La semaine précédant le suicide d’Amélie Champagne, marquée par deux refus de prise en charge en psychiatrie, a été extrêmement éprouvante, a témoigné sa famille à l’ouverture de l’enquête publique de la coroner Me Julie-Kim Godin, lundi à Montréal.

L’histoire jusqu’ici

Le 11 septembre 2022, Amélie Champagne, 22 ans, se donne la mort. Dans la semaine précédente, elle a fait deux passages dans des services hospitaliers psychiatriques, entrecoupés d’une première tentative de suicide.

Mme Champagne souffrait depuis des années de symptômes rappelant ceux de la maladie de Lyme, mais les résultats de tests subis au Québec étaient négatifs. Elle avait toutefois reçu un résultat positif des États-Unis quelques mois avant son décès.

Son père, Alain Champagne, alors président du Groupe Jean Coutu, a dénoncé la situation sur LinkedIn et dans les médias.

Le 27 septembre 2022, la coroner en chef du Québec a ordonné une enquête publique. Les audiences ont débuté le 11 décembre 2023.

« Ç’a été une semaine d’enfer pour nous », a raconté Joanne Bossé, la mère de la disparue, d’une voix brisée par l’émotion.

Revenue épuisée d’un court voyage où elle n’avait pratiquement pas réussi à dormir, l’étudiante de 22 ans a demandé à son frère de lui montrer comment faire un nœud avec ses cordes d’escalade. Mme Bossé a immédiatement amené la jeune femme à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, à Montréal. Amélie s’y est fait dire qu’elle pouvait passer la nuit sur place, mais serait référée ailleurs pour le suivi. Elle a préféré revenir chez ses parents. À leur réveil, elle avait disparu.

Retrouvée quelques heures plus tard en Estrie, où elle a tenté de se noyer près du chalet de ses parents, Amélie est alors amenée à l’urgence psychiatrique du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. Elle reste quelques jours en observation sur une civière, où elle ne dort pas davantage.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE LINKEDIN D’ALAIN CHAMPAGNE

Amélie Champagne

Les parents veulent que leur fille soit prise en charge, mais apprennent que cela devra se faire à l’hôpital Notre-Dame puisque la patiente réside à Montréal… et que le délai de transfert risque d’être long, faute de place.

Amélie réclamant de sortir, ses parents se résignent à aller la chercher.

Un moment « surréel », a témoigné sa mère avec un mélange de larmes et de colère.

« Tu viens chercher ta fille qui a essayé de se suicider […] et tu ne sais pas ce que tu vas faire avec », a relaté Mme Bossé en serrant son mouchoir dans sa main. « Il n’y a pas un psychiatre qui nous a parlé ! […] Le reste, vous le connaissez. »

Le reste, c’est un père qui, par un contact, réussit à obtenir un rendez-vous avec un psychiatre du CHUM à la première heure le lundi suivant. Et deux soirées passées sous le signe de cet espoir, avec une jeune femme épuisée mais aimante, qui a des paroles touchantes pour ses parents et des taquineries pour son jeune frère.

Un « rayon de soleil »

Le samedi soir, Amélie s’est couchée de bonne heure. Chaque fois que ses parents sont allés la voir durant la nuit, elle semblait dormir.

Vers 7 h 45 le lendemain matin, une policière a frappé à la porte de leur condo pour avoir accès au toit de l’immeuble.

« Je n’ai pas nécessairement envie de parler du matin où elle a pris la difficile décision de nous laisser en arrière », a témoigné son père, Alain Champagne.

Mme Champagne, un « rayon de soleil » qui pensait toujours aux autres avant elle-même, avait cependant de très nombreux soucis de santé, ont raconté ses proches. Palpitations cardiaques, raideurs, fatigue et anxiété n’étaient que quelques-uns des symptômes qui se manifestaient « par vagues » depuis qu’elle avait environ 15 ans.

Au moins une vingtaine de cliniques et d’hôpitaux avaient un dossier médical à son nom. La fibromyalgie et la sclérose en plaques ont été soupçonnées, puis écartées. Tout comme la maladie de Lyme dans un premier temps, puisqu’un test s’était révélé négatif.

Quelques mois avant sa mort, un test analysé aux États-Unis est revenu avec un résultat positif pour la babésiose, ont indiqué ses parents.

La babésiose, tout comme la maladie de Lyme, est une maladie à déclaration obligatoire transmise par des tiques. Un seul cas a été rapporté dans la province en 2022, contre 586 cas de maladie de Lyme, signale l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

À partir de l’été 2020, Mme Champagne a été suivie par le Dr Pierre Pelletier, un médecin de famille de Magog qui, devant ses symptômes, lui a prescrit plusieurs tests et l’a adressée à divers spécialistes.

Un psychiatre, aujourd’hui décédé, a diagnostiqué un trouble anxieux, ainsi qu’un trouble obsessif compulsif et un déficit de l’attention, pour lequel il a prescrit une médication et fourni une demande de consultation pour une thérapie cognitivo-comportementale. Quelques mois plus tard, le Dr Pelletier a prescrit un traitement pour le trouble anxieux, que la patiente lui a demandé d’interrompre peu de temps après.

Pour les troubles anxieux et les dépressions, « le système québécois […] n’offre pas beaucoup de support aux médecins de famille », a témoigné le Dr Pelletier, retraité depuis janvier dernier après une quarantaine d’années de pratique.

« Les cas de suicide, ils vont les voir souvent à l’urgence et je vous dirais que c’est tellement surprenant comment ils les gardent pas puis ils les revoient pas. Ils les repitchent et c’est encore nous autres qui sommes pris avec ça. »

BESOIN D’AIDE ?

Si vous avez besoin de soutien, si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, contactez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Vous pouvez aussi consulter le site commentparlerdusuicide.com