La rougeole est de retour et les autorités sanitaires sont en état d’alerte. L’épidémiologiste Caroline Quach-Thanh répond ici à plusieurs des nombreuses questions à ce sujet reçues à la suite de notre appel à tous.

« Je suis né en 1966, suis-je vacciné contre la rougeole ? Les articles de journaux mentionnent que les gens nés à partir de 1970 sont vaccinés. Mais qu’en est-il de ceux qui sont nés avant ? »

Cette question, posée par Michel Blanchette, est revenue sous plusieurs formes à la suite de notre appel à tous.

Beaucoup se demandent aussi comment savoir s’ils ont été vaccinés.

Théoriquement, sans carnet de vaccination, c’est « impossible », signale Caroline Quach-Thanh. À moins que les vaccins aient été inscrits dans le registre de vaccination du Québec⁠1.

« On ne vaccinait pas au Québec avant 1970. On considère que les gens qui ont grandi au Québec et qui y sont nés avant 1970 ont tous été infectés par la rougeole et n’ont donc pas besoin d’être vaccinés. »

Il s’agit d’une maladie tellement contagieuse que presque tout le monde l’a attrapée et la protection conférée par la maladie est excellente.

La Dre Caroline Quach-Thanh

Et ce, à vie, précise la pédiatre, microbiologiste-infectiologue et épidémiologiste au CHU Sainte-Justine, qui a répondu aux questions par courriel et au téléphone dans le cadre de cet exercice.

Josée Boivin, pour sa part, nous écrit : « Je ne sais pas si j’ai déjà eu la rougeole, mais si oui, est-ce que le vaccin peut être contre-indiqué ? »

La réponse est simple : « Il n’y a pas de contre-indication à recevoir une dose si on avait été infecté dans le passé. »

Les risques de complications

Au sujet du niveau de protection offert par le vaccin – il protège à plus de 95 % contre la rougeole –, Marie Poulin, « pleinement vaccinée dans l’enfance », se demande ce qui va se produire si elle a « la malchance d’être dans les 5 % qui n’ont pas développé d’anticorps ». « Suis-je moins à risque de développer des complications à long terme ? », écrit-elle.

Caroline Quach-Thanh explique que LA complication à long terme dont on parle dans le cas de la rougeole est la panencéphalite subaiguë sclérosante.

Or, le risque est « beaucoup moins élevé » pour les adultes que pour les enfants. Et un adulte en bonne santé devrait « s’en tirer relativement correctement ».

Pour ce qui est des complications à court terme (pneumonie, encéphalite ou décès), « le groupe le plus à risque, c’est les moins de 12 mois, les femmes enceintes qui ne sont pas protégées et les immunodéprimés », ajoute l’experte.

En réponse à une lectrice immunodéprimée née avant 1970, qui se demande si elle doit se faire vacciner, Caroline Quach-Thanh avance qu’« une réponse unique est impossible » dans ce genre de scénario.

Elle suggère, dans ces situations, de consulter son médecin traitant.

Nourrissons non vaccinés

Nous avons aussi reçu plusieurs questions liées à la vaccination des très jeunes enfants.

Comme celle de Patrice Côté, qui a un enfant de 9 mois. Il se demande « s’il ne serait pas préférable de le faire vacciner maintenant au lieu d’attendre qu’il ait 12 mois comme indiqué dans le plan de vaccination de la Santé publique ».

« Si votre enfant est en contact avec un cas de rougeole, la Santé publique vous aura déjà invité à aller le faire vacciner avant l’âge de 12 mois », répond la médecin.

[Pour les autres cas], si l’enfant ne voyage pas dans une région où la rougeole est endémique et si la situation épidémiologique ici continue comme en ce moment, le bénéfice de la vaccination à 9 mois n’est pas si grand que ça.

La Dre Caroline Quach-Thanh

En fait, « on est mieux d’attendre », car si ce vaccin est administré après l’âge de 12 mois, l’enfant bénéficiera d’une meilleure protection à long terme.

Stéphanie Thibault, pour sa part, a un enfant de 4 mois. Elle a été vaccinée et elle se demande si elle a « transmis assez d’anticorps » à son bébé pour qu’il soit protégé.

« Les mamans vaccinées ou qui ont eu la rougeole passent leurs anticorps au bébé vers la fin de la grossesse et ces anticorps sont présents pendant près de six mois chez bébé », souligne Caroline Quach-Thanh.

Alors non seulement ils protègent le bébé, mais ils empêchent le vaccin « de faire son travail » s’il est administré à un si jeune bébé.

Rendre le vaccin obligatoire ?

En terminant, abordons une question qui a refait surface au Québec en même temps que le virus : ne devrait-on pas rendre le vaccin obligatoire ?

Suzanne Pomerleau, dont les enfants ont fréquenté une école au Nouveau-Mexique en 1994, se souvient que c’était là-bas une exigence. « Nous avions dû reporter l’entrée à la maternelle de notre plus jeune, car il lui manquait une dose de ce vaccin », rappelle-t-elle.

Ce vaccin est aussi obligatoire dans certaines provinces canadiennes, mais on n’envisage pas cette solution au Québec. « Ce qu’on fait, par contre, c’est qu’on peut demander les preuves de vaccination pour être capable de savoir qui est à risque, explique Caroline Quach-Thanh. Et si jamais il y avait une éclosion dans une école, on retirerait les gens qui ne sont pas vaccinés pour qu’ils n’amplifient pas la transmission. »

1. Il est possible de vérifier si vos vaccins ont été inscrits en contactant le ministère de la Santé du Québec au 1 877 644-4545.

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