(Ottawa) Deux groupes tiers ont modifié leurs stratégies publicitaires au déclenchement de la campagne électorale, montrant ainsi l’impact des nouvelles règles de la Loi électorale du Canada en matière de publicité.

Le groupe « Canadians for Clean Prosperity » a déployé une opération publicitaire pendant la période préélectorale (entre le 30 juin et le déclenchement de la campagne électorale le 11 septembre) en soutien à la taxe fédérale sur le carbone. Par l’intermédiaire d’un autre groupe appelé « Fair Path Forward », il a dépensé près de 170 000 $ en publicité sur Facebook. Mais tout ça a pris fin tout juste avant le déclenchement officiel des élections.

Un deuxième groupe tiers, « Canada Strong and Proud », a fait circuler des messages promotionnels en faveur de l’industrie canadienne des énergies fossiles, puis une fois la campagne lancée, ses publicités ont ciblé directement le chef libéral Justin Trudeau. Sur une page intitulée « Proud to be Canadian », le groupe a dépensé plus de 100 000 $ en publicités sur Facebook depuis juin, dont quelque 8500 $ depuis le début de la campagne.

Cette information est rendue publique par Facebook, dans un nouveau registre de publicités politiques canadiennes.

Mais malgré les énormes sommes d’argent dépensées, aucun de ces groupes n’a jusqu’à présent été obligé de divulguer ses contributions reçues ou ses dépenses auprès d’Élections Canada, en raison de la manière dont les nouvelles règles sur les tiers en vigueur au Canada traitent les « publicités sur des enjeux ».

La publicité en période préélectorale ciblant des enjeux politiques sans spécifiquement être pour ou contre un parti ou des candidats n’est pas réglementée. Cela signifie qu’un groupe tiers qui ne paye que pour des messages circulant en période préélectorale n’a pas besoin de dévoiler ses contributions reçues ni ses dépenses à Élections Canada.

Mais à partir du 11 septembre, toute la publicité visant des enjeux est considérée comme de la « publicité électorale » et doit être traitée de la même manière que les messages qui militent explicitement pour ou contre un parti ou un candidat. Les dépenses consacrées à ces publicités doivent être rapportées, de même que la source des revenus ayant servi à financer l’opération.

Des cas de groupes tiers ayant adapté leur stratégie aux nouvelles règles canadiennes ont déjà été observés. Au printemps, avant même la période préélectorale officielle, où les premières véritables règles commencent à entrer en vigueur, les groupes « Shaping Canada’s Future » et « Engage Canada » ont dépensé des dizaines de milliers de dollars en publicité sur les réseaux sociaux et à la télévision.

Aucun des deux groupes n’a eu l’obligation de s’enregistrer à titre de tiers ni de divulguer la liste de ses donateurs.

Le groupe « Canada Strong and Proud » n’a pas immédiatement répondu à nos demandes de commentaires pour expliquer les raisons pour lesquelles il a modifié son approche publicitaire à la suite du déclenchement des élections.

Toutefois, le directeur général de « Canadians for Clean Prosperity » – qui n’est pas inscrit en tant que tiers annonceur – a révélé que son groupe avait pris la décision de mettre fin à la diffusion de publicités au déclenchement de la campagne pour diverses raisons, dont celle de se conformer aux nouvelles règles électorales.

Michael Bernstein a indiqué que l’objectif de « Clean Prosperity » était de se contenter d’être visible en période préélectorale afin de demeurer non partisan et en retrait des arguments avancés pendant la campagne électorale officielle.

M. Bernstein a fait remarquer que la saison estivale est moins chargée en publicité politique et que son organisation espérait profiter de ce vide pour rejoindre un plus grand nombre de personnes.

Toujours selon Michael Bernstein, les nouvelles règles d’Élections Canada ont influencé la réflexion stratégique de « Clean Prosperity » de deux manières.

La première étant la crainte qu’un organisme de bienfaisance s’enregistrant auprès d’Élections Canada en tant que tiers annonceur puisse compromettre son statut aux yeux de l’Agence du revenu du Canada.

« Je pense que les organismes de bienfaisance pourraient s’enregistrer et ne pas être inquiétés, mais cette mince incertitude d’à peine 1 % fait en sorte que ça ne vaut pas la peine de prendre ce risque », a-t-il confié.

La deuxième, c’est l’obligation de transparence liée aux règles sur les tiers.

« Nous pensons qu’il est important que nos membres puissent faire des dons de manière à ne pas être exposés au genre d’attaques verbales auxquelles les gens sont confrontés sur l’internet de nos jours », a justifié M. Bernstein qui s’engage à préserver l’anonymat de ses donateurs.

Les groupes tiers qui ont dépensé ou reçu plus de 10 000 $ pour des activités réglementées par la Loi électorale doivent présenter un rapport intermédiaire en date du 30 septembre.