Retraitée de l’enseignement, j’ai décidé en février 2023 de prêter main-forte au monde de l’éducation. Une semaine plus tard, je me retrouvais en deuxième année primaire devant 22 nouveaux petits visages, certains attristés du départ précipité de leur enseignante tant aimée !

Ma première mission a donc été d’établir un lien de confiance et d’apprendre à connaître mes nouveaux élèves. Six plans d’intervention faisaient partie du lot, mais le goût d’aider m’alimentait. Cependant, lorsque j’ai cherché le matériel didactique en français et en mathématiques, il n’y en avait aucun, juste des tonnes de photocopies en noir et blanc… L’enfer ! Comment s’y retrouver ?

Les manques

Pour m’aider, j’ai donc fait appel à ma collègue, à qui j’ai demandé sa planification annuelle. À la première lecture, je me suis rendu compte qu’il n’y avait aucun apprentissage de verbes. Je me suis donc mise à investiguer davantage pour découvrir plusieurs omissions dont, en vocabulaire, 122 mots manquants sur les 252 à apprendre ! Plus j’avançais, plus je réalisais les manques à combler. Nous étions déjà à la mi-février ! De plus, toutes les notions étaient disparates et non intégrées.

Lorsque j’enseignais le français avec un matériel didactique, les notions du programme étaient toutes couvertes et les éléments comme le vocabulaire, les sons, les verbes, etc. étaient intégrés à l’intérieur d’un texte. L’intégration des éléments favorise l’apprentissage et la rétention des notions. Quant aux illustrations en couleur, elles stimulent les enfants et apportent une distinction entre les éléments qui facilite la compréhension.

À mon rôle d’enseignante s’ajoutait donc celui d’investigatrice et d’auteure/recherchiste de matériel didactique ! Toutes mes fins de semaine ont servi à mettre de l’ordre dans ce fouillis, à programmer les notions à apprendre et à trouver le matériel manquant.

Heureusement, avec l’achat d’une version numérique d’un matériel didactique, j’ai eu accès à un certain nombre de photocopies pour mes élèves que j’ai complétées en créant le reste. On n’avait pas une minute à perdre ! Pour ce faire, j’ai eu la collaboration de la direction et des techniciennes en service de garde qui venaient en classe. Quelle aide extraordinaire !

Création de matériel didactique

Pourquoi se priver d’un matériel didactique quand on peut ajouter à la tâche d’enseignante, déjà pleine, le rôle d’auteure/recherchiste d’activités ? Rien ne nous empêche d’y ajouter notre touche personnelle et ce qui nous passionne le plus.

J’ai été jadis auteure et pour préparer du matériel didactique, il faut environ deux ans à temps plein. Il faut avoir une équipe forte, un éditeur scolaire chevronné, connaître le programme à fond et faire preuve de rigueur ainsi que de créativité.

Et le Ministère ?

Comment se fait-il qu’en 2024, des enseignants fassent leur propre matériel alors qu’avant, il fallait obligatoirement choisir un matériel approuvé par le Ministère ?

En regardant du côté du bureau d’approbation du matériel didactique du Ministère, j’ai remarqué que le matériel approuvé en français au primaire date de 2000-2003, sauf un de 2011-2012 ! En 2008, le Ministère a ajouté à son programme la progression des apprentissages afin de préciser les notions à apprendre annuellement. Les éditeurs se sont donc ajustés et ont mis à jour leur matériel. Malheureusement, le Ministère n’a pas suivi et n’a rien approuvé depuis !

Sur le terrain aujourd’hui, le matériel didactique édité le plus utilisé est celui qui est conforme à la progression des apprentissages, mais non approuvé.

Est-ce la raison pour laquelle les enseignantes se sont donné la liberté d’utiliser toutes sortes de matériel, puisque celui qui est le plus utilisé n’est pas approuvé ? Dans les milieux favorisés et les écoles privées, on utilise ce matériel non approuvé. Qu’en est-il des autres écoles à l’échelle de la province ? Un peu de tout, dont du matériel édité et du matériel « maison ». Est-ce vraiment ça, l’égalité des chances pour tous ?

Fin de l’histoire !

Lorsqu’au dernier jour d’école, la cloche a sonné, j’étais très heureuse du travail accompli. Tous ont finalement réussi leur deuxième année, même si, au départ, deux petits s’alignaient vers une reprise. J’étais très fière d’eux ! Par ailleurs, le temps énorme investi par manque de matériel didactique m’a fait prendre conscience d’une grande faille dans le milieu éducatif.

Avec tous les milliards déployés, les compétences de ceux qui œuvrent auprès des élèves et les efforts des enfants et de leurs parents, il serait impératif d’utiliser un matériel didactique à jour et approuvé par le Ministère, afin d’assurer l’égalité des chances pour tous et d’éviter les effets pervers de cet angle mort.

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