Voilà que l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, va de l’avant avec un ambitieux projet d’agrandissement de pistes cyclables au coût de… 250 places de stationnement. La grogne populaire se fait entendre, autant à l’hôtel de ville que dans les rues1,2.

Permettez-moi donc d’offrir des données afin d’éclairer ce débat.

Tout d’abord, est-ce que les pistes cyclables fonctionnent réellement ? Par-là, je veux dire, augmenteront-elles le nombre de personnes qui prennent leurs vélos ? Afin de répondre à cette question, prenons le Réseau express vélo (REV). Plus exactement, le REV de Saint-Denis, De Bellechasse et Souligny.

Lors de sa construction, la piste de la rue Saint-Denis a subi les mêmes critiques lorsqu’elle a divisé par deux le nombre de voies automobiles.

Les commerçants s’inquiétaient de voir leurs commerces impactés négativement. Ironiquement, le taux d’inoccupation a diminué de 10 %.

Mais – au-delà de leurs bienfaits économiques – les pistes cyclables des rues Saint-Denis, De Bellechasse et de l’avenue Souligny ont-elles favorisé le vélo ?

La réponse est un retentissant oui. En utilisant les données BIXI comme source de données, j’ai comparé l’achalandage avant et après dans le voisinage des pistes cyclables et les résultats sont frappants : nous voyons une augmentation des trajets de l’ordre de 110 % pour Saint-Denis, 130 % pour De Bellechasse et 135 % pour Souligny.

Cela dit, il serait faux de dire que cette augmentation est causale. Plusieurs facteurs expliquent une augmentation de l’achalandage – tels que l’amélioration du réseau BIXI. Afin de contrôler ces aspects, j’utilise les pistes cyclables du chemin de la Côte-Sainte-Catherine et du boulevard De Maisonneuve comme contrôles.

Je trouve donc que la piste Saint-Denis a causé une augmentation de 15 %, celle De Bellechasse de 25 % et celle de Souligny de 70 %. Cela peut sembler peu en comparaison à l’augmentation brute, mais en fait, cela représente des millions de trajets additionnels qui sont causés par ces pistes cyclables et donc qui n’auraient pas eu lieu autrement4.

Parlons intermodalité

J’ai aussi étudié l’intermodalité, c’est-à-dire le fait de combiner le vélo et le métro, et c’est à la lumière de cette analyse que je soutiens le déploiement des pistes cyclables à Parc-Extension.

En somme, les pistes cyclables jouent un rôle essentiel dans la promotion de l’intermodalité. D’ailleurs, ceux qui en bénéficient le plus sont les quartiers à bas revenus… comme Parc-Extension et Saint-Michel – deux endroits où j’ai vécu.

Ce qui est le plus frappant c’est que malgré le fait que les habitants des quartiers à faibles revenus sont plus enclins à aller au métro en vélo, ils bénéficient de moins d’infrastructures que ceux des quartiers plus nantis.

Soyons clairs, vivre près d’une station de métro, c’est coûteux, s’y éloigner peut l’être tout autant, au vu de la longueur et complexité des trajets en bus, qui, reconnaissons-le, ne sont pas toujours ponctuels. Une voiture n’est pas donnée non plus, ce qui en résulte que les endroits avec des loyers bon marché ne sont généralement pas les mieux desservis par les transports en commun (ils ne seraient pas abordables autrement)4.

L’intermodalité s’offre donc comme sur solution efficace qui permettrait d’économiser temps et argent aux ménages à faible revenu. Pourtant, nous la favorisons surtout dans les quartiers aisés.

En effet, les avancées des dernières années se sont manifestées dans les quartiers aisés. Qui plus est, la tendance est inquiétante : en 2014, 50 % des trajets débutant dans les zones à faible revenu bénéficient de pistes cyclables à moins de 100 mètres de la station BIXI d’origine. Ce taux atteint 75 % en 2022, marquant une hausse de 25 %. Pour les zones plus fortunées, le taux est passé de 50 % à 85 %, soit une progression de 35 %.

D’ailleurs, les ménages à faibles revenus sont particulièrement réactifs à l’ajout d’une piste cyclable ; j’observe une augmentation de 15 % de la fréquence des trajets intermodaux lorsqu’une piste cyclable est créée à l’origine. À cela s’ajoute le fait que le nombre de trajets originaires d’un quartier à faibles revenus et ayant le métro Parc comme destination a été multiplié par 10 entre 2014 et 2022.

Face à ces observations, je ne peux que saluer l’initiative de l’arrondissement et l’encourager à persévérer dans cette voie. De plus, je suggère fortement aux villes de Montréal, Longueuil, Laval, Brossard et Québec d’améliorer leurs infrastructures afin de promouvoir l’intermodalité.

1. Lisez « Parc-Extension : le quartier divisé autour de l’ajout de pistes cyclables » 2. Lisez « Nouvelles pistes cyclables : manifestation contre le retrait d’espaces de stationnement dans Parc-Extension »

3. Limitation : la piste du boulevard De Maisonneuve bénéficie des pistes cyclables de Peel et Saint-Jacques, ce qui offre une sous-estimation de l’impact réel de ces pistes cyclables.

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