L’artiste Marc Séguin propose son regard unique sur l’actualité et sur le monde.

Le bois de chauffage pour l’an prochain est terminé. L’école aussi apparemment ; il y a plus d’enfants qu’à l’habitude à la maison durant le jour. Ça sent l’été. C’est plein de promesses.

Le potager a fière allure. Les plantules de maïs ont pris un pied en quelques jours (c’est souvent dans l’absence qu’on prend la mesure de certaines choses). Ce qui m’a rappelé que fin juillet, début août, les ratons laveurs vont rappliquer. Ils ne sont pas fous ; ils attendent la journée exacte du mûrissement pour coucher les plants et manger l’épi. En fait, ils ne prennent qu’une bouchée par épi, préférant en rabattre d’autres et ne prendre encore qu’une mordée, sans devoir fournir trop d’efforts.

L’absence, c’était quatre jours sur la Côte-Nord cette semaine. Une histoire de pêche avec un ami. On a fait la route depuis Montréal. La pêche est une excuse pour passer du temps ensemble et remettre les compteurs à zéro, en longeant le Saint-Laurent. Quel fleuve, quand même, on se dit chaque fois. Impressionnés. Presque au bout, on traverse ici et là des centrales hydroélectriques, et des centaines de kilomètres de lignes à haute tension. C’est le pays de l’énergie. Plusieurs de ces lignes viennent d’en haut de la Manicouagan. D’autres de Churchill Falls.

Un matin trop venteux pour aller sur la rivière, on est allé visiter le port de Sept-Îles. Une visite privilégiée, organisée par un ami qui habite là.

À peu près tout ce qui est fait en métal autour de nous est fait en fer. Avec ce minerai, qui se compte en millions de tonnes annuellement, qui transite par le port de Sept-Îles pour être transformé ailleurs, en Asie, aux États-Unis ou en Europe.

Comme pour les projets hydroélectriques, le territoire québécois regorge de richesses. La fosse du Labrador (Fermont, Wabush, Labrador City…) à elle seule est un gisement qui pourrait être exploité sans compter durant une éternité. Un peu comme le pétrole de la péninsule arabique. Ces exemples ne sont qu’une partie ; tout le Nord québécois est riche, d’ouest en est. On se bat pour y exploiter le sous-sol.

Idem pour Strange Lake au Nunavik (tout juste au nord-est de Schefferville). Un immense gisement de terres rares ; ces métaux précieux et indispensables aux aimants des moteurs électriques et autres énergies décarbonées dont rêvent les urbains, pour retarder un peu la fin du monde tant annoncée.

Quelques réflexions affleurent : a-t-on le droit de rêver à une nationalisation de ces ressources d’avenir au-delà d’un claim et de droits d’exploitation cédés à l’extérieur ? Et surtout de transformer les matières premières ici ? En faire une fierté ou une sorte de projet identitaire ? Et intégrer les Innus, les Naskapis, les Cris et les Inuits au travers ? Et le faire rapidement avant que d’autres, plus vites et plus riches, ne viennent brader cette idée de territoire que l’on tente de défendre et d’inventer. Exactement comme le font les Premières Nations depuis quelques décennies dans leurs pays. Prendre exemple sur cette défense de territoire. Avant que les ratons ne viennent scraper les choses.

Du haut des airs des incendies brûlent toujours en amont de la Moisie. Les hélicoptères arrosent le chemin de fer (depuis Fermont) par prévention sans arrêt. On ne doit pas interrompre l’industrie. Pour la forêt, le feu, une fois la destruction encaissée, est le plus grand générateur de faune et de flore. Des cycles qui nous échappent. Mais celui des profits, on se dit que les élus et les entreprises doivent certainement s’y retrouver. Et si chez soi, on s’occupait de notre territoire. Je prends le temps de le dire, et de le répéter, parce que déjà, un fonds d’investissement américain avec ses milliards (Cerberus) a compris l’importance de Strange Lake.

Suis écœuré que les changements climatiques expliquent le présent et l’avenir. Qu’il fasse frette ou qu’on crève, qu’il tombe huit pieds de neige sur Montréal un 25 juin ou qu’on fasse du surf sur Décarie le jour de Noël. On souhaite entendre parler de mesures concrètes. Quitte à ce qu’elles empruntent la route de la croissance infinie comme l’exploitation de ressources un tant soit peu moins dommageable. On n’arrêtera pas la chute, mais on pourrait la ralentir. Mais surtout, ne pas se faire voler, et le faire chez soi. Le premier ministre qui aura cette vision ferait partie de l’Histoire pour un siècle. À bon entendeur (hé hé…).

Vous souhaite des vacances heureuses aux quatre coins d’ici. On se retrouve de l’autre côté de l’été.