Tout au long de la campagne, La Presse visite des circonscriptions où rien n’est joué, à la rencontre des électeurs, des candidats, et des enjeux qui leur tiennent à cœur. Aujourd’hui : Hochelaga.

Le projet de terminal de conteneurs de Ray-Mont Logistiques, dans Hochelaga, s’invite dans la campagne fédérale. Alors que libéraux, bloquistes et néo-démocrates se feront encore cette année une chaude lutte dans le secteur, chaque candidat s’entend pour dire qu’il faudra au minimum développer le dossier autrement.

« Je suis totalement contre ce projet, il n’y a personne qui veut ça dans notre circonscription. Il y a un travail à faire dans les zonages au lourd passé industriel. Mais il faut aussi comprendre que l’aménagement du territoire relève de la Ville de Montréal », relève d’emblée la députée libérale sortante, Soraya Martinez Ferrada.

Élue avec une mince avance devant le Bloc québécois en 2019, Mme Martinez Ferrada affirme qu’il faut sérieusement « travailler à des mesures de mitigation », en intégrant le Réseau express métropolitain — qui accaparera 36 % du lot en vertu d’une réserve foncière de la Caisse de dépôt. « Il faut que tous les partenaires soient à la table », lance-t-elle.

C’est en 2016 que Ray-Mont Logistiques a acheté les terrains de l’ancienne fonderie Canadian Steel, entre les rues Hochelaga et Notre-Dame. La société souhaite y construire un vaste terminal de transbordement direct du vrac au conteneur. En 2017, l’arrondissement a d’abord refusé de délivrer les permis. Ont suivi deux procès, que Ray-Mont Logistiques a gagnés.

Si ses pouvoirs sont « limités », Soraya Martinez Ferrada ne s’empêche pas pour autant de déplorer « le manque de vision à long terme » du projet. « Dans l’est de Montréal, on a environ 50 millions de pieds carrés à développer. Il faut que ce soit fait avec une vision verte et inclusive, digne d’une cohabitation entre l’économie et ses citoyens », dit-elle.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Soraya Martinez Ferrada, députée libérale sortante de la circonscription Hochelaga

Le promoteur Charles Raymond, lui, se dit conscient que le projet peut susciter des préoccupations. « C’est la raison pour laquelle on s’est engagés à retarder les travaux majeurs reliés à nos opérations pour élaborer conjointement avec la Ville et les citoyens des mesures de mitigation concrètes », a-t-il indiqué à La Presse.

Une première rencontre du groupe de travail s’est tenue le 11 août et une visite des installations de l’entreprise dans le Sud-Ouest a eu lieu le 17 août, ajoute M. Raymond. « Nous accordons beaucoup de sérieux aux travaux de ce groupe et croyons sincèrement en sa capacité de bonifier notre projet », poursuit-il.

La Ville de Montréal, elle, indique qu’elle « travaille actuellement avec des représentants de l’entreprise et les citoyens afin de développer un projet socialement acceptable, identifier les nuisances possibles et les solutions adéquates pour l’ensemble des acteurs concernés ».

« Nous espérons que les autres [ordres] de gouvernement seront présents à nos côtés et actifs afin de collaborer à la mise en place des solutions qui seront identifiées », affirme l’attachée de presse de la mairesse, Marikym Gaudreault.

« On ne peut pas juste se dédouaner »

Au Bloc québécois, le candidat Simon Marchand — qui avait obtenu à peine 0,6 point de pourcentage de voix de moins que sa rivale libérale il y a deux ans — affirme qu’Ottawa ne peut « pas juste se dédouaner » d’intervenir dans ce dossier. « Dans le contexte où on part en relance économique, il y aurait clairement moyen d’avoir des fonds pour avoir un meilleur projet : quelque chose de mixte avec des pôles de développement, avec du logement social et du verdissement », explique-t-il en entrevue.

COURTOISIE BLOC QUÉBÉCOIS

Simon Marchand, candidat bloquiste dans Hochelaga

Selon lui, Ottawa pourrait très bien « racheter le terrain » et encourager le promoteur « à aller s’installer dans une autre installation portuaire, à Contrecœur, par exemple ». « Je comprends qu’il y a des enjeux de [compétence], mais ce n’est pas fair non plus de dire qu’on ne peut rien faire. On peut trouver des moyens de faire mieux », soutient M. Marchand.

C’est un projet qui va créer un îlot de chaleur hallucinant. Et c’est sur un terrain sur lequel passent des rails, donc ultimement, l’enjeu touche le fédéral.

Simon Marchand, candidat du Bloc québécois dans Hochelaga

La néo-démocrate Catheryn Roy-Goyette, elle, propose de « travailler avec les différents [ordres de gouvernement] pour exproprier Ray-Mont Logistiques ». « On parle d’un projet qui ne peut pas cohabiter avec des résidences qui, pour certaines, sont à moins de 150 m de distance. Sur le plan environnemental, particulièrement avec le récent rapport du GIEC, ça n’a aucun sens », note-t-elle à ce sujet.

PHOTO FOURNIE PAR LE NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

Catheryn Roy-Goyette, candidate néo-démocrate dans Hochelaga, en compagnie de son chef, Jagmeet Singh

« Ce que je reproche beaucoup à la députée actuelle, c’est qu’elle n’a rien fait dans le dossier. Elle a rencontré les citoyens en disant qu’elle était impuissante. Pour moi, si une députée abdique de cette façon, autant laisser la place à quelqu’un qui va agir pour défendre les citoyens », ajoute la candidate du Nouveau Parti démocratique (NPD).

Soraya Martinez Ferrada, elle, rétorque que « le NPD fait une proposition extrêmement irresponsable » en proposant une expropriation. « Ils pensent que c’est ce que les gens veulent entendre, mais la réalité est qu’on ne sait pas comment ils pourraient exproprier un promoteur protégé par les lois de la Cour à deux reprises », laisse-t-elle entendre, en appelant à plus de pragmatisme.

« Il semble évident que le fédéral a un pouvoir considérable dans ce dossier, alors que la Ville est bâillonnée et que le gouvernement du Québec refuse toujours de se prononcer », a de son côté réagi une porte-parole du comité citoyen Mobilisation 6600, Josée Desmeules. Elle affirme que son groupe « continuera de solliciter des prises de position claires des ministres fédéraux, aux Transports et à l’Environnement ».