Les retrouvailles annuelles de la gastronomie québécoise se tenaient lundi au New City Gas, dans une ambiance un peu chaotique, mais bon enfant comme toujours. Cette année, aux Lauriers, on peut dire que les femmes de l’industrie de la restauration et autres métiers de bouche ressortent grandes gagnantes.

Neuf des 17 prix sont remportés par des femmes, et c’est sans compter leur présence implicite dans certaines catégories, comme celle du tourisme gourmand et de l’initiative de l’année.

Si la liste Canada’s 100 Best, sortie le 14 mai, a consacré pour la deuxième année de suite un restaurant à l’excellence festive et décontractée (Mon lapin), la brigade et le jury des Lauriers ont pour leur part plutôt célébré un établissement dont la cuisine est un laboratoire et la salle à manger, un espace performatif. Tanière⁠3 est le restaurant de l’année, après que son chef, François-Emmanuel Nicol, eut été sacré chef de l’année en 2023.

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Le mixologue de l'année : Simon Faucher, de Tanière⁠3. L'établissement a aussi été sacré restaurant de l’année.

C’est également le créateur de cocktails de cet établissement très haut de gamme de Québec, Simon Faucher, qui a produit les meilleurs cocktails de la dernière année. Pour avoir fait l’expérience de Tanière3 l’été dernier, nous confirmons que les créations liquides du barman, avec ou sans alcool, sont un des points forts du restaurant. Le groupe La Tanière vient justement d’ouvrir Le Vieux Carré, bar à cocktails adjacent à son restaurant L’Orygine.

Cette année, c’est Fisun Ercan qui repart avec un des trophées les plus convoités, celui de chef de l’année, pour le travail qu’elle abat tant dans les champs qu’aux fourneaux de Bika Ferme & Cuisine, à Saint-Blaise-sur-Richelieu.

Pour moi, c’est un marathon depuis 23 ans. Au début, je voulais vraiment représenter la cuisine turque au Québec. Plus tard, ma responsabilité a shifté vers une cuisine de ma terre d’adoption. Avec ce prix, je sens pour la première fois que j’appartiens vraiment ici.

Fisun Ercan, cheffe de l’année

Une autre femme installée à la campagne est nommée révélation de l’année. C’est Chloé Ouellet, de la table fermière Au pâturage, située à Sainte-Perpétue. La pâtissière vedette de 2023 œuvre elle aussi hors des grands centres. Gabrielle Hiller-Rivard tient sa Cabane sur le Roc à Saint-Joseph-du-Lac, où ses exquises douceurs sont sucrées à l’érable.

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La révélation de l'année : Chloé Ouellet, de la table fermière Au pâturage

Les listes et les prix se succèdent et ne se ressemblent pas ? Peut-être un peu quand même, puisque Vanya Filipovic (Mon lapin) vient de remporter avec son Laurier un deuxième titre de sommelière de l’année en quelques semaines seulement.

Après avoir été finaliste plusieurs fois, Mélanie Blanchette (Bouillon Bilk, Cadet, Place Carmin, Oncle Lee) remporte le prix du meilleur service. Visiblement mal à l’aise, la restauratrice respectée a déclaré : « Ce n’est pas parce que je ne suis pas capable d’accepter un compliment, mais le service, c’est vraiment un métier d’équipe. »

Sont également enfin gagnants, après de nombreuses sélections depuis 2018, le semencier savant Patrice Fortier, qui a construit sur 23 ans tout un univers à La Société des plantes (producteur de l’année), à Kamouraska, et l’exceptionnelle charcutière Nathalie Joannette, de Fou du cochon, à La Pocatière.

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Le producteur de boissons de l’année : Samuel Lavoie, de Ferme le Raku

Le Kamouraska brille aussi avec la victoire de Samuel Lavoie (producteur de boissons de l’année), qui élabore des vins vibrants à la Ferme le Raku. Celui-ci, victime il y a deux ans d’un grave accident qui l’a confiné à un fauteuil roulant, a tenu à remercier tous ses collègues qui l’ont aidé à traverser cette épreuve d’une vie.

De Geneviève Everell à Janette Bertrand

Pour la deuxième fois depuis le début des Lauriers en 2018 (la première étant l’an dernier, alors qu’il était membre du jury !), Ricardo ne remporte pas le Prix du public. Il revient plutôt à Geneviève Everell. Atteinte d’un cancer du sein, la lauréate a livré un message filmé d’avance particulièrement émouvant où elle a rappelé au public tout le chemin parcouru par la « p’tite fille de Limoilou » qu’elle est.

L’autre temps fort de la soirée fut l’hommage tendre et drôle rendu par Christian Bégin à l’intemporelle Janette Bertrand, qui déclarait : « Cuisiner, c’est aimer. Tu peux pas cuisiner quand t’es en maudit ! Tu peux pas cuisiner pour quelqu’un dont tu veux te débarrasser ! Quand tu veux séduire quelqu’un, tu cuisines. Alors oui, la cuisine, c’est l’amour. »

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Le prix Hommage a été remis par Christian Bégin à Janette Bertrand.

Élise Tastet, elle, aime d’amour l’industrie de la restauration. Son entreprise vient justement de lancer l’application Tastet+, l’aboutissement de 10 ans de travail acharné pour répertorier les meilleures adresses d’ici et d’ailleurs. Elle remporte le prix du rayonnement de la culture culinaire.

La superbe Maison de Soma, à Mont-Tremblant, a remporté le prix du tourisme gourmand. Envie d’être plus dépaysé ? Les Rendez-vous loup marin des Îles-de-la-Madeleine, lauréats du prix de l’évènement gastronomique de l’année, pourraient faire l’affaire !

La table ronde, collectif réunissant 168 tables québécoises indépendantes, a été choisie comme entreprise ou initiative de l’année pour sa défense des intérêts de la restauration d’ici.

Après deux heures d’une remise de prix animée par la fondatrice des Lauriers Christine Plante et par Francis Reddy, la foule s’est déversée dans les nombreux espaces de New City Gas pour festoyer encore un peu.