(Fredericton) À l’automne 2015, la carte électorale au Canada atlantique a viré complètement au rouge, alors que les libéraux raflaient les 32 sièges de la région. Mais cette année, le Parti vert espère tirer profit des récents succès des écolos dans certaines provinces.

En 2018, les citoyens du Nouveau-Brunswick ont élu trois verts à l’Assemblée législative. Cette année, huit députés verts ont été élus à l’Île-du-Prince-Édouard, la province voisine, ce qui fait de ce parti l’opposition officielle à l’Assemblée législative. Pour les élections fédérales du 21 octobre, le Parti vert du Canada souhaite une percée dans plusieurs circonscriptions clés de l’Atlantique, avec Fredericton en tête de liste.

Cette circonscription se donne en alternance des députés libéraux et conservateurs depuis des lustres, mais les électeurs de la région témoignent aujourd’hui d’une grande affinité pour les verts. Le chef du parti provincial, David Coon, est député de Fredericton-Sud à l’Assemblée législative depuis 2014 — il a donc été élu deux fois.

« Le Nouveau-Brunswick ne fera pas cette fois l’unanimité pour les libéraux », croit Donald Wright, politologue à l’Université du Nouveau-Brunswick. Alors que les libéraux sont menacés par la droite conservatrice dans les circonscriptions du sud de la province, la compétition, à Fredericton, viendra de la gauche, estime-t-il. « Fredericton a voté vert pour David Coon lors des deux dernières élections provinciales. Il est donc clair que Fredericton, une ville universitaire dotée d’une fonction publique instruite, constitue un terreau fertile pour un vote vert et progressiste », analyse le professeur Wright.

La candidate des verts dans Fredericton, Jenica Atwin, est une jeune mère de deux enfants qui travaille comme chercheuse et coordonnatrice de programmes en éducation auprès des Premières Nations. Elle se dit optimiste quant à ses chances, mais reconnaît que la course à trois pourrait être serrée. « Nous constatons dans le porte-à-porte beaucoup de soutien, vraiment, dans tout le spectre politique : les verts sont considérés comme une option cette fois-ci », a-t-elle soutenu.

PHOTO KEVIN BISSETT, LA PRESSE CANADIENNE

Jenica Atwin

Mme Atwin tentera de déloger le député libéral Matt DeCourcey, qui avait remporté la victoire en 2015 avec 49 % des voix. En 2011, le conservateur avait gagné avec sensiblement le même score. M. DeCourcey admet aujourd’hui que la course pourrait être serrée cette fois, mais il prévient les progressistes que la division du vote à gauche favorisera les conservateurs.

Le vote stratégique ?

« Les gens me parlent de la menace numéro un […] Nous ne pouvons pas risquer d’appuyer un parti qui fera élire un candidat bleu à Fredericton, a soutenu M. DeCourcey. Je pense que les gens comprennent le risque réel que représente l’élection d’un candidat conservateur et d’avoir Andrew Scheer comme premier ministre. »

Les conservateurs misent sur Andrea Johnson, une consultante en affaires internationales et en développement économique, tandis que le candidat néo-démocrate est Mackenzie Thomason, récemment devenu chef par intérim du parti provincial.

Les néo-démocrates ont annoncé tardivement leurs candidats au Nouveau-Brunswick et ont récemment été secoués par l’annonce que d’anciens candidats provinciaux se joignaient en masse aux verts. Beaucoup de ces gens ont toutefois indiqué plus tard qu’il y avait eu malentendu et que leur nom n’aurait pas dû être inclus parmi les transfuges.

Le politologue Wright croit que ces problèmes internes pourraient aider les verts à se frayer un chemin à Fredericton. « Ce vote féministe, progressiste, de gauche, néo-démocrate va chercher un endroit où se loger, et cela pourrait bien être chez Jenica Atwin et le Parti vert », a-t-il déclaré.

La chef des verts fédéraux, Elizabeth May, s’est rendue à plusieurs reprises dans la capitale provinciale pour faire campagne avec Mme Atwin. Mardi, David Coon et le chef des verts de l’Île-du-Prince-Édouard, Peter Bevan Baker, ont aussi pris part à un événement de campagne à Fredericton.

« Nous connaissons les endroits où nous sommes forts, et Fredericton en est un », a déclaré M. Bevan Baker, qui croit que les verts ont « une chance réaliste » dans quelques circonscriptions de l’île. « Le Parti vert ne formera pas le prochain gouvernement à Ottawa, mais nous pourrions, avec un bon nombre de sièges, détenir la balance du pouvoir », a-t-il estimé. « Nous pourrions jouer un rôle important et influent au sein du prochain Parlement. »

David Coon, lui, croit que de plus en plus de gens appuient les verts sans nécessairement voter contre les libéraux ou les conservateurs. « Il est très clair que, lorsque les verts ont été élus dans les assemblées législatives des provinces, c’était un vote pour le parti plutôt qu’un vote de protestation », a-t-il estimé. « Une fois que quelques-uns d’entre nous ont été élus et qu’il est devenu évident que les verts étaient éligibles […] ça a vraiment créé un tournant. »