L’émission d’ICI Première Aujourd’hui l’histoire, est si populaire que l’éditeur Septentrion en a regroupé divers sujets en 13 livres thématiques. Le plus récent s’inspire de la quinzaine de participations, dont six consacrées à la Seconde Guerre mondiale, du professeur Stéphane Roussel.

Heureuse initiative puisque le titre de cet opus, La Seconde Guerre mondiale – Allemands et Canadiens face à face, renvoi à des épisodes du conflit où soldats canadiens et allemands ont combattu corps à corps sur le sol européen.

Ce titre ne signifie toutefois pas que tout le livre est axé là-dessus. En fait, les trois premiers chapitres – bien documentés et passionnants – portent sur l’ABC de la Waffen-SS, le mythe du maréchal Rommel et le char allemand Tigre qui avait aussi des points faibles en dépit de son aura d’invulnérabilité.

Le face-à-face Canadiens-Allemands commence au chapitre 4. En substance, l’auteur se penche sur le massacre de 156 soldats canadiens dans la douzaine de jours ayant suivi le Débarquement de Normandie (6 juin 1944), l’équipée de 4000 kilomètres du tank surnommé « Bomb » (un Sherman M4A2 américain) des Fusiliers de Sherbrooke et la libération des Pays-Bas.

Mais à notre plus grand étonnement, et c’est la principale défaillance de cet ouvrage, M. Roussel n’aborde guère (deux lignes seulement !) le terrible choc du raid de Dieppe du 19 août 1942 où 916 soldats canadiens ont été tués, dont 106 du régiment des Fusiliers Mont-Royal. C’est pourtant le premier vrai face-à-face entre les soldats des deux nations.

Et comme environ 1950 d’entre eux ont été faits prisonniers, c’était l’occasion de décrire comment ils ont vécu leur captivité. Mais non, il n’y a rien.

L’auteur reconnaît qu’un chapitre aurait dû y être consacré. « Je suis parti de matériaux existants et je cherchais surtout à donner un peu de cohérence à ces notes sur des épisodes disparates, nous écrit-il. Par ailleurs, ce sujet a très bien été exploré par l’historienne Béatrice Richard [du Collège militaire royal de Saint-Jean], alors que la campagne de 1944-1945 me semble, en comparaison, souvent négligée. »

À sa décharge, il faut préciser que M. Roussel n’a pas présenté d’épisodes sur Dieppe à Aujourd’hui l’histoire.

Cela dit, le livre est très bien. Sa principale force réside dans la volonté de l’auteur de nous faire voir la face cachée de certains éléments historiques vers lesquels on braque trop souvent le même éclairage.

Évoqué un peu plus haut, le massacre de Canadiens par de jeunes soldats allemands fanatisés en Normandie en est un exemple. Leur exécution contrevenait explicitement aux règles de guerre (ça existe). Pire encore, les auteurs de ces exactions ont été peu punis, à commencer par l’officier Kurt Meyer qui, emprisonné au Nouveau-Brunswick, sera transféré dans une prison allemande après quelques années avant de vivre librement les sept dernières années de sa vie.

Plus réjouissant est le chapitre consacré au redoutable char allemand Tigre que M. Roussel explore sous toutes ses facettes. Il analyse même les apparitions, vraies et fausses, du Tigre dans la filmographie de guerre, dont le sympathique Kelly’s Heroes de Brian G. Hutton, œuvre qui était la version canaille des Monuments Men.

Enfin, l’auteur n’hésite pas à écorcher le comportement des soldats canadiens lorsqu’il le faut. Ainsi nous présente-t-il une version un peu plus sombre de la libération des Pays-Bas, s’appuyant ici sur une historiographie récente.

En somme, Stéphane Roussel a su aborder ces sujets avec d’essentielles nuances.

Extrait

« Une promenade dans les rues de la ville de Sherbrooke vous conduira peut-être sur la rue William, ce qui vous amènera à passer devant le manège militaire du régiment Sherbrooke Hussars. À droite de l’imposante colonnade trône un char, comme devant de nombreux autres manèges à travers le pays. Mais Bomb, comme l’a surnommé à l’époque son équipage, a une histoire bien particulière qui le range dans une classe à part. Il s’agit en effet de l’un des très rares chars canadiens ayant participé au Débarquement de Normandie le 6 juin 1944 et ayant survécu à toute la campagne de libération de l’Europe du Nord-Ouest… »

Qui est Stéphane Roussel ?

Titulaire d’un doctorat en science politique de l’Université de Montréal, Stéphane Roussel est professeur titulaire à l’École nationale d’administration publique (ENAP) où il enseigne la politique étrangère et la politique de défense. Il a collaboré à une quinzaine d’épisodes de l’émission Aujourd’hui l’histoire diffusée sur les ondes d’ICI Première. Il accorde régulièrement des entrevues dans les médias, dont La Presse.

La Seconde Guerre mondiale – Allemands et Canadiens face à face

La Seconde Guerre mondiale – Allemands et Canadiens face à face

Septentrion

156 pages