Tout au bout du chemin Roxham, point névralgique de l’immigration clandestine au pays, le chef conservateur Andrew Scheer a promis une foule de mesures visant à endiguer le flux de passages irréguliers. Parmi celles-ci, le chef conservateur veut renégocier l’entente de tiers pays sûr avec les États-Unis, qui empêche le Canada de refuser les demandeurs d’asile traversant la frontière ailleurs qu’en des postes frontaliers officiels.

Selon Scheer, c’est une « faille béante » dans cette entente signée en 2002 et entrée en vigueur en 2004 qui en cause. Rouvrir l’entente permettrait de traiter en priorité ceux qui demandent à venir au Canada par les voies « appropriées », en particulier avec le programme de réunification des familles, avance-t-il.

Le lieu choisi pour l’annonce était loin d’être un hasard. Le chemin Roxham est le passage clandestin le plus emprunté au Canada, et de loin. Au cours des dernières années, c’est un point chaud qui en est graduellement venu à incarner les tensions autour des politiques migratoires du pays. En 2017, plus 90 % des migrants entrés illégalement au pays sont entré par le chemin Roxham. L’année passée, c’était autour de 95 %.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Andrew Scheer sur le chemin Roxham.

Le matin même, à l’arrière du nouveau bâtiment construit pour l’accueil des migrants, des familles ont été aperçues en train de faire leur chemin vers le Canada, quelques instants avant la prise de parole d’Andrew Scheer devant les journalistes. Le chef conservateur a profité de sa présence sur ce lieu hautement symbolique afin d’étayer son approche aux enjeux migratoires.

Pleins pouvoirs à Québec ?

Sur la question du partage des pouvoirs, il s’est montré ouvert à la demande du gouvernement Legault en ce qui a trait aux droits provinciaux sur l’immigration, en déclarant vouloir cultiver le « fédéralisme d’ouverture ». « J’appuie la volonté du premier ministre Legault d’exercer toute son autonomie dans la sélection et les conditions d’accueil de ceux et celles qui veulent immigrer au Québec », a-t-il déclaré.

Québec demande les pleins pouvoirs dans le dossier de l’immigration. Cela inclut entre autres la possibilité de sélectionner les immigrants selon leur profil linguistique et leurs compétences professionnelles. Le gouvernement Legault désire aussi pouvoir abaisser les seuils d’immigration. Scheer ne s’est cependant pas prononcé sur le test de valeurs qu’aimerait instaurer le gouvernement caquiste, mais a semblé ouvert aux autres demandes.

s. t. : Plus de personnel aux frontières

Andrew Scheer a promis l’embauche de 250 agents des services frontaliers afin d’augmenter la surveillance des passages aux frontières. Le chef veut aussi déployer des juges de la commission de l’immigration et du statut de réfugié vers les « points chauds » de migration irrégulière, comme Roxham, afin d’accélérer le traitement des demandes.

Sans pointer vers une baisse des seuils d’immigration, il a toutefois laissé entendre qu’il était prêt à les ajuster de manière annuelle, en « accordant la priorité » à l’immigration économique. « Ces niveaux devront aussi tenir compte de notre capacité à accueillir convenablement les réfugiés humanitaires », a-t-il précisé.

Toujours en misant sur le volet économique de l’immigration, Scheer a dit vouloir faciliter la reconnaissance des compétences chez les immigrants, même cela relève plutôt des compétences provinciales. « Nous sommes tous perdants quand des médecins et des ingénieurs ne peuvent pas exercer leur profession », a-t-il dit.

Il veut porter une attention « spéciale » aux individus qui « pourraient être membres d’organisations criminelles, comme “le MS-13 », un groupe criminel souvent utilisé comme épouvantail par les républicains aux États-Unis lorsqu’il est question de migration clandestine.

Finalement, Scheer veut favoriser le parrainage privé des réfugiés, qui donne « de bien meilleurs résultats pour les individus que le parrainage gouvernemental », selon lui.

Invité à commenter l’annonce d’Andrew Scheer, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a rappelé que s’il est élu premier ministre, il suspendrait l’accord sur les tiers pays sûrs.

« Les gens qui traversent illégalement la frontière fuient la mort et la persécution. L’administration Trump a mis des enfants en cage, bien sûr qu’ils ont peur ! », a dit M. Singh.

Selon lui, suspendre l’entente permettrait aux personnes de traverser la frontière par les postes frontaliers et d’avoir accès « à la même application de la loi » que tous les autres migrants.

- Avec Simon-Olivier Lorange, La Presse