Je lis sans surprise les terribles nouvelles sur les urgences québécoises : « le bain » que sont nos urgences déborde depuis longtemps. Maintenant, il inonde la maison.

Une solution efficace pour éviter de « remplir le bain », reconnue depuis 2018, n’est toujours pas implantée : les équipes médicales de soins intensifs à domicile (SIAD) en CLSC. Ces médecins soignent à domicile des personnes âgées souffrant de conditions terminales qui ne sont plus capables de se déplacer et qui ne peuvent actuellement faire autrement que de retourner aux urgences à chaque détérioration.

On ne blâme pas un bain qui déborde

Blâmer le bain qui se remplit alors que son robinet coule et que son bouchon est fermé est illogique : les urgences reçoivent souvent un nombre d’ambulances plus important que leur nombre de civières alors que leurs lits d’hospitalisation sont pleins.

L’objectif des médecins SIAD est de réduire l’occupation des civières d’urgences et des lits d’hospitalisation. Les hôpitaux donnent congé plus rapidement lorsqu’ils ont accès aux SIAD. On ferme le robinet et on ouvre le bouchon.

Le robinet est grand ouvert

Moins de 15 équipes SIAD complètes sont en place sur les 165 requises, un échec retentissant alors que le groupe CIRANO a publié cette année un document décrivant les SIAD comme étant une des meilleures pratiques de soins à domicile à implanter rapidement⁠1.

Malgré les demandes répétées depuis 2018 du Conseil pour la protection des malades et de la FADOQ (le plus grand organisme communautaire de la province), Québec ne priorise toujours pas les SIAD en CLSC : des malades meurent sans voir de médecins dans nos salles d’attente débordées de patients qui pourraient être soignés chez eux.

Fermons le robinet

Les personnes avec des conditions terminales n’ont plus besoin de soins hospitaliers curatifs : elles ont besoin de soins médicaux et infirmiers à domicile (24 heures) pour leurs derniers mois de vie. Les « hôpitaux à domicile » priorisés actuellement excluent ces malades, car ils ferment leur dossier après quelques jours.

Si on autorise l’implantation de 200 médecins équivalent temps plein (un effectif minime sur les 10 000 médecins de famille québécois) dans nos 165 CLSC principaux à travers la province, on réduirait d’au moins 50 % les visites aux urgences des patients suivis, avec une réduction importante des coûts.

Cette pratique médicale existe partout ailleurs au Canada et en Europe. Nous avons déjà tous les professionnels à domicile dans nos CLSC : il ne manque que les médecins SIAD.

Plus de 85 % des Québécois espèrent mourir chez eux, mais actuellement 53 % meurent à l’hôpital. Seuls 9 % meurent à domicile, comparé à 28,9 % pour les autres Canadiens⁠2. Nous avons frappé un mur au Québec : celui de l’inhumanité.

1. Lisez le rapport Innovations en soins et services à domicile au Québec : barrières normatives et de gouvernance

2. Institut national de santé publique du Québec 2021. Indicateurs de soins palliatifs : mise à jour des résultats pour la population adulte du Québec. 9 % de décès à domicile, 53 % en hôpital.

*L’auteure est également directrice scientifique de Palli-Science et membre du conseil d’administration de Nova soins à domicile.

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