Le blanchiment éthique (ethics washing) fait maintenant partie intégrante de la stratégie de communication des géants numérique de l’industrie du sexe. Celle-ci vise à présenter de façon trompeuse leur entreprise comme étant éthique et socialement responsable.

Pour ce faire, ils présentent des femmes au premier plan et abusent de mots-clés à connotation progressiste : féminisme, éthique, responsabilité, agentivité, empowerment, consentement, intersectionnalité, etc. La plus récente campagne de communication⁠1 menée par les nouveaux propriétaires de Pornhub n’y fait pas exception.

L’objectif ? Tenter de rassurer le public en ce qui concerne le partage en ligne de contenu pédopornographique et non consensuel. Les propriétaires de la plateforme vont même jusqu’à se vanter de leurs pratiques exemplaires en matière de sécurité et de vérification de contenu. Cette autocélébration décomplexée semble prématurée et précipitée, surtout depuis qu’une nouvelle action collective2 a été intentée contre MindGeek pour des allégations de trafic sexuel impliquant des dizaines de milliers d’enfants et qu’un ancien employé a confié à un journaliste que l’entreprise exploite une « faille » (loophole)⁠3 dans le processus de vérification.

Difficile de ne pas remarquer que cette tentative de redorer l’image de Pornhub coïncide avec l’intérêt croissant de la classe politique à l’égard du projet de loi S-210, présenté par la sénatrice indépendante Julie Miville-Dechêne.

Le texte de loi propose une vérification d’âge obligatoire pour les utilisateurs souhaitant accéder à du matériel pornographique en ligne, sous peine d’amende. L’objectif est de protéger les enfants contre l’accès à du contenu sexuellement explicite qui renforce les stéréotypes de genre néfastes et, dans les cas extrêmes, peut conduire à une dépendance à la pornographie.

Malgré l’opposition des libéraux, un consensus politique transpartisan s’est formé, avec un soutien unanime des bloquistes, des conservateurs et des néo-démocrates. Les raisons derrière l’opposition libérale au projet de loi suscitent des interrogations. Pourquoi les libéraux ont-ils si peur de déranger le géant de la pornographie ? Pourquoi des politiciens soucieux de leur image publique ne s’éloignent-ils pas le plus possible d’une entreprise avec une aussi mauvaise réputation ?

Critiques fallacieuses

Les critiques adressées au projet de loi invoquant une atteinte à la liberté d’expression sont pour le moins fallacieuses. Le projet de loi ne vise pas à interdire la création de contenu appartenant à des catégories spécifiques douteuses, comme « barely legal » ou « teen ». Il se concentre plutôt sur l’accès à du matériel déjà interdit aux mineurs par la loi.

Si le projet de loi est adopté, Pornhub pourrait décider de bloquer l’accès à son site web, comme il l’a fait au Texas, et cela ne constituerait pas non plus une atteinte à la liberté d’expression.

Les personnes qui souhaitent visionner de la pornographie seraient libres de se tourner vers les fournisseurs qui se conforment aux lois, ou tout simplement de payer pour avoir accès à du matériel pornographique.

Quant à l’argument selon lequel les enfants seraient tous des petits pirates informatiques, il relève de la mauvaise foi. Si certains réussissent à briser les barrières, comme certains jeunes réussissent à se procurer des cigarettes et de l’alcool, il n’en demeure pas moins que toutes les industries destinées aux adultes doivent assumer leur responsabilité, comme c’est le cas pour les industries du tabac, du jeu, de l’alcool ou des drogues récréatives. Enfin, il est prématuré de s’alarmer par rapport à la vie privée des utilisateurs étant donné que le projet de loi ne spécifie pas quelle méthode serait utilisée pour faire appliquer la loi.

La véritable raison derrière cette campagne de blanchiment éthique que mène le géant du web est qu’il craint toute législation susceptible de réguler ses pratiques, d’entraîner une hausse de ses coûts et de réduire ses profits. La population n’est pas dupe : cette campagne ne parviendra à dissimuler ni les préjudices infligés aux mineurs et aux victimes d’exploitation sexuelle, de viol et de pornodivulgation (revenge porn), ni le sexisme et le racisme inhérents à cette industrie.

1. Lisez l’article « Les nouveaux propriétaires de Pornhub clament qu’ils sont un exemple à suivre » 2. Lisez l’article « Trafic sexuel impliquant des enfants : un recours collectif lancé contre des sites web de MindGeek » 3. Lisez l’article « Pornhub – Une cour américaine demande l’aide du Québec » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue