L’urgence de Rivière-Rouge fermera définitivement la nuit, de 20 h à 8 h, dès le 1er février 2024, a confirmé le CISSS des Laurentides, jeudi après-midi. Cette décision drastique inquiète des élus de la région.

Le CISSS réduit les heures d’ouverture de l’urgence en raison du manque de personnel au Centre multiservices de santé et de services sociaux de Rivière-Rouge, comme l’a rapporté La Presse, il y a deux semaines.

« Après une longue démarche de réflexion, nous arrivons à la conclusion que la pénurie importante de personnel vécue dans le secteur de Rivière-Rouge nécessite un tel ajustement des heures d’activités de l’urgence », écrit Sylvain Pomerleau, président-directeur général adjoint du CISSS des Laurentides, dans un communiqué de presse diffusé jeudi.

« Dans ce contexte constant et soutenu de manque de personnel, nous ne pouvons maintenir une ouverture 24 h. Il en va de la qualité et de la sécurité des services que nous nous engageons à offrir », ajoute M. Pomerleau.

Pour en arriver à cette solution, le CISSS a évalué le nombre de visites à l’urgence de Rivière-Rouge, les périodes d’achalandages, les transports en ambulance, le nombre de demandes pour des examens diagnostiques, les besoins médicaux et la disponibilité du personnel. La réflexion a été entamée il y a plusieurs mois déjà, confirme aussi le CISSS.

« Aucune personne ne sera laissée sans service », fait valoir M. Pomerleau.

Des protocoles ont été établis avec les services ambulanciers de la région, soutient-il, et avec les hôpitaux de Mont-Laurier et de Sainte-Agathe. Or, les urgences de ces deux établissements hospitaliers figurent souvent parmi les plus achalandés de la province. La semaine dernière, la Coalition santé Laurentides déplorait justement que le taux d’occupation des civières atteignait 340 % à Mont-Laurier et 178 % à Sainte-Agathe. « 115 266 laurentien(ne)s toujours orphelins de service en médecine familiale », se désolait la coalition qui regroupe des municipalités, des associations de médecins et des organismes communautaires.

Un médecin demeurera tout de même en poste la nuit pour soigner les patients hospitalisés sur les autres étages de l’hôpital de Rivière-Rouge. Celui-ci pourrait être sollicité « pour les situations d’urgence […] pour stabiliser les personnes dont l’état de santé serait trop critique avant que celles-ci puissent être transportées en ambulance vers les hôpitaux voisins », souligne le communiqué.

« Timing affreux »

Plusieurs élus de la région des Hautes-Laurentides sont sonnés par la décision du CISSS, même s’ils ont été prévenus il y a quelques semaines de la fermeture prochaine de l’urgence la nuit. Jeudi matin, le CISSS les a rencontrés afin d’officialiser la nouvelle.

« Le timing est affreux ! La population est insatisfaite du système de santé, on est en pleine grève et là, ils annoncent la fermeture de l’urgence », s’exclame le maire de l’Ascension, Jacques Allard, en entrevue téléphonique.

« Les Laurentides, on est parmi les régions qui reçoivent le moins de subventions du gouvernement pour la santé. Et pourtant, on est en croissance démographique et il y a un vieillissement accéléré de la population », soutient le maire de la municipalité de 900 habitants, à mi-chemin entre Sainte-Agathe et Mont-Laurier. Les citoyens de l’Ascension devront faire une heure de route supplémentaire, dans un sens ou dans l’autre, pour une urgence la nuit, se désole M. Allard.

À Labelle, la mairesse Vicki Émard espère pour sa part que la réduction des heures à l’urgence sera temporaire, même si rien n’indique que tel est le cas. « Je ne doute pas que la décision est prise pour la sécurité des usagers et qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre. Ce n’est pas tout noir ou tout blanc, mais il reste que c’est très inquiétant pour la population », s’attriste-t-elle.

Dans le cas de Labelle, les gens devront rouler 1 h de plus pour se rendre à Mont-Laurier ou 45-50 minutes pour atteindre Sainte-Agathe, affirme-t-elle. « Ça sera les deux options, mais le taux d’occupation de ces deux urgences est extrêmement élevé. Les taux atteignent souvent 200 %, même 300 % », dit-elle.

Mme Émard déplore aussi le moment choisi pour annoncer cette nouvelle. Moins de 24 h plus tôt, le CISSS a nommé sa nouvelle présidente-directrice générale, Julie Delanay, explique Mme Émard. Celle-ci a dit avoir « à cœur d’offrir à la population des soins et des services de qualité, accessibles et près de chez eux. »

« C’est très ironique », laisse tombe Vicki Émard.

La Coalition santé Laurentides a pour sa part affirmé avoir une pensée pour les citoyens de la région à la suite de cette annonce « loin d’être idéale ».

« Il a toutefois été démontré, par le CISSS des Laurentides, que le maintien du 24/7 aurait fragilisé le service en journée. Des fermetures non planifiées le jour auraient pu causer des enjeux encore plus importants pour la sécurité des patients, ce qui est la seule priorité à considérer », a pour sa part indiqué Marc L’Heureux, président de la Coalition et préfet de la MRC des Laurentides, par écrit.