S’aventurer dans des comparaisons générationnelles à partir de sa propre expérience est donc périlleux. Mais ces perceptions, si elles sont biaisées, sont-elles nécessairement fausses ? Y a-t-il des faits qui existent pour déterminer si les jeunes sont meilleurs ou pires que leurs aînés ?

Travail

Le sociologue Jacques Hamel remarque qu’il y a peu de plaintes envers les jeunes dans les archives avant les années 1960. « Quand on parle de cette époque du Québec rural, les jeunes étaient considérés comme une force de travail. Ils étaient astreints, en quelque sorte, à travailler aux côtés de leurs parents, par exemple sur la terre familiale. » La perception du « jeune qui ne veut pas travailler » s’est sans doute affermie dans les années 1960. « À ce moment, les jeunes ne voulaient plus travailler au sens où ils ne voulaient plus occuper les emplois de leurs parents, surtout chez les ouvriers. » Dans les années 1980, le stéréotype du jeune moins travaillant s’exprimait dans le contexte très différent d’une crise économique. « L’emploi était devenu précaire », rappelle le sociologue. D’où la volonté de ne pas le placer au centre de sa vie. « Ces jeunes-là avaient vu leurs parents faire des burn-out. Ils ne voulaient pas connaître le même sort. » Et aujourd’hui, avec la pénurie de main-d’œuvre, il a fallu adopter une loi pour empêcher les adolescents de trop travailler… « On est face à un paradoxe, observe Jacques Hamel. Les jeunes travaillent beaucoup, sauf que le travail a investi la sphère privée. » D’où la volonté des jeunes de travailler à leurs conditions, avec plus de flexibilité.

Lisez le dossier « Et si les jeunes avaient raison ? », de Marie-Eve Fournier et William Thériault

Lecture et culture

Si on parle de livres, la perception selon laquelle « les jeunes lisent moins » n’est pas fausse. En 2009, les jeunes Québécois âgés de 25 à 34 ans étaient légèrement moins nombreux à déclarer lire que ceux qui avaient le même âge en 1979 – les baby-boomers. Par contre, ces milléniaux étaient plus nombreux que les jeunes de 1999 (de la génération X) à déclarer lire des livres, des revues et des journaux. Pour les autres activités culturelles, les jeunes milléniaux étaient plus nombreux que les jeunes des autres générations à fréquenter une librairie, une bibliothèque ou un musée. À noter qu’une nouvelle enquête comparative des pratiques culturelles (1979-2014) devrait être rendue publique l’an prochain par l’Institut de la statistique du Québec.

Source : Enquête sur les pratiques culturelles au Québec – Les pratiques culturelles selon la génération des baby-boomers et des jeunes de 25 à 34 ans de 1979 à 2009

Intelligence

Plus stupides, les jeunes d’aujourd’hui ? Non, pas vraiment : les études montrent plutôt que le niveau d’intelligence moyen augmente de génération en génération. « Vous connaissez le test de la guimauve ? », demande John Protzko, chercheur à l’Université de Californie à Santa Barbara. Résumons : au début des années 1970, un psychologue de l’Université Stanford a présenté une guimauve à des enfants en leur disant : « Je vais aller dans l’autre pièce. Si tu attends mon retour avant de manger ta guimauve, je t’en donnerai deux. » Le but est de mesurer la capacité d’un enfant à résister à l’envie et à patienter pour obtenir une plus grande récompense – un signe d’intelligence parmi d’autres. Protzko et son équipe ont analysé en 2020 les résultats de 50 ans de distribution de guimauves. Mais avant de procéder à cette analyse, ils ont sondé 260 experts du développement cognitif. Croyaient-ils que les enfants seraient devenus moins patients avec le temps ? En fait, 84 % d’entre eux étaient d’avis que les enfants seraient aussi nombreux, sinon plus, à opter pour le plaisir instantané. « Et il s’est avéré que les enfants se sont améliorés dans leur capacité à retarder la gratification », dit John Protzko. Ces résultats sont conséquents, selon lui, avec d’autres études qui montrent une augmentation du quotient intellectuel sur une période d’un siècle.

Lisez « “Les jeunes ne veulent plus travailler” »