Il y a des décisions majeures qui tracent le chemin et qui ont potentiellement l’impact d’engendrer des changements à plus grande échelle par leur audace : le réaménagement de l’axe Camillien-Houde/Remembrance annoncé cette semaine par la Ville de Montréal est de ces décisions.

Selon nous, en faisant sciemment le choix de transformer la voie Camillien-Houde en la réservant uniquement aux piétons et aux cyclistes, la Ville fait un geste courageux et surtout cohérent.

Cohérent, parce que c’est le genre de geste qu’il nous faut pour être en phase avec le monde dans lequel nous évoluons désormais collectivement. Ce monde à la biodiversité menacée et fragilisée. Celui qui surchauffe et où s’enchaînent des évènements climatiques extrêmes. Un monde où, plus que jamais, les humains ont besoin de la nature pour se ressourcer et respirer un peu mieux.

Cohérent, parce qu’il est en adéquation avec les engagements que la Ville a pris lors de la COP15 sur la biodiversité et avec ce que le GIEC recommande pour s’adapter aux effets d’un climat en crise.

Dans nos futures décisions publiques, il faudra ainsi que la nature l’emporte le plus souvent possible sur l’asphalte.

Nous invitons donc l’ensemble des municipalités et villes du Québec à embarquer dans ce mouvement d’avenir auquel se joint Montréal en redonnant à leurs forêts urbaines leur vocation première. C’est ce qu’ont récemment fait Toronto avec High Park, Boston avec Franklin Park, New York avec Prospect Park, Washington avec Rock Creek Park ou encore San Francisco avec son légendaire Golden Gate Park.

Prendre soin de nous

Bien sûr, certains diront qu’en agissant ainsi, on restreint l’accès à la montagne. Nous croyons plutôt que la montagne sera plus accessible que jamais. Une desserte améliorée en transport collectif a aussi été promise par la Ville et nos attentes seront élevées quant à celle-ci. Ainsi, les Montréalais, Montréalaises et touristes pourront renouer avec une portion non négligeable de cet espace vert et unique en son genre : l’équivalent de trois terrains de football leur sera redonné.

Cette forêt urbaine verra son travail de climatiseur géant pour lutter contre les îlots de chaleur renforcé, son rôle d’éponge pour absorber les eaux de pluie amélioré et sa capacité de filtrer et purifier l’air augmentée.

Bref, en prenant soin de la montagne, la montagne prendra soin de nous.

Une expérience améliorée

Nous avons aussi bon espoir qu’au-delà de tous les bénéfices environnementaux, sociaux et économiques que ce réaménagement entraînera, l’expérience qu’on pourra vivre sur la montagne sera transformée pour le mieux.

On se rapprochera de la vision originelle du créateur du parc du Mont-Royal, Frederick Olmsted, qui proposait initialement de plonger ses visiteurs dans une succession apaisante de huit environnements naturels distinctifs, dont une clairière, un étang, un belvédère et des escarpements.

Le nouvel aménagement de la montagne tire donc les bonnes leçons du passé… tout en se tournant vers l’avenir.

Soulignons de plus que, contrairement au projet pilote ayant achoppé en 2018, la Ville a fait les choses dans l’ordre. On est aussi parvenu à obtenir l’appui d’acteurs importants, comme les services d’urgence et les pompiers.

Il demeure malgré tout quelques questions et des inquiétudes concernant certains aspects du projet. La bonne nouvelle, c’est que nous avons collectivement encore plusieurs années pour y répondre et trouver des solutions afin d’aboutir au meilleur résultat possible, pour tous et toutes.

Redonner de la place à la nature et aux humains, comme ce sera fait sur le mont Royal dans les prochaines années, ne devrait plus jamais être considéré comme un pari perdant.

Cosignataires : Sandrine Cabana-Degani, directrice générale, Piétons Québec ; Patricia Clermont, coordonnatrice, Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME) ; Alain Branchaud, directeur général, SNAP Québec ; Alice-Anne Simard, directrice générale, Nature Québec ; Suzanne Lareau, présidente du C.A. de la Maison du développement durable ; Jean-François Rheault, président-directeur général, Vélo Québec ; Karel Ménard, directeur général, Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets ; Véronique Fournier, directrice générale, Centre d’écologie urbaine de Montréal ; Emmanuel Rondia, directeur général, Conseil régional de l’environnement de Montréal ; Julie Lafortune, directrice, Chaire de recherche du Canada en économie écologique ; Johanne Elsener, présidente, Santé Urbanité ; Sarah-Katherine Lutz, directrice générale, ENvironnement JEUnesse ; Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie, Greenpeace Canada ; Sabaa Khan, directrice générale, Québec et l’Atlantique, Fondation David Suzuki et Gabrielle Spénard-Bernier, coordonnatrice générale, Mères au front