Les riverains de Verchères, de Varennes et de Contrecœur sont inquiets. Depuis des années, ils voient leur terrain grugé par les vagues du fleuve Saint-Laurent. Ils déplorent l’inaction du gouvernement fédéral, qui a cessé d’entretenir les murs de protection contre l’érosion. En pleine campagne électorale, un appel à l’aide est lancé, et une action collective contre le gouvernement est autorisée.

Angélique Beauchemin a 100 ans. Elle réside à Verchères depuis sa naissance. Elle se souvient que lorsqu’elle était toute petite, les enfants se baignaient dans l’eau du Saint-Laurent. Les berges étaient alors recouvertes de sable.

La centenaire a reçu La Presse sur le terrain de sa résidence le 21 août, sous une chaleur écrasante. Le mélange de roche, de gravier et de ciment qui protège son terrain de l’érosion s’est en partie effondré, laissant le sol exposé aux remous des vagues.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Angélique Beauchemin

Sur le terrain d’à côté, il ne reste plus rien. C’est tout mangé.

Angélique Beauchemin, résidante de Verchères

La vieille dame s’assoit dans son jardin luxuriant aux côtés de Micheline Lagarde, présidente du Comité pour la protection des berges du Saint-Laurent. Une initiative créée en janvier 2019, pour demander au gouvernement fédéral de « prendre ses responsabilités ».

Le 19 août, la Cour supérieure du Québec a autorisé une action collective de 50 millions de dollars intentée par des citoyens de Verchères, de Varennes et de Contrecœur contre le gouvernement canadien.

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Une partie du mur qui protège le terrain d’Angélique Beauchemin s’est effondrée, à Verchères.

Les riverains déplorent que depuis l’abolition du programme de protection des berges par Pêches et Océans Canada en 1997, les murs de soutènement construits des années 1950 à 1970 se détériorent. Les vagues engendrées par la circulation des navires commerciaux dans le chenal seraient en cause dans l’érosion de leur terrain, estiment-ils.

Le gouvernement fédéral a construit le chenal dans les années 1900. Il se défend notamment en disant que le lit du fleuve relève de la responsabilité de Québec, selon les citoyens de Verchères.

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Micheline Lagarde, présidente du Comité pour la protection des berges du Saint-Laurent

C’est d’une grande tristesse que le gouvernement nous abandonne là-dedans.

Micheline Lagarde, présidente du Comité pour la protection des berges du Saint-Laurent

La présidente du comité pour la protection des berges a écrit à de nombreux politiciens, et a lancé une pétition qui a récolté 2300 noms en 2019.

Un long processus

Même si les habitants de Verchères se réjouissent de l’action collective, ils craignent que le processus judiciaire ne s’étire.

« [Une action collective] se règle rarement en moins de cinq ans, et des fois, ça se prolonge au-delà de ça », confirme MOlivier Laurendeau, l’avocat représentant les riverains dans ce dossier.

Certains résidants ont pris la décision de poursuivre individuellement le gouvernement. L’une des démarches s’est soldée par un désistement du fédéral, et un règlement à l’amiable.

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Diane Lalonde, assise sur un morceau de béton d’un mur qui s’est effondré

« Si chacun fait sa propre solution, on ne fait rien. On ne règle pas le problème », croit une riveraine de Verchères, Diane Lalonde.

À quelques kilomètres de chez Mme Beauchemin, l’érosion gruge d’ouest en est le terrain de Michel Vaïs. Auparavant, des roches recouvraient des blocs de béton se trouvant au pied de son mur de soutènement. Au printemps 2021, sa femme, Françoise Crête, a remarqué que les pierres et les blocs partaient progressivement à la dérive.

La dégradation du mur n’est pas encore critique chez M. Vaïs. « Il y a des gens qui ne pouvaient pas attendre comme nous », nuance-t-il.

L’un de ses voisins, dont la structure de la maison était menacée par l’érosion, a dû entreprendre lui-même des travaux, au coût de plusieurs centaines de milliers de dollars.

« C’est comme si ce n’était la responsabilité de personne », lance Diane Lalonde.

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Les vagues provoquées par la circulation des navires commerciaux dans le chenal seraient en cause dans l’érosion de leurs terrains, estiment les résidants.

Des candidats veulent agir

Le député sortant de la circonscription de Pierre-Boucher–Les Patriotes–Verchères, Xavier Barsalou-Duval, est bien au fait, depuis trois ans, des préoccupations des riverains.

Le candidat du Bloc québécois a organisé des consultations citoyennes sur le sujet en 2018. Il a déposé la pétition réalisée par les riverains à Ottawa une première fois. N’ayant pas eu de réponse, M. Barsalou-Duval l’a déposée de nouveau en 2020.

« La réponse qu’on a eue, c’est que selon [le fédéral], c’est simplement un effet des changements climatiques, et qu’il ne pouvait rien faire de plus », explique le politicien. « C’est vraiment frustrant », renchérit-il.

Xavier Barsalou-Duval souhaite continuer de faire des pressions pour remédier à cet enjeu. « On a mis dans notre plateforme électorale [vouloir financer] des ouvrages de protection qui sont entretenus », a-t-il souligné.

« Je crois que la collaboration avec tous les intervenants est d’une importance capitale dans ce dossier. […] Je m’engage à faciliter ce dialogue pour en arriver à une solution convenable pour tous », a répondu par courriel le candidat libéral, Louis-Gabriel Girard.

Le candidat du Nouveau Parti démocratique (NPD), Martin Leprohon, estime que « le gouvernement libéral semble faire du surplace dans ce dossier-là ».

« Au NPD, de notre côté, on veut développer une stratégie pancanadienne de crise climatique, pour aider les communautés à planifier et à s’adapter aux changements climatiques », a-t-il détaillé, en entrevue avec La Presse.

Le Parti conservateur n’a pas fait suite aux demandes d’entrevue de La Presse. Le Parti vert ne présente pas de candidat dans cette circonscription.