Le gouvernement du Québec a récemment déposé un projet de loi modifiant principalement la Loi sur le ministère de l’Économie et de l’Innovation en matière de recherche (MEIE). Rien d’alarmant, à première vue, pour la société québécoise. Si on l’examine de plus près, néanmoins, ce projet modifie 12 lois et abroge plus de 50 dispositions de la loi sur le ministère de l’Enseignement supérieur (MES).

Le gouvernement veut un transfert de toutes les responsabilités en matière de recherche scientifique du MES vers le MEIE, incluant le financement et l’éthique de la recherche. La concentration de pouvoir au MEIE est par ailleurs renforcée par la fusion des trois fonds publics de subvention à la recherche (nature et technologie, santé, et société et culture) en un fonds unique au sein du MEIE, administré par un seul conseil d’administration et présidé par le Scientifique en chef du Québec qui, lui, reçoit son mandat du MEIE.

Le gouvernement parle d’efficience administrative, ce qui ne justifie aucunement la concentration de pouvoir dans un conseil d’administration où la présence de personnes impliquées dans la recherche universitaire n’est pas prévue.

Les raisons du projet importent peu, contrairement à son effet potentiellement dévastateur sur l’avenir de la recherche scientifique au Québec, car on substitue ici la logique de croissance du MEIE à la vision sociale de la recherche promue dans la mission du MES, qui associe la recherche à l’accès à la protection environnementale ou à l’accès au savoir. Favoriser l’accès au savoir signifie que la recherche de pointe au Québec inclue la formation de la relève scientifique en recherche et création, soit les personnes étudiantes actuellement inscrites dans les cégeps et les universités. Ce détournement de la recherche universitaire nie ainsi le rôle historique du MES dans l’essor du Québec et la conception de l’enseignement supérieur qu’on y associe ainsi que l’autonomie des sciences face aux priorités politiques du moment.

Autonomie et diversité

Pourquoi respecter l’autonomie et la diversité dans la recherche ? Parce qu’il n’y a pas une science, il y a des sciences. Les impératifs de la recherche et de la formation scientifiques concernant la pollution environnementale dans le Saint-Laurent devraient-ils être évalués et financés de la même manière que la recherche sur l’histoire démographique des Premières Nations, ou l’architecture juridique de l’intelligence artificielle ? Quelle sera la place de la recherche fondamentale sur les maladies orphelines, l’histoire sociale du Québec, ou la création artistique contemporaine, dans l’image que se fait le MEIE de la recherche ? Qu’arrivera-t-il à la diversité de la science et à l’autonomie des domaines de recherche avec un fonds unique administré par le MEIE ?

Le projet de loi 44 n’est pas une formalité administrative. C’est un projet de société poursuivi sans transparence et sans mandat.

Les décisions stratégiques en matière de recherche vont orienter le développement de notre société sur des générations. Après le démantèlement des formations professionnelles et postsecondaires, le gouvernement a bricolé son propre modèle québécois de recherche, sans aucune justification scientifique. L’idée que la politique de recherche gouvernementale puisse être pensée de façon comptable, en excluant les personnes au cœur de la recherche scientifique dans toute sa diversité est intolérable. Simplement, la CAQ anéantit le chemin parcouru par les institutions d’enseignement supérieur du Québec depuis 50 ans.

Nous demandons au gouvernement du Québec de retirer son projet de loi 44.

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