Les conservateurs ont déposé une plainte formelle auprès d’Élections Canada contre les libéraux de Justin Trudeau, jugeant que ceux-ci ont « volontairement altéré » le contenu d’une vidéo de leur chef Erin O’Toole et ainsi violé la loi électorale.

C’est sur le compte Twitter de la vice-première ministre sortante, Chrystia Freeland, que ladite vidéo a d’abord été publiée dimanche matin. « L’année dernière, alors que COVID-19 faisait rage, on a demandé à Erin O’Toole s’il apporterait des soins de santé privés à but lucratif au Canada. Il a répondu sans équivoque : oui », écrit alors la libérale.

L’enregistrement original date de juillet 2020. Le chef conservateur s’y positionne en faveur d’une plus grande implication du secteur privé dans le système de santé public. « Si nous voulons voir de l’innovation, nous devons trouver une synergie entre le public et le privé et nous assurer que l’accès universel demeure primordial », dit-il, ajoutant que pour avoir « plus de choix et de meilleures performances, nous ne pouvons pas avoir seulement un vieux modèle qui devient de plus en plus inefficace ».

Or, dans la version partagée par la ministre Freeland, plusieurs morceaux de phrases semblent avoir été coupés puis collés ensemble. L’engagement du chef conservateur de protéger l’accès universel a notamment été enlevé, tout comme son appel à l’« innovation ». Ultimement, le résultat laisse croire que M. O’Toole souhaite remplacer le système public, plutôt que de le soutenir avec une implication du privé.

Twitter a d’ailleurs rapidement apposé l’étiquette de « média manipulé » sous la publication, afin de prévenir les internautes que le contenu est possiblement trompeur. Cette fonction, utilisée à plusieurs reprises pendant les élections américaines, a pour but de « fournir plus de contexte et de permettre aux utilisateurs de juger de leur authenticité », fait valoir le réseau social.

Attitude jugée honteuse

Dans une lettre envoyée dimanche au commissaire aux élections, Yves Côté, les conservateurs soutiennent avec force que le Parti libéral a « honteusement » et « volontairement » modifié le contenu de la vidéo originale de manière à « dénaturer maintenant la position du PCC ».

« Nous demandons que votre bureau entame une enquête immédiate sur cette affaire, afin de déterminer l’identité de chaque personne responsable », martèle l’avocat du parti, MArthur Hamilton, en parlant d’un « motif particulièrement cynique » qui n’a pour but que de désinformer la population.

Du même souffle, le Parti conservateur demande au commissaire « d’utiliser les pouvoirs de recours disponibles » pour faire supprimer la vidéo de toutes les plateformes. Lundi, en début d’après-midi, la vidéo était toujours disponible sur la page de Mme Freeland.

Trudeau se défend, les oppositions suivent

Justin Trudeau, qui avait aussi partagé la vidéo sur son propre compte, s’est défendu lundi en disant que « M. O’Toole a clairement dit qu’il appuyait un système à deux vitesses ». « On a publié l’entrevue au complet et j’encourage tous les Canadiens à regarder exactement ce que M. O’Toole pense de notre système de santé », a-t-il ajouté depuis Halifax, où il fait campagne lundi.

Dans les rangs néo-démocrates, le chef Jagmeet Singh a expliqué « ce que le Parti libéral a fait, effectivement, c’est de partager de l’information fausse ». Il a profité de l’occasion pour plaider en faveur d’une plus grande régulation des réseaux sociaux.

« Les racines de la haine, c’est sur les médias sociaux. On voit beaucoup de messages haineux, des messages faux qui sont partagés pour radicaliser les gens », a-t-il lancé à ce sujet, en plaidant pour « des mécanismes et des projets de loi qui sont forts pour interdire cette sorte de désinformation ».

De son côté, le bloquiste Yves-François Blanchet a indiqué lundi qu’il trouvait « extrêmement délicat d’instrumentaliser dans un contexte de campagne électorale un phénomène aussi complexe que l’exercice de restriction à la liberté d’expression sur les réseaux sociaux ».

« S’il y a quelqu’un qui reçoit son voyage d’insultes et de menaces sur les réseaux sociaux, c’est bien moi. […] C’est très dérangeant, mais ce n’est pas rendu au point où il faille faire une surenchère et promettre des restrictions à la liberté d’expression. On a vu ce que sont des restrictions à la liberté d’expression dans la culture multiculturaliste canadienne quand l’Université d’Ottawa s’est fait fort de prendre positions qui étaient rigoureusement anti-Québec aussi », a-t-il enchaîné.

Avec La Presse Canadienne