Si ce n’est pas formidable, toé ! Vous dire combien je me sens béni de faire partie d’une société qui a le privilège de voir l’entreprise Northvolt s’établir chez elle, je ne me possède plus ! Je suis tellement heureux d’être de ces chanceux, mais plus que ça, vous imaginez-vous comme nous sommes chanceux d’être… si heureux.

Une double saucette, librement traduit.

Le gouvernement du Québec a raison, on ne sait pas reconnaître notre bonheur, c’est bien nous autres, ça !

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a déclaré que nous étions « chanceux » que Northvolt ait daigné s’établir dans une contrée sous-développée comme le Québec, et que sa présence allait l’aider à atteindre son objectif de décarboner le Québec⁠1.

Et Northvolt nous fait ce cadeau pour des peanuts, jusqu’à 7 milliards de dollars de nos taxes. Alors, on relaxe là, ma gang de p’tites vies.

On skippe les analyses environnementales pour les accueillir ? Seigneur, c’est ben du moins ! Des emmerdes absolument inutiles.

Eille ! On ne commencera pas à achaler nos bienfaiteurs avec des détails niaiseux comme des marécages, une couple de corneilles et quelques goujons. Voyons donc !

Et de toute façon, le terrain est déjà contaminé, qu’est-ce qu’on peut faire de pire ? Et puis les marécages, ils avaient bien besoin de remplissage éventuellement, autrement ils seraient demeurés inutiles. De quoi on se plaint ? Franchement, arrivez en ville !

M. Charette n’a pas d’orgueil, dirait ma défunte maman. Moi, j’en aurais par-dessus le pompon de me faire dicter ce qui ressemble à des lignes de presse kamikazes par le bureau du premier ministre.

C’est sûr qu’on doit mettre un peu de côté son estime personnelle en entrant en politique, mais de là à faire le tapis à répétition, il y a des limites.

Jouer au poker menteur et finir par avouer qu’on est passé à côté des lois environnementales pour convaincre Northvolt de venir chez nous, alors que tout le Québec le savait. Bravo, champions ! Le gouvernement n’aurait pas passé le test du polygraphe. Des circonvolutions gouvernementales dignes du Cirque du Soleil.

Bien sûr que j’ai le sentiment de fesser encore sur le même monde, le gouvernement du Québec. Mais ils sont tellement créatifs qu’il est difficile de ne pas laisser un gérant d’estrade s’exprimer.

Cela dit, on a malgré tout franchement hâte qu’ils se raplombent. Ce n’est même plus drôle.

Et combien de fois faudra-t-il rappeler que nos richesses hydroélectriques sont un atout qui devrait attirer des entreprises du monde entier qui souhaitent devenir propres et zéro carbone à un prix raisonnable ?

Combien de fois faudra-t-il rappeler que nous possédons là un atout incroyable pour notre avenir économique ?

Pourquoi faut-il vraiment ajouter des milliards de dollars de notre pécule collectif pour baiser les pieds des entreprises que l’on souhaite attirer chez nous ?

Oui, jusqu’à nouvel ordre, cela peut être une bonne idée que des batteries électriques se fabriquent au Québec, mais est-on sûr de revoir un jour la couleur de notre argent ?

Et pourquoi plus ça va, on dirait que moins on y croit ?

Encore, pourquoi ne priorisons-nous pas d’abord nos propres entreprises québécoises, ou celles qui sont déjà établies ici, pour bénéficier de cette énergie hydroélectrique ? Afin qu’elles se développent et prennent de l’expansion, et l’effet économique serait tellement plus rapide.

Pourquoi revenir à un modèle de développement exogène, c’est-à-dire espérer que le salut vienne de l’extérieur ? On croyait vraiment être rendu ailleurs.

Des courses folles pour des nouvelles technologies dans le monde, ce n’est pas la première fois que cela arrive, et il y a déjà eu des méchants flops !

Enfin, c’est fait et souhaitons-nous bonne chance.

À tout le moins, pourquoi le gouvernement n’a pas imposé un examen environnemental accéléré pour le projet Northvolt, afin de dissiper les inquiétudes ? En expliquant que ses produits devaient arriver rapidement sur le marché. Il n’avait qu’à le décréter, ou le voter. La population aurait probablement compris l’affaire.

Et pourtant je ne suis pas un grand admirateur de ce qu’est devenu le BAPE. Il a beaucoup trop de pouvoir au-delà du strict examen des impacts environnementaux d’un projet.

Quand cet organisme se permet de donner des opinions sur l’opportunité des projets, moi je débarque.

On vit en démocratie et on élit des gens pour prendre des décisions qu’on ne doit pas laisser entre les mains de gens qui ne sont pas tous les meilleurs, comme au BAPE.

Si les décisions des élus sont mauvaises, on sait quoi faire aux élections suivantes.

Le ministre Charette a aussi dit qu’il souhaitait revoir le fonctionnement de cet organisme. Voilà une idée plus sage que d’orgasmer et se faire béat devant l’arrivée de Northvolt.

Il aurait dû s’en tenir à cette déclaration, au lieu de nous déclarer grands gagnants d’une tombola !

Entre nous

Brillante et élégante, la sortie de Nikki Haley des primaires républicaines américaines. Donald Trump doit « mériter les voix » des républicains modérés, a-t-elle déclaré. Ce qui lui permet de retarder son appui à l’ex-président pour l’élection de novembre. Et peut-être même de l’éviter, si elle a beaucoup beaucoup de courage. Mais ce serait surprenant…

1. Écoutez l’entrevue accordée par le ministre Benoit Charette à l’émission Tout un matin de Radio-Canada Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue