Chacun son métier, dit le proverbe, et les vaches seront bien gardées. La Caisse de dépôt et placement du Québec est un remarquable gestionnaire de notre « bas de laine » collectif. Mais sa filiale CDPQ Infra est en train de prouver qu’elle n’est pas très douée pour gérer un réseau de transports en commun.

Les problèmes se multiplient depuis la mise en service du REM. Et CDPQ Infra n’a aucun des réflexes auxquels on est en droit de s’attendre d’un gestionnaire d’un réseau comme le REM.

Il n’est pas normal qu’on apprenne dans La Presse – une semaine après le fait – que les ambulanciers ont mis plus de 25 minutes pour aller secourir une passagère qui éprouvait des ennuis de santé. Surtout quand l’ambulance envoyée sur les lieux n’avait aucun moyen d’accéder au train, même après avoir contacté un responsable du REM.

Il n’est pas normal que lorsqu’il y a des pannes, ce soient les usagers qui doivent utiliser leurs téléphones cellulaires pour obtenir des informations. Pas plus qu’il n’est normal que les causes de pannes qui commencent en milieu d’après-midi ne soient expliquées qu’en soirée.

Devant de tels évènements – parce qu’il y en a eu d’autres –, le réflexe de CDPQ Infra est de minimiser la gravité en parlant de « problèmes de communications ». En réalité, ce sont des problèmes de sécurité.

Quand un train arrête sans avertissement pour plusieurs minutes en plein milieu du pont Samuel-De Champlain, ne pas informer les passagers dans les plus brefs délais peut, en effet, mener à de sérieux problèmes. On ne peut exclure que des passagers paniquent et tentent, par exemple, de quitter le train pour aller directement sur la voie, où ils seraient assurément en danger.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Un train du REM traversant le pont Samuel-De Champlain à toute vitesse

Normalement, l’opérateur d’un réseau de transports en commun met la sécurité de ses passagers en priorité, avec son corollaire qui est de communiquer rapidement et avec transparence avec les usagers et le public.

CDPQ Infra a trop souvent le réflexe inverse : on en dit le moins possible et le plus tard possible. Parce que les habitudes de la maison, c’est de protéger davantage la réputation de la Caisse que la sécurité du public.

La Caisse doit vivre avec ses choix. Avoir des trains sans conducteur se justifie peut-être pour des raisons financières, mais certainement pas sur le plan de la sécurité des passagers qui ne peuvent compter sur un responsable à bord. Raison de plus pour avoir des réponses rapides.

On ne peut sérieusement donner l’excuse d’une période de rodage. Il est inévitable qu’il y ait des pépins dans les premières semaines d’activité d’un projet comme le REM. Ce qui n’est pas normal, c’est qu’on n’ait pas prévu – ou qu’on soit incapable d’utiliser – des protocoles d’intervention pour les situations où la sécurité de passagers est en jeu.

C’est ce qui fait que le REM n’a pas encore réussi à se donner une réputation d’être un moyen de transport sûr et fiable auprès des usagers potentiels. D’autant que le premier hiver n’est pas encore commencé et qu’on n’a pas encore vu comment des voitures de train – construites en Inde par le plus bas soumissionnaire – réagiront dans la réalité, même si elles ont été testées en laboratoire.

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Jean-Marc Arbaud, président et chef de la direction de CDPQ Infra

Plusieurs de ces problèmes viennent, en bonne partie, de la culture d’entreprise à CDPQ Infra. Le projet a été conçu en vase clos, exclusivement à l’interne, et sans même essayer de l’intégrer avec les autres modes de transports en commun.

Il faut se souvenir que la toute première mouture du REM ne contenait aucun lien avec le métro. Une modeste intégration avec les réseaux existants de transports en commun ne sera considérée, et à reculons, que plus tard.

Il y aura finalement une correspondance aux stations McGill et Édouard-Montpetit (encore en construction), ce qui explique que les usagers qui arrivent à la gare Centrale continueront de marcher pendant un bon quart d’heure dans un labyrinthe avant d’accéder à la station Bonaventure du métro.

Mais depuis le début, l’objectif premier de la Caisse de dépôt en proposant le REM n’a jamais été le service du public, c’était d’obtenir un rendement par la redevance que lui verse le gouvernement du Québec.

La Caisse misait aussi sur sa réputation pour livrer le REM « dans les temps et dans les budgets » pour vendre son modèle à l’international. Avec ce que l’on sait aujourd’hui, ce sera beaucoup plus difficile.

Ce qui fait qu’il faut dès maintenant songer à la possibilité que la Caisse décide d’activer une clause du contrat conclu avec le gouvernement du Québec au début du projet, en 2018, et qui prévoit qu’elle pourra vendre le REM au bout de cinq ans seulement. À n’importe qui, d’ailleurs, même un fonds d’investissement étranger.

C’est une option qu’on ne pourra plus exclure si l’achalandage ne devait pas être au rendez-vous et que d’autres dépassements de coûts que la Caisse doit assumer continuent d’assombrir le bilan financier.

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