Dans un communiqué publié dimanche, la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a déclaré que le Canada s’était engagé à rejoindre une « coalition internationale qui travaille pour accroître la circulation de l’aide vers Gaza par le biais d’un corridor maritime humanitaire partant de Chypre ».

Cette coalition est notamment constituée des Émirats arabes unis, de l’Union européenne et des États-Unis, qui ont annoncé leur intention d’ouvrir un corridor maritime pour acheminer l’aide humanitaire vers le territoire palestinien.

Cette option peut paraître séduisante a priori : un passage « simple » par la mer qui ne serait pas contraint par des « murs » ou le contrôle démesuré de l’armée israélienne.

Or, c’est sous-estimer la complexité d’une telle opération, c’est oublier les leçons apprises du passé, mais c’est surtout aussi une décision qui expose le déni de l’Occident face à son incapacité d’exiger d’Israël le passage des convois humanitaires au nom des conventions de Genève et du principe de protéger les populations civiles.

Et le Canada, qui ne défend pas la responsabilité de protéger les civils, démontre qu’il a oublié son leadership passé en la matière.

Une chaîne logistique maritime de cette envergure est extrêmement complexe, même avec l’aide de l’armée américaine. L’approvisionnement maritime occasionnera des délais de plusieurs mois, tant pour l’organisation que pour le déploiement des chaînes d’approvisionnement. La distribution sera bien plus longue que si Israël acceptait d’ouvrir les portes aux convois humanitaires pour faire entrer les vivres par voie terrestre. Il faut savoir qu’Israël exige d’ailleurs autant de contrôle sur les éventuels cargos maritimes que terrestres.

Chaos à prévoir

Par ailleurs, une fois sur « la plage », qui s’occupera de la distribution ? Il faut prévoir la gestion du chaos de centaines de milliers de personnes affamées volontairement par Israël, au même titre que le chaos de la distribution aérienne par parachutage des dernières semaines. D’ailleurs, les expériences de cette nature par l’armée américaine en Afghanistan ou en Irak se sont avérées de vastes échecs logistiques et sécuritaires et auront à jamais laissé des cicatrices sur la nature impartiale des opérations humanitaires. C’est aux organisations humanitaires de gérer les distributions aux populations civiles, pas à l’armée.

En fait, pour l’Occident, qui sous-estime les conséquences du drame à court terme, mais surtout à long terme, il s’agit d’une tentative politique pour démontrer qu’on « essaie quelque chose », comme s’il ne pouvait rien faire d’autre.

PHOTO PETROS KARADJIAS, ASSOCIATED PRESS

Un navire se prépare à transporter 200 tonnes de riz et de farine à Gaza à partir du port de Larnaca, à Chypre.

En somme, c’est une manière de gagner du temps pour l’Occident, incapable d’exiger d’Israël de cesser de massacrer des personnes civiles au nom de l’autodéfense.

Bref, c’est un « show de boucane », alors que des centaines de milliers de civils se font massacrer.

Le nombre de morts du côté palestinien compte aujourd’hui plus de 30 700 personnes, dont 25 000 femmes et enfants. Les Nations unies ont confirmé à la fin de février que le quart des 2,3 millions de Gazaouis sont dans un état de dépravation grave et de famine.

Des dizaines de camions du Programme alimentaire mondial remplis de vivres attendent à quelques centaines de mètres aux portes de Gaza, bloqués par Israël. Si l’Occident avait encore un peu de légitimité internationale, il s’imposerait pour exiger le droit de protéger les civils palestiniens et forcer l’entrée massive de vivres et une distribution coordonnée par des organisations humanitaires dans les plus brefs délais.

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