Si l’argent parle, les choix politiques en environnement qui se reflètent dans le budget 2024-2025 du gouvernement Legault crient l’incapacité qu’a ce gouvernement de comprendre la convergence des crises environnementales, sociales et économiques que nous traversons.

Ils crient l’entêtement du gouvernement à ne voir la décarbonation du Québec que sous l’angle réducteur d’éventuelles opportunités d’affaires accompagnant la transition énergétique.

Et enfin, ils crient une vision économique axée sur l’exploitation à outrance des ressources naturelles au détriment de la protection des écosystèmes et des obligations en droit international pour limiter le réchauffement climatique à 1,5° C, à la base de ces crises.

Alors que le gouvernement annonce un inquiétant déficit et que d’importants ralentissements de la croissance de certaines dépenses pointent à l’horizon (en éducation notamment), la crise climatique et ses enjeux sont cruellement absents de cet exercice budgétaire.

Dans un contexte où l’urgence environnementale nécessite des actions rapides et où le gouvernement cherche à faire des économies, le budget devrait s’assurer que chaque dollar investi répond à plusieurs besoins. Or à ce titre, il manque le bateau. Où sont les mesures structurantes qui auraient pu concilier la crise climatique et la promotion de solutions économiquement durables, notamment dans les domaines du transport collectif, de l’aménagement véritablement durable du territoire ? En d’autres mots, où sont les mesures qui nous auraient coûté moins cher collectivement ?

A contrario, alors que les changements climatiques se font durement ressentir au Québec, que la crise de la biodiversité s’aggrave et qu’une part grandissante de la population a du mal à se loger, se déplacer et se nourrir, le budget présenté hypothèque notre capacité collective à faire face à ces multiples enjeux aux racines souvent similaires.

Le Québec renonce-t-il à son aspiration de devenir un chef de file en matière de climat ?

De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer ces priorités mal placées. Dans le transport, les investissements routiers demeurent privilégiés, laissant pour compte celles et ceux qui se retrouvent face aux prix croissants du transport collectif. Par ailleurs, le gouvernement traite l’adaptation aux impacts climatiques uniquement sous l’angle de la sécurité publique et en réaction aux évènements, négligeant le volet de prévention et de l’aménagement du territoire.

Qui plus est, le manque d’ambition de Québec se double d’un déficit de participation citoyenne et d’inclusion des nations autochtones, pourtant essentielles pour une transition juste et équitable. Cela est particulièrement nuisible étant donné le fort penchant du gouvernement Legault pour l’exploitation forestière et minière.

Loin de poser les jalons d’une société durable, sobre en carbone et résiliente, le budget 2024-2025 érige des obstacles supplémentaires sur la route d’une transition juste et inclusive, cruciale pour l’avenir du Québec.

Pourtant, la prochaine année sera déterminante pour de nombreux dossiers climatiques. Alors que le Canada et le Québec doivent réviser leurs cibles climatiques à la hausse, il est primordial d’accroître notre ambition. Idem pour le Système de plafonnement et d’échange des émissions (SPEDE) qui doit également être bonifié.

Face aux débats sur les énergies fossiles au niveau fédéral et devant le risque réel de voir les quelques acquis en environnement et changements climatiques être annulés, le Québec doit redoubler d’ardeur, se faire entendre, et faire sa juste part en matière de climat.

Il n’est pas trop tard pour agir. Nous pressons le gouvernement du Québec d’agir rapidement pour corriger le manque d’investissements nécessaires en aménagement durable, en transport collectif, en adaptation, en protection des écosystèmes et en efficacité énergétique. Le Québec, mais aussi le Canada et le monde, en ont besoin.

*Organisations signataires : Charles Bonhomme, responsable, affaires publiques et communications, fondation David Suzuki ; Colette Lelièvre, responsable de campagnes, Amnistie internationale Canada francophone ; Patricia Clermont, organisatrice, Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME) ; Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie, Greenpeace Canada ; Myriam Thériault, coordonnatrice générale de Mères au front ; David Roy, directeur général, Ateliers pour la biodiversité ; Christian Savard, directeur général, Vivre en ville ; Lucie Massé, porte-parole, Action environnement Basses-Laurentides (AEBL) ; Bruno Detuncq, membre du coco, Regroupement vigilance hydrocarbures Québec ; Michèle Asselin, directrice générale, Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) ; Arianne Carmel-Pelosse, deuxième vice-présidente, Conseil central du Montréal métropolitain-CSN ; Sarah V. Doyon, directrice générale, Trajectoire Québec ; Réal Lalande, président, Action climat Outaouais (ACO) ; Éric Ferland, directeur général, Groupe Écosphère ; Andréanne Brazeau, Équiterre ; Michel Jetté, GroupMobilisation (GMob) ; Yolande Henry, Transition écologique La Pêche Coalition for a Green New Deal ; André-Yanne Parent, directrice générale, Réalité climatique Canada ; Anne-Céline Guyon, analyste climat énergie, Nature Québec