« Autonomie alimentaire » : l’expression est sur toutes les lèvres depuis le printemps, la COVID-19 mettant en lumière notre dépendance à la main-d’œuvre étrangère et aux produits d’ailleurs. Pour Dominic Lamontagne et Amélie Dion, l’autosuffisance ne devrait pas passer par une augmentation de la production locale, mais par l’envie d’un plus grand nombre d’apporter sa petite contribution… dans la gourmandise !

Pour avoir une meilleure idée de la vie à la ferme (une petite ferme vivrière et diversifiée, s’entend), nous avons fait deux courts séjours chez l’auteur des livres La ferme impossible et L’artisan fermier, à Sainte-Lucie-des-Laurentides. Au deuxième, à la fin du mois d’août, le couple venait de donner le dernier de ses ateliers estivaux d’un jour. Il venait de vivre un été chargé, marqué par la mise en place d’un projet-pilote du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) permettant éventuellement la commercialisation de poulet abattu à la ferme et de produits cuits contenant du lait cru de chèvre. Qu’à cela ne tienne, une nouvelle journée de ferme commençait.

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Pour avoir une meilleure idée de la vie à la ferme (une petite ferme vivrière et diversifiée, s’entend), nous avons fait deux courts séjours chez l’auteur des livres La ferme impossible et L’artisan fermier, à Sainte-Lucie-des-Laurentides.

8 h

On peut penser que la journée s’amorce avec le chant des coqs, des « ados » particulièrement vocaux et nombreux en cette période de préabattage. Mais le couple ne se lève pas aux aurores. Il réussit à faire abstraction du concerto de gallinacés pour gagner quelques heures de sommeil. Le rendez-vous officiel a été donné à 8 h. Amélie nous sert un délicieux café au lait de chèvre et une rôtie de pain au levain qu’elle a cuit la veille.

9 h

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Dominic Lamontagne et Amélie Dion

Premier arrêt, les volatiles. Il y a deux cages mobiles à déplacer, pour offrir de la verdure fraîche aux jeunes concertistes et pour permettre à celle qu’ils picorent et piétinent depuis 12 ou 24 heures de se régénérer. C’est le système popularisé par le « grand prêtre du pâturage » Joel Salatin, de la Polyface Farm, en Virginie, bien expliqué dans le film de Marc Séguin, La ferme et son état, puis dans le livre L’artisan fermier de Dominic Lamontagne. L’heure est aussi à la moulée pour les coqs et à la pâtée pour les poules. Rien de bien compliqué.

9 h 30

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Déplacer ainsi la cage permet d’offrir aux poules de la verdure fraîche.

La traite des chèvres, en revanche, demande un peu plus de dextérité. Amélie réussit à extraire un litre en quelques minutes tandis que les mains de journaliste plus habituées à pianoter sur un clavier d’ordinateur qu’à comprimer des trayons tirent peut-être une demi-tasse. La chèvre ne semble pas trop s’en formaliser. Elle dévore sa moulée bio avec appétit.

  • Ici, pas une goutte du précieux lait de chèvre ne sera gaspillée.

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    Ici, pas une goutte du précieux lait de chèvre ne sera gaspillée.

  • La traite demande beaucoup de dextérité !

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    La traite demande beaucoup de dextérité !

  • Une récompense pour service rendu !

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    Une récompense pour service rendu !

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10 h

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Une pause bienvenue pour les chèvres qui peuvent aussi s’abreuver dans le cours d’eau, tout près de la ferme.

Il fait beau, c’est l’heure de la promenade à la rivière. Le joli cours d’eau en contrebas de la propriété a pesé lourd dans la balance quand est venu le temps de faire une offre d’achat. Treize ans plus tard, les chèvres s’y abreuvent pendant la belle saison. C’est une scène bucolique à souhait. Souvent, Dominic apporte un livre et s’installe sur une des roches plates de la rivière pour se nourrir d’idées et d’ions dynamisants.

11 h

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La serre permet d’allonger la saison et de cultiver des légumes.

En remontant vers la maison, on s’arrête à la serre construite en 2016, pour pouvoir cultiver des légumes l’été et héberger un nombre croissant de poules l’hiver. Celles-ci engraissent le sol pendant la saison froide et donnent des œufs. Un plancher radiant est activé au printemps pour amorcer une culture hâtive et à l’automne pour prolonger la saison. Le reste du temps, la serre n’est pas chauffée. Amélie profite de notre passage pour cueillir les tomates qui sont mûres. À l’extérieur, elle regarde comment avancent les courges. Le maïs sucré n’est pas encore tout à fait mûr. Le maïs à farine l’est encore moins. Ici, à 500 mètres d’altitude, on est en zone de rusticité 3a (selon le classement de Ressources naturelles Canada), ce qui veut essentiellement dire que les légumes ne poussent pas facilement. Qu’à cela ne tienne, avec un investissement de 10 000 $, Dominic et Amélie ont encore réussi à rendre l’impossible possible.

11 h 30

Ce n’est pas jour d’abattage, mais Dominic nous fait quand même une démonstration, comme il le fait pendant les ateliers, pour montrer à quel point les volailles abattues à la ferme avec soin et mesures sanitaires impeccables ont une fin de vie paisible. Bientôt, le MAPAQ aura aussi des données à ce sujet, dans le cadre du projet pilote qui permettrait aux petits éleveurs de mettre eux-mêmes fin aux jours de leurs poulets de chair afin d’en commercialiser la viande.

> Relisez l’article « Agriculture artisanale : un projet d’abattage à la ferme »

  • Ici, la mise à mort du poulet se fait dans le calme total. Oubliez les « poulets pas de tête » qui tournent en rond dans la basse-cour.

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    Ici, la mise à mort du poulet se fait dans le calme total. Oubliez les « poulets pas de tête » qui tournent en rond dans la basse-cour.

  • L’autonomie alimentaire au Québec, surtout dans les zones plus froides, passe par l’élevage d’animaux, croient Dominic Lamontagne et Amélie Dion.

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    L’autonomie alimentaire au Québec, surtout dans les zones plus froides, passe par l’élevage d’animaux, croient Dominic Lamontagne et Amélie Dion.

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Présentement, l’abattage à la ferme est permis, mais la viande doit être consommée uniquement par les habitants de l’endroit et leurs invités. Ici, la mise à mort du poulet se fait dans le calme total. Oubliez les « poulets pas de tête » qui tournent en rond dans la basse-cour. Le volatile est immobilisé dans un « cône orange » (voilà une autre utilité pour ces satanés symboles montréalais). Deux petits coups de lame et c’est terminé. Suivent l’échaudage et l’ébouillantage des pattes pour faciliter le plumage et le déchaussage, un tour dans la plumeuse automatique, puis l’éviscération. Pour Dominic et Amélie, il n’y a pas d’autonomie alimentaire au Québec, surtout en zones plus froides, sans animaux. « Si je remplissais la serre de plants de soya, j’aurais quatre blocs de tofu à la fin de l’été. L’utopie végane n’est pas viable ici. »

12 h 30

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La question de l’autosuffisance alimentaire intéresse de nombreux Québécois.

À table !

C’est le moment que nous attendions tous : le repas composé presque exclusivement des produits de la ferme. Après tout, c’est son amour de la bonne chère qui a amené le couple d’ex-restaurateurs à élever et à faire pousser sa propre nourriture.