On verse de plus en plus d’acerum dans les verres à mesure que les distillateurs québécois se lancent dans l’aventure. Cette eau-de-vie d’érable mise sur la qualité et la finesse. Nous avons proposé à deux mixologues à qui ce spiritueux est familier de déguster, à l’aveugle, une sélection d’acerums.

Il est à peine 11 h du matin au Rouge Gorge, mais notre duo de créateurs de cocktails se montre déjà d’attaque, avec une pléiade de verres, une carafe d’eau et deux crachoirs sous le nez.

À ma gauche, Manu Ruiz, qui nous reçoit dans l’établissement où il officie derrière le bar. À ma droite, Vanessa Vachon, son homologue du Ratafia. Dans un sac, hors de vue, six bouteilles provenant de distilleries partout au Québec (une dizaine de distillateurs produisent de l’acerum à travers la province).

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Manu Ruiz, mixologue au Rouge Gorge, et Vanessa Vachon, mixologue au Ratafia, se sont prêtés au jeu de la dégustation.

Ils recourent d’ailleurs à cette eau-de-vie depuis plusieurs mois, servie pure – à température ambiante, sans glace, pour ne pas inhiber ses arômes – ou intégrée en cocktail, Vanessa aimant la verser dans des formules classiques (ti-punch, paper plane, martini, etc.), Manu l’enrobant dans des créations (comme le Zack Taylor, jouant sur le sésame, la liqueur de cacao et de cerise italienne, le vinaigre balsamique vieilli, entre autres).

  • Vanessa Vachon recourt à l’acerum dans ses cocktails depuis près de deux mois.

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    Vanessa Vachon recourt à l’acerum dans ses cocktails depuis près de deux mois.

  • Manu Ruiz espère que d’excellents acerums blancs seront développés au Québec.

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    Manu Ruiz espère que d’excellents acerums blancs seront développés au Québec.

  • Nos testeurs n’avaient pas accès aux bouteilles et ont donc dégusté à l’aveugle.

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    Nos testeurs n’avaient pas accès aux bouteilles et ont donc dégusté à l’aveugle.

  • De l’acerum, de l’eau et des crachoirs : la table est mise !

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    De l’acerum, de l’eau et des crachoirs : la table est mise !

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Pour éviter les a priori de leur clientèle sur ce produit encore peu connu, ils en proposent toujours un petit échantillon au préalable, sans en dévoiler l’identité, pour voir si les papilles s’en trouvent réjouies – et ce serait fréquemment le cas. Récoltons donc leur avis sur les six propositions soumises à la dégustation.

1. Témiscouata blanc : sur les rives de la polyvalence

Verdict de nos testeurs pour cet acerum blanc : nez tropical (ananas mûr), avec de la fraîcheur et des arômes végétaux et salins (salicorne). Surtout, les deux créateurs de cocktails insistent sur sa polyvalence. « Il a du caractère, mais il reste le plus polyvalent de tous ceux qu’on a goûtés, en substitut dans tout cocktail classique à base de n’importe quel alcool blanc. C’est celui qui se rapproche le plus d’un alcool neutre, sans qu’il le soit », expliquent les goûteurs. « Il y a un côté plaisir, le fun », conclut Manu.

Distillerie Témiscouata Acerum blanc, 58 $

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2. Distillerie Fove : blanc végétal et délicieux

Cet acerum blanc distillé par Fove fait l’unanimité. « Délicieux ! 10/10 ! », s’enthousiasme la mixologue du Ratafia, convaincue par un nez pur et végétal : « Je le servirais sans problème tel quel. S’il fallait le travailler, ce serait en substitut de la cachaça. » « Ça fait feuilles mortes au nez, la bouche est vraiment le fun, il y a une petite amertume, un côté végétal, sans que ce soit péjoratif : c’est grassy, ça rappelle la canne à sucre. On perçoit bien que cela vient d’une plante », complète Manu, également conquis.

Fove Acerum blanc, 47 $

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3. Domaine Small : une question d’ouverture 

Cet acerum ambré bio est vieilli 2 ans en fût de bourbon. « En bouche, c’est intéressant, ça picote autour de la langue, mais le milieu est épargné », s’étonne Vanessa. « Ça sent non pas le bouchon de liège, mais l’humidité d’un chai sans vin », note Manu, qui le travaillerait avec du café. Il pense qu’en conservant un peu plus de sucre lors de la fabrication, le tout aurait été assoupli. Trente minutes après la première dégustation, ils ont trouvé que le produit s’était ouvert et l’ont mieux apprécié.

Acerum ambré vieilli 2 ans, Domaine Small, 75 $, offert à la boutique de la distillerie.

Consultez le site du Domaine Small

4. Distillerie Mitis : exotisme et texture

Nos deux testeurs ont bien aimé le nez, gorgé de fruits exotiques, « charmant et parfumé » de cet acerum gaspésien. Au palais, Vanessa relève des notes de caramel au beurre salé avec « un côté gras, très agréable ». La boisson affiche en effet 43 % d’alcool. Manu abonde : « Il y a beaucoup de texture, ça enrobe vraiment bien », ajoute-t-il. Un cocktail avec ça ? Mai tai, daiquiri, pina colada, propose le duo. « Je ne serais pas gêné de le travailler en old fashioned », suggère le mixologue du Rouge Gorge.

Distillerie Mitis Acerum vieilli en baril, 65,75 $

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5. Témiscouata brun : lettres de noblesse

« Ça goûte le produit brut, ça rappelle l’odeur dans une érablière pendant la réduction. La bouche est gourmande, la texture, pas trop grasse. Ce produit a un beau potentiel pour être premium », pose Vanessa en goûtant cet acerum brun du Témiscouata. Manu l’accompagnerait volontiers d’un pudding chômeur. Tout en se nouant une cravate. « C’est celui qui me semble le plus noble et raffiné. » Le duo s’accorde pour les notes : caramel, côté toasté, cire d’abeille, eau d’érable.

Distillerie Témiscouata Acerum brun, 59,75 $

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6. St. Laurent : effluves d’érable et airs de whisky 

Sans le savoir, nos amis mettent le cap sur Rimouski avec l’acerum St. Laurent vieilli 3 ans. Manu y détecte l’érable au nez et en bouche, sans excès de sucre, et un passage en fût évident. Vanessa ne trouve pas l’arôme d’érable si prononcé en bouche, mais juge qu’il se démarque également. « À quelqu’un qui a l’habitude de boire des whiskys, je ne serais pas gênée de le servir travaillé en cocktail… ou pas, parce que le feeling en bouche est quand même similaire, avec du bois. »

St. Laurent Acerum Esprit d’Érable 3 ans, 69 $

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Qu’est-ce que l’acerum ?

L’acerum est une eau-de-vie d’érable obtenue exclusivement par la distillation de l’alcool issu de la fermentation de la sève d’érable concentrée québécoise. On la trouve en blanc, mais aussi ambrée ou brune après un vieillissement en baril. Elle est considérée comme une appellation, ses distillateurs étant soumis à des critères de production stricts.

Une première Semaine de l’acerum

Du 18 au 24 mars aura lieu la toute première Semaine de l’acerum, pendant laquelle une dizaine d’établissements proposeront des cocktails à base du spiritueux québécois. Aussi au programme le 21 mars, une classe de maître organisée au Alambika et menée par Corinne Cluis, fondatrice de la Distillerie Fove (coût : 15 $).

Consultez la page de la Semaine de l’acerum
En savoir plus
  • 40 %
    Le degré d’alcool des acerums oscille autour de ce chiffre. L’acerum de Small atteint 45,3 %.
    Coût
    La fourchette de prix pour un acerum va de 47 $ à 70 $, pour des formats allant de 500 ml à 750 ml.
  • Acerum
    Contraction du latin « acer » (érable) et de l’anglais « rum » (rhum)