Les vignerons canadiens ne l’ont pas eu facile en 2023. D’un bout à l’autre du pays, ils ont dû composer avec les gels tardifs, les pluies abondantes, la fumée des incendies de forêt. Le temps des vendanges approche et les producteurs de vin restent optimistes : une météo favorable en septembre pourrait bien faire oublier les aléas des derniers mois.

Plusieurs vignerons du Québec étaient réunis à la mi-août à Sainte-Pétronille, dans l’île d’Orléans, pour faire le point avant les vendanges. Un mot était sur toutes les lèvres : pluie.

Ce constat ne surprend pas Simon Legault, météorologue à Environnement Canada. Le Québec a reçu une quantité de pluie anormalement élevée cet été. Par exemple, la station de Frelighsburg, située dans le sud de la province, a enregistré 262 mm de précipitations en juillet. C’est plus du double de la normale, souligne l’expert.

Plus de pluie signifie un risque plus élevé de maladies dans les champs. Les producteurs ont ainsi dû traiter davantage les vignes pour protéger la future récolte. Ils ont aussi dû enlever davantage de mauvaises herbes au sol et couper plus de feuilles afin de s’assurer que les grappes soient bien aérées. Ces manœuvres ont exigé beaucoup d’efforts et beaucoup de temps.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Charles-Henri de Coussergues, cofondateur du vignoble de l’Orpailleur

« Ce n’est pas une année pour les paresseux », lance d’emblée Charles-Henri de Coussergues, qui entame sa 39e vendange au vignoble de l’Orpailleur, à Dunham.

Son collègue Michael Marler, du vignoble Les Pervenches à Farnham, est du même avis.

C’est beaucoup de travail, produire du vin au Québec, mais cette année, ce l’est encore plus.

Michael Marler, du vignoble Les Pervenches

Il faut se rappeler que dès le mois de mai, la saison viticole 2023 a donné du fil à retordre aux vignerons québécois. Une succession de journées chaudes a favorisé le débourrement hâtif des bourgeons. Or, la nuit du 17 mai a été glaciale. Le mercure est descendu jusqu’à -5 °C dans certains secteurs. Le scénario s’est répété pendant plusieurs nuits. Si bien que la récolte 2023 aurait pu être perdue en totalité, car à ce stade, les jeunes pousses résistent rarement au-dessous de zéro.

Par chance, observe l’agronome Jean-François Péloquin, expert en protection de la vigne, les vignerons québécois étaient mieux préparés que jamais cette année.

« Le gel a touché pas mal tout le monde, explique-t-il, mais les pertes sont relativement faibles grâce notamment aux moyens de lutte mis en œuvre. »

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DU VIGNOBLE DE LA BAUGE

La récolte du vignoble de la Bauge a été sauvée grâce à des feux allumés sous des éoliennes.

C’est le cas de Simon Naud, vigneron à Brigham. Pour la première fois, il avait fait appel à des experts afin d’identifier les zones les plus froides de son champ. L’équipe a simulé un gel printanier en avril afin de déterminer la meilleure protection en cas de gel. L’exercice a été salvateur. Des feux allumés sous les éoliennes ont sauvé la récolte du vignoble de la Bauge.

Tous n’ont pas eu cette chance. Plusieurs domaines estiment une perte liée au gel entre 10 et 15 %.

Néanmoins, les producteurs québécois restent optimistes. Les températures chaudes en juillet ont favorisé la croissance des fruits, malgré la pluie.

« Ce n’est pas catastrophique, ajoute Fred Tremblay Camy, vigneron à Saint-Bernard-de-Lacolle. Si la pluie cesse et qu’il fait beau en septembre, on aura une belle récolte. La charge sur les grappes est belle. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le vignoble Hidden Bench, dans la région du Niagara

Ailleurs au pays

La plus grande région viticole du pays, la péninsule du Niagara, s’attend à une récolte prometteuse. Malgré quelques gels au printemps et de la grêle, la météo a été plus clémente dans cette région en 2023. « Si la fin d’été est belle et qu’on est prêt à trier, ce sera magnifique », avance le vigneron Thomas Bachelder.

Les incendies de forêt en Colombie-Britannique ont forcé l’évacuation de plusieurs vignobles dans la vallée de l’Okanagan, mais les incendies n’ont pas touché les vignes. Selon Wesley Zandberg, chercheur à l’Université de la Colombie-Britannique, il est trop tôt pour savoir si la fumée aura un effet sur le goût de la future récolte. Il estime toutefois que la situation est moins grave qu’en 2021.

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Plusieurs vignobles de la région de l’Okanagan ont dû être évacués, mais le feu n’a pas touché les vignes.

Une information est toutefois confirmée : la récolte sera plus faible en raison du froid intense de décembre. Il a fait jusqu’à -30 °C à Kelowna. Sachant que la majorité des vignes plantées dans la vallée résistent jusqu’à -20 °C, le regroupement des vignerons de Colombie-Britannique estime que plus de la moitié pourrait être perdue.

La production de vin en Nouvelle-Écosse est la plus petite du pays et elle le sera encore plus cette année. La province a enregistré des températures jusqu’à -26 °C, un record, soutient Jean-Benoit Deslauriers, du domaine Benjamin Bridge.

« On a toujours été protégé par l’effet modérateur de la baie de Fundy, mais pas cette année », explique-t-il. Ainsi, le plus grand vignoble des Maritimes a perdu 60 % de sa récolte en raison du gel, soit la totalité des Vitis viniferas. La pluie a aussi été abondante en juillet dans l’est du pays, mais elle ne devrait pas causer davantage de pertes.