Le chef conservateur Erin O’Toole dit comprendre des nuances entourant le débat sur les armes à feu qui échappent à Justin Trudeau. Il accuse le premier ministre sortant de diviser ainsi les Canadiens en « utilisant des tragédies » pour « blâmer » les personnes « qui respectent les règles ».

En entrevue éditoriale avec La Presse mercredi, il a aussi promis que des ministres québécois « expérimentés » seront de son cabinet, s’il est élu à la tête du gouvernement.

« J’ai utilisé les armes à feu dans l’armée, donc je comprends la différence entre une arme militaire et les autres. Je ne suis pas un tireur sportif, mais je comprends. Je vais toujours avoir une approche de respect. Ce n’est pas le cas de M. Trudeau. Il est en train de diviser les Canadiens. Mon approche sera raisonnable, mais toujours ciblée sur la sécurité publique », a expliqué l’homme de 48 ans.

Erin O’Toole a accusé le gouvernement libéral d’avoir « utilisé des tragédies » à des fins politiques, notamment après la tuerie d’avril 2020 en Nouvelle-Écosse.

« C’est injuste de blâmer les Canadiens qui suivent les règles pour des fusillades, par exemple à Montréal, avec des gangs de rue. […] C’est pourquoi on doit avoir un processus public, avec tous les groupes concernés, pour améliorer notre système de classification », a-t-il dit.

Le contrôle des armes à feu est un enjeu délicat depuis le début de la campagne pour Erin O’Toole, que les libéraux accusent de défendre le « lobby pro-armes ». La semaine dernière, le Parti conservateur a ajouté une note en bas de page à sa plateforme, qui promet l’abolition du décret interdisant quelque 1500 modèles d’armes à feu. « Toutes les armes à feu actuellement interdites le resteront », peut-on y lire. Justin Trudeau avait alors taxé M. O’Toole de vouloir « berner les Canadiens » par son « manque de clarté ».

Des organisations comme PolySeSouvient craignent qu’un gouvernement conservateur détruise les efforts des dernières années, « au point où ce ne sera plus récupérable », et condamnent qu’Erin O’Toole ait accédé au leadership avec des positions plus fortes sur les armes à feu. De surcroît, l’argument voulant que les bons propriétaires ne doivent pas être pénalisés est le « premier argument du gun lobby », selon l’organisme.

M. O’Toole, lui, assure que son plan est « clair ». « On doit enlever la politique de tout ça, a-t-il réitéré en entrevue. Avec les fusillades, le plus grand nombre des armes à feu sont illégales. On veut un processus plus juste pour les Canadiens qui suivent les règles », a-t-il insisté en entrevue.

Ça prend une approche basée sur les faits et sur la science. J’ai aussi beaucoup de respect pour les familles et les victimes. On doit entendre leur point de vue.

Erin O’Toole, chef du Parti conservateur du Canada

Vers un cabinet très « québécois » ?

S’il est porté au pouvoir, l’une des premières tâches d’Erin O’Toole sera de constituer son cabinet. Qui sera, par exemple, le ministre des Finances ? À cette question, M. O’Toole n’a pas voulu s’avancer mercredi, mais a assuré que des ministres québécois « expérimentés et prêts » seront sur la ligne de départ.

Mercredi soir, lors d’un rassemblement partisan à Orford, le chef conservateur n’a toutefois laissé que peu de doutes sur ses intentions, en promettant, s’il est élu, d’envoyer l’homme d’affaires Vincent Duhamel, candidat dans Brome-Missisquoi, « à la table des décisions ».

« Je vous demande d’envoyer Vincent Duhamel à la table des décisions. J’ai besoin de Vincent pour assurer une reprise économique dans chaque secteur », a martelé M. O’Toole. C’est d’ailleurs M. Duhamel – pressenti pour devenir ministre des Finances dans un éventuel gouvernement conservateur – qui avait ouvert la cérémonie en affirmant voir le « potentiel d’une deuxième vague bleue » au Canada.

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Vincent Duhamel, candidat conservateur dans la circonscription de Brome-Missisquoi

« Vincent est un ami et il est très expérimenté. Il a travaillé à Montréal, à Hong Kong, et il est un bénévole pour notre parti depuis 30 ans. Je suis fier de lui. On a aussi des députés avec beaucoup d’expérience à l’Assemblée nationale et au fédéral, comme Gérard Deltell ou Alain Rayes », a aussi précisé M. O’Toole en entrevue avec La Presse.

Ultimement, il sera « très important » pour un cabinet O’Toole que le Québec ait une « voix forte ». « C’est pourquoi je dis chaque jour que les nationalistes québécois méritent une chaise à la table des décisions. C’est impossible avec le Bloc, mais c’est possible avec les conservateurs », a illustré le chef.

Ce qu’il a dit sur…

Les garderies au Québec

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Le gouvernement Legault a conclu une entente sans condition de 6 milliards sur cinq ans avec le gouvernement Trudeau dans le cadre de son programme national de garderies.

« Au Québec, le système est en place. On va donc respecter le montant [prévu par l’entente entre Québec et le gouvernement Trudeau] pour la prochaine année, puis on aura un budget pour une approche de coordination après ça. »

Les affaires étrangères

PHOTO LARS HAGBERG, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Une marche de solidarité avec « les deux Michael » – Michael Kovrig et Michael Spavor, emprisonnés en Chine – a eu lieu à Ottawa le 5 septembre dernier.

« C’était difficile de voir M. Trudeau en Inde. On a vu une diminution de notre réputation avec les États-Unis, et la situation avec la Chine est terrible. Je vais me tenir debout pour nos citoyens, pour les deux Michael. Et je suis prêt pour ça parce que j’ai servi en uniforme à côté de nos Alliés. »

Yves-François Blanchet

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

« J’ai beaucoup de respect pour M. Blanchet et ses efforts sur la langue et l’identité québécoise. Il y a une certaine amitié entre nous, mais je reste le seul chef qui peut remplacer M. Trudeau. »

Jagmeet Singh

PHOTO NICK IWANYSHYN, REUTERS

Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique

« Le NPD a une approche de dépenses sans limites, plus que M. Trudeau. Mais j’ai beaucoup de respect pour Jagmeet aussi. Peut-être que dans certaines politiques, particulièrement pour les familles à faible revenu, on va trouver des points en commun. »