone et faire une concurrence déloyale aux autres. »

Stratégie payante

Pour les jeunes, la présence dans les marchés publics de Montréal est aussi extrêmement pertinente. « La clientèle du marché Jean-Talon est très fidèle, soutient Léandre Raymond-Desjardins. Quand on a recommencé au mois de juin, c’est comme si on avait repris exactement où on avait laissé au mois de novembre précédent. Je pense qu’il y a des gens qui ont vraiment la volonté d’encourager la relève et de donner la chance à des gens comme nous de démarrer. »

Cela comprend aussi les restaurateurs montréalais, une clientèle que Léandre connaît bien, lui qui était cuisinier à La Récolte Espace local, rue Bélanger, avant de troquer le tablier contre la fourche. « J’ai encore la passion de cuisiner, mon but est donc de développer des relations de collaboration avec les chefs, d’être à l’écoute de leurs besoins, explique le jeune homme qui vient tout juste d’avoir 30 ans. Les chefs du Pastel, du Monarque, de La Traversée et du Bar Cicchetti viennent acheter mes légumes, et trois d’entre eux m’ont découvert ici même au marché. »

Léandre Raymond-Desjardins compte profiter du programme des kiosques de la relève tant que son entreprise pourra se qualifier. Par la suite, il espère devenir membre, mais sans doute en constituant une coopérative de petits agriculteurs qui lui permettrait de continuer de partager une échoppe. « J’ai besoin de me libérer une seule journée par semaine et ça, j’adore ça, parce que ça me permet de parler de mes produits, des méthodes qu’on utilise, explique-t-il. Les gens associent un visage à la production et ça, c’est vraiment le fun pour nous. »