(Paris) Vendange exceptionnelle, bouteilles haut de gamme et exportations record : l’année 2022 aura été hors norme pour le marché du champagne qui pourrait toutefois faire face à quelques secousses en 2023 en raison notamment de l’inflation.

Après une année 2021 déjà excellente, portée par la réouverture des bars et restaurants après la pandémie de COVID-19, la prestigieuse boisson confirme son rebond malgré les tensions sur les matières premières ou la logistique, profitant d’une soif mondiale plus aiguisée que jamais.

Selon le bilan annuel du Comité interprofessionnel du vin de champagne (CIVC), 325,5 millions de bouteilles ont été vendues en 2022 (+1,6 %), soit le plus haut volume en 15 ans, avec un chiffre d’affaires « record » de 6,3 milliards d’euros (+11 %), soulignait-il en décembre.

Depuis, plusieurs groupes champenois ont affiché de beaux résultats, avec une progression de leur bénéfice net. Celui de Laurent-Perrier, numéro deux du secteur selon le Comité champagne, est en hausse de 16,4 % sur son exercice décalé 2022/23, a annoncé le groupe vendredi.

Plus tôt en mars, son concurrent Lanson-BCC (numéro 5 en France, selon le CIVC) avait annoncé le doublement de son bénéfice net l’an passé par rapport à 2021.

Pour juguler la flambée de leurs coûts de production (verre, gaz…), les maisons de champagne ont fait grimper les prix de leurs bouteilles, accélérant une politique de « montée en gamme » engagée depuis quelques années.

Cette hausse — que le groupe Lanson-BCC estime en moyenne à 12 % pour ses bouteilles et à 9,4 % pour l’ensemble de la profession — n’a toutefois pas découragé les acheteurs fortunés aux États-Unis ou au Royaume-Uni.

Les exportations de cuvées prestige, par exemple, ont progressé de 18,2 % l’an dernier, selon le Comité champagne. Et près de 58 % des bouteilles françaises sont désormais vendues à l’export.

Le prix moyen de l’hectare en Champagne est également reparti à la hausse en 2022 et a dépassé le million d’euros (+2,4 %), « sur un marché foncier très actif », a indiqué jeudi le régulateur du foncier rural Safer.

2023, une année « plus difficile ? »

Le marché du champagne a montré toutefois quelques signes de fatigue au second semestre 2022, du fait de tensions sur les matières premières, notamment le verre, et d’une inflation qui pèse de plus en plus lourdement sur les achats des consommateurs.

La part des fines bulles vendues sur le marché français a ainsi diminué d’environ 2 % l’an dernier, selon le CIVC.

Si la hausse du prix des bouteilles a permis de maintenir la croissance du chiffre d’affaires, les ventes en nombre de bouteilles ont diminué pour des groupes familiaux tel Laurent-Perrier (-7,9 %). Des géants mondiaux comme LVMH (Dom Pérignon, Veuve Clicquot…) sont en revanche moins affectés.

Après « deux années de redressement […] nous pensons que 2023 devrait être une année difficile », a indiqué le courtier Oddo BHF dans une note publiée lundi.

D’après l’analyste financière Fatma-Agnès Hamdani, le ralentissement de la demande « semble s’être amorcé au deuxième semestre 2022 dans le circuit de distribution en France, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne ».

Les marques « très exposées à la grande distribution française », comme Burtin et Chanoine pour Lanson-BCC, ont par ailleurs connu une année « plus difficile » que celles vendues à l’étranger, indiquait le groupe mi-mars.

Selon la note d’Oddo BHF, diverses maisons ont choisi de moins écouler de bouteilles au second semestre « pour préserver les ventes futures », au risque de rencontrer des difficultés pour répondre aux commandes. 

La filière anticipe d’ailleurs une baisse de 5 à 8 % des volumes de champagne expédiés, ce à quoi s’ajoutent « les incertitudes liées au contexte géopolitique et à la conjoncture économique », avait souligné Lanson-BCC.