En santé, les développements de l’intelligence artificielle sont porteurs d’espoir. On constate d’ailleurs déjà certaines retombées positives pour les patients. Même lorsqu’il s’agit de lutter contre le cancer. Mais encore faut-il s’informer… et se former.

De tous les cancers, celui du pancréas est l’un des plus meurtriers. Après cinq ans, en moyenne, seule une personne sur dix parvient à survivre à cette maladie.

Et si l’intelligence artificielle nous permettait de lutter plus efficacement contre ce tueur en série ?

C’est le pari qu’a fait le docteur David Hénault, chirurgien hépato-pancréato-biliaire au CHUM.

Il mène actuellement un fellowship postdoctoral de recherche à l’Institut ontarien de recherche sur le cancer, où il se spécialise en intelligence artificielle.

« On travaille spécifiquement à améliorer la prédiction de survie ou de récidive dans des cas de cancer du pancréas », explique-t-il.

Avant d’entrer dans le vif du sujet et de le laisser vous raconter comment il s’y prend, voici pourquoi je l’ai interviewé : j’ai appris récemment l’existence d’une École de l’intelligence artificielle en santé au CHUM. Et celle-ci organise mardi prochain une conférence avec trois médecins québécois qui ont obtenu des bourses (dont le DHénault), au cours des dernières années, pour se perfectionner dans le domaine de l’intelligence artificielle.

La rencontre a pour but d’expliquer à quel point « le secteur de la santé sera transformé » par l’IA. David Hénault et la directrice de l’enseignement et de l’académie de l’établissement, Nathalie Beaulieu, ont accepté de m’en dire davantage.

Pour comprendre les défis auxquels David Hénault fait face, il faut d’abord savoir que dans son domaine, « en 2024, les meilleurs outils cliniques qu’on a pour prédire la survie d’un patient sont les mêmes qu’il y a 10 ou 20 ans ».

On parle, spécifiquement, d’histopathologie, c’est-à-dire de l’étude microscopique des tumeurs. Lors d’une intervention chirurgicale en cas de cancer, le tissu humain prélevé va être expédié à un pathologiste pour analyse, pour laquelle on va utiliser des lames de microscope.

« Quand on met le tissu sur la lame, il faut mettre des colorants selon les types de molécules qu’on recherche afin de caractériser le tissu, puis de déterminer sa nature, son agressivité », explique-t-il.

C’est un processus long et laborieux… qui peut désormais être automatisé grâce aux développements en intelligence artificielle.

Mais l’IA permet aussi d’aller encore plus loin. Lors de l’analyse des lames « avec un algorithme qui a vu des milliers et des milliers de fois le même cancer, on est capable de générer un diagnostic préliminaire automatisé ». Une méthode qu’on commence à utiliser au CHUM.

L’étape suivante, c’est d’évaluer les chances de survie d’un patient.

On utilise traditionnellement une série de variables comme son âge, ses autres maladies, les autres opérations subies, etc. On va aussi examiner « l’ADN du cancer et essayer d’identifier quelle mutation le rend plus agressif », pour ensuite tenter de trouver la chimiothérapie la plus efficace. Enfin, l’imagerie médicale va également être utilisée pour former le pronostic.

À cette étape aussi, l’intelligence artificielle peut changer la donne.

Des algorithmes d’intelligence artificielle permettent de déterminer quels signaux vont nous aider à prédire le devenir d’un patient qui a le cancer. Après ça, on est capable de se dire où on peut intervenir pour améliorer le taux de survie et le soin du patient. Ça, c’est précisément ce que je fais.

David Hénault, chirurgien hépato-pancréato-biliaire au CHUM

Précision : les progrès faits grâce à l’IA quant au cancer du pancréas ne se limiteront pas à cette maladie. « Il est tout à fait raisonnable de croire que les découvertes faites pour ce cancer et les outils qu’on développe vont avoir des retombées et des impacts sur d’autres cancers », ajoute le médecin.

On se doute bien, par ailleurs, que les progrès faits par l’IA en santé ne se limiteront pas non plus au cancer.

« Accessibilité à des soins et services, équité, coordination, continuité… L’intelligence artificielle est un nouvel outil qui peut nous aider à répondre à la complexité de tous ces besoins », précise Nathalie Beaulieu, responsable de l’École de l’intelligence artificielle en santé.

Elle offre un autre exemple concret, actuellement développé par des chercheurs du CHUM. « On a une équipe qui se penche sur l’utilisation d’objets connectés, des vêtements connectés, etc., pour être en mesure d’avoir des données qui vont aider les patients qui font de l’épilepsie, à savoir par exemple comment on arrive à prédire les crises pour mieux intervenir. »

Mais les avancées et les progrès annoncés ne tombent pas du ciel. Mes deux interlocuteurs soulignent l’importance de s’informer, mais aussi de se former en intelligence artificielle.

« Je pense qu’il est primordial pour la population, pour les soignants et pour tout le personnel dans le milieu de la santé de s’éduquer sur l’intelligence artificielle pour améliorer la qualité de ce qu’on découvre, dans le but d’améliorer la qualité des soins administrés aux patients », affirme David Hénault.

Nathalie Beaulieu, pour sa part, signale que l’École de l’intelligence artificielle du CHUM offre sur une base régulière des conférences comme celle à laquelle vont participer trois médecins sous peu.

« Tout le monde est invité sans exception. Les gens de notre communauté, les patients… C’est une invitation faite à un large public. L’idée, c’est vraiment de sensibiliser », dit-elle.

Car si l’aventure de l’intelligence artificielle dans le secteur de la santé nous offre plusieurs raisons d’espérer, elle ne fait que commencer.

Dans le cas du cancer, par exemple, « on est à l’étape de gains massifs dans notre compréhension de la maladie », résume David Hénault.

« Mais on est encore aux balbutiements de l’intelligence artificielle. Et il va falloir continuer de travailler pour que cette compréhension se traduise en nets bénéfices de survie pour les patients. »

Consultez la page Facebook de l’École de l’IA en santé du CHUM  Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue