Le poids de la pauvreté et de l’exclusion sociale ne devrait pas être porté par les seules personnes en situation de vulnérabilité ni par les organismes communautaires. Il s’agit d’une responsabilité collective.

L’alimentation, les dépenses liées aux enfants et le logement continuent d’occuper le sommet du palmarès des préoccupations, selon l’indice d’anxiété financière des Québécois et Québécoises⁠1, récemment dévoilé par Centraide et Léger.

Il s’agit du troisième coup de sonde effectué au cours des 12 derniers mois, et il démontre que l’anxiété générale des Québécois se maintient. Le score moyen au sein de la population est stable à 39,1, avec 85 % de la population qui ressent de l’anxiété financière à divers niveaux et 44 % qui en ressent à un niveau modéré ou supérieur.

Plus d’une personne sur deux appartenant à une population vulnérable ressent de l’anxiété financière à un niveau modéré ou supérieur (personnes sans emploi (71 %), personnes racisées (60 %), personnes ayant une limitation fonctionnelle (51 %) ou sans études postsecondaires (50 %)).

Certains profils sociodémographiques, notamment les 18-54 ans et les parents, sont proportionnellement plus nombreux que les autres segments de la population à expérimenter des niveaux d’anxiété financière modérés, sévères ou extrêmes.

Chez les 18-34, plutôt qu’un sur trois en avril dernier, c’est maintenant près d’un jeune sur deux qui préfère ne pas penser à l’état de ses finances personnelles (44 %), qui se sent coupable lorsqu’il y pense (46 %) ou qui ne fait pas assez d’efforts pour les comprendre (43 %).

Tout cela est préoccupant.

Socle ou filet ?

Au cours d’une récente rencontre, une interlocutrice me demandait pourquoi, lorsque je parle des organismes communautaires du Grand Montréal, j’utilise l’expression « filet social ». Elle faisait remarquer que les mailles d’un filet peuvent s’agrandir sous la pression et y laisser passer des personnes en situation de vulnérabilité. Elle me proposait de parler plutôt de « socle social », car sur un socle nous pourrions bâtir une société solide. « Socle social » me semble moins poétique et moins imagé.

Oui, les mailles du filet social peuvent effectivement s’agrandir et laisser passer des gens. De la même façon qu’un socle peut crouler ou se fendre sous un poids. Qu’on parle de filet social ou encore de socle, il faut s’assurer que ni l’un ni l’autre ne cède.

Le logement, encore

Le logement continue donc d’être une préoccupation majeure des Québécois, selon le sondage. Mais on le savait déjà d’un point de vue anecdotique, alors qu’il semble se retrouver dans toutes les conversations. C’est le cas, bien sûr, lorsqu’on parle d’itinérance, qui est bien en vue dans les médias en ce moment.

Une dirigeante d’organisme venant en aide à des personnes itinérantes (notez le mot « personnes » – avant d’être des itinérants, ce sont d’abord des personnes) me disait l’autre jour que même si le Grand Montréal s’en tire mieux que d’autres grandes villes nord‑américaines en matière d’itinérance et de crise des opioïdes, nous sommes peut‑être en train de l’échapper.

Je ne me lève pas le matin en nous trouvant collectivement bons de ne pas battre le record du nombre de morts par overdose ou de campements. Je me lève en me disant qu’une personne qui passe entre les mailles du filet et que la société échappe en est une de trop.

Derrière cette situation de pseudo-bonne performance se trouve justement une multitude d’organismes communautaires qui interviennent en situation de crise.

Pour répondre aux besoins, ces organismes ajoutent sans cesse des services à leur offre de base. Il n’est pas rare qu’un organisme en sécurité alimentaire offre maintenant des services en santé mentale ou qu’un autre qui offre des services de francisation propose des services d’aide à la recherche d’emploi. Les travailleurs communautaires, ces personnes engagées de la première ligne, sont les premiers tisserands de ce formidable filet social dont nous bénéficions. Il ne se passe probablement pas une journée sans qu’ils portent le sort des personnes en situation de vulnérabilité sur leurs épaules. Un peu comme un socle, effectivement.

Mais ce poids de la pauvreté et de l’exclusion, nous devons aspirer à le porter collectivement. Ce n’est pas uniquement aux personnes en situation de vulnérabilité de le porter, ni aux organismes communautaires, car, là, le Grand Montréal l’échapperait vraiment.

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