C’est le monde à l’envers. Les campagnes de peur ont toujours fait partie du débat sur l’avenir politique du Québec, mais à sens unique. Habituellement, ce sont toujours les fédéralistes qui utilisent l’argument de la peur contre le projet souverainiste. Mais le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon vient d’annoncer qu’il pouvait, lui aussi, faire peur au monde.

Cette fois, c’est la survie même du peuple québécois qui est en jeu, soutient PSPP : « Les Québécoises et les Québécois doivent réaliser que notre prochain rendez-vous avec l’histoire, car il aura lieu, est peut-être, en fait fort probablement, notre chance ultime de se donner une pérennité linguistique et culturelle ». La dernière chance, rien de moins.

En fait, dans l’argumentaire du chef du Parti québécois, il y a une chose qui est certaine, une qui est très probable et une qui ne l’est pas du tout.

Pour lui, il est certain qu’il y aura un troisième référendum sur la souveraineté si le PQ est élu aux prochaines élections. Il est aussi « fort probable » que ce soit la dernière chance du Québec français si les Québécois ne votaient pas Oui.

Mais la chose qui est loin d’être certaine, c’est s’il va le gagner, son référendum.

Quand on analyse les chiffres des plus récents sondages, on voit qu’un référendum se solderait environ avec 60 % des votes pour le Non, et 40 % pour le Oui. Comme le résultat du premier référendum en 1980.

Le sondage Léger du mois dernier indiquait aussi que le quart des électeurs qui se préparent à voter pour le Parti québécois voteraient Non à un référendum sur la souveraineté.

Le PQ est actuellement au premier rang dans les sondages électoraux, mais c’est avec seulement 34 % des voix. Dans un système politique où cinq partis se divisent les faveurs des électeurs, ça peut donner une pluralité de sièges, mais quand on promet de tenir un référendum sur la souveraineté, 34 %, ce n’est pas beaucoup.

Dans les circonstances, est-il sage de promettre dès aujourd’hui aux Québécois qu’ils voteront dans un référendum sur la « chance ultime » de survie d’un Québec français ?

L’idée de tenir un troisième référendum assure au chef péquiste des applaudissements nourris au Conseil national du PQ. Mais il y a beaucoup de souverainistes qui sont très mal à l’aise devant la possibilité bien réelle d’un troisième référendum perdant.

Ce ne serait pas la fin du Québec français, mais ce serait sans doute la fin de la viabilité politique de l’option souverainiste. D’où l’idée qui faisait consensus avant PSPP qu’on ne pouvait pas risquer un troisième référendum tant qu’on n’était pas certain de le gagner.

C’est pour cela qu’il y a beaucoup de souverainistes qui ne croient pas qu’on doive courir ce risque et qui sont très inquiets de la démarche actuelle de M. St-Pierre Plamondon.

D’autant qu’il est loin d’être certain que le ton apocalyptique qu’emploie maintenant le chef du PQ soit le meilleur moyen de convaincre les électeurs de voter Oui. Surtout qu’il en a remis, mardi, parlant des « déportations » et « exécutions » qu’Ottawa aurait fait subir aux francophones.

Il serait mieux d’écouter son adversaire politique, mais collègue souverainiste, Gabriel Nadeau-Dubois, qui pense que « pour construire un pays […] l’espoir est plus fécond que le ressentiment ».

Tout n’est pas une sombre machination fédéraliste. Ainsi, on peut voir dans les annonces préélectorales de Justin Trudeau une offensive concertée contre les compétences du Québec, mais la plupart des électeurs semblent plutôt y voir un signe de panique d’un premier ministre qui sent le tapis lui glisser sous les pieds.

De même, on peut voir dans l’augmentation des immigrants temporaires un grand danger pour le français, mais c’est aussi et surtout la conséquence d’une population qui vieillit très rapidement. Selon l’Institut du Québec, pour chaque tranche de 100 personnes de 60 à 69 ans qui quittent le marché du travail, à peine 86 personnes de 20 à 29 ans l’intègrent. Dans certaines régions, comme le Saguenay–Lac-Saint-Jean, la proportion est même de 10 départs à la retraite pour 6 jeunes qui sont prêts à prendre la relève, observe le Conseil du patronat du Québec.

Ce n’est pas seulement une question de pénurie de main-d’œuvre, c’est aussi un danger réel pour les finances publiques et la capacité de l’État québécois d’assurer les services. En passant, voici un problème pour lequel la souveraineté n’apporterait aucune réponse.

Dans toute cette histoire, ce qui risque aussi de nuire à M. St-Pierre Plamondon, c’est la tentation de l’arrogance.

Nous sommes à plus de deux ans de la prochaine campagne électorale et le chef péquiste ferait mieux de commencer à la préparer au lieu de faire comme si c’était dans la poche et de planifier tout de suite l’étape suivante.

Mais surtout, il devrait admettre que le débat sur l’avenir politique du Québec n’appartient ni au Parti québécois ni à son chef. Il appartient aux Québécois eux-mêmes qui n’ont aucunement besoin de se faire dire que s’ils ne votent pas du bon bord, ils vont déclencher l’Apocalypse.

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