Avec la fumée des incendies de forêt, la chaleur, mais aussi les pluies diluviennes, la saison actuelle donne-t-elle un bon aperçu de ce à quoi ressembleront les étés québécois à mesure que la planète se réchauffera ? Probablement, si on se fie aux modèles les plus récents. La vulgarisatrice scientifique Angelica Alberti-Dufort propose quatre sources pour voir comment nos étés changeront d’ici 2100.

Un rapport – Ce que la science constate et annonce

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Selon les plus récents modèles de prévision d’Ouranos, le nombre de journées où le mercure atteindra au moins 30 oC risque de quadrupler à Montréal d’ici la fin du siècle.

Commençons par le commencement : la spécialiste en recherche et transfert des connaissances Angelica Alberti-Dufort suggère d’abord de jeter un œil sur un document du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, la référence mondiale en matière de changements climatiques. Le « Résumé à l’intention des décideurs », d’une quarantaine de pages, fait la synthèse des plus récentes connaissances sur l’état actuel du climat et les changements attendus à l’échelle mondiale, explique celle qui a une formation en géographie. « Le GIEC constate que la température globale a augmenté de presque 1 oC depuis la période préindustrielle, dit-elle. Ça peut paraître peu, mais à certains endroits, comme près des pôles, c’est plus. Et en été, les extrêmes chauds – les vagues de chaleur – font augmenter cette moyenne mondiale. »

Le GIEC observe aussi de plus longs épisodes sans pluie. Selon les scientifiques, ces deux tendances, le réchauffement et des sécheresses plus fréquentes, vont s’aggraver d’ici la fin du siècle. Mais ce n’est pas tout. « Les épisodes de précipitations extrêmes pourraient aussi être plus graves, avec des orages et des tempêtes plus intenses », ajoute la chercheuse. Sur un sol sec, toute cette eau ruissellera plus rapidement et provoquera davantage d’érosion. Selon le GIEC, rien n’indique que le Québec échappera à ces phénomènes...

Consultez le « Résumé à l’intention des décideurs » du GIEC

Des modèles – Tendance globale, conséquences locales

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Incendies de forêt importants sur la Côte-Nord du Québec au début de l’été. Avec le réchauffement climatique, la saison des incendies de forêt risque de s’allonger de 10 à 20 jours. Et les superficies brûlées pourraient doubler d’ici 2100.

Des tendances mondiales, c’est intéressant, mais ça ne révèle pas ce qui se passera dans votre cour. Pour le découvrir, le consortium Ouranos, qui regroupe 450 chercheurs, experts et décideurs québécois, dont Angelica Alberti-Dufort, a élaboré ses Portraits climatiques, tout juste mis à jour. Ils permettent de visualiser l’évolution jusqu’en 2100 d’indices de chaleur extrême ou de précipitations, par exemple, pour chacune des régions du Québec. Grâce à une carte, il est possible de visualiser les changements prévus à n’importe quel endroit.

Dans un scénario où les émissions de gaz à effet de serre (GES) continueraient d’augmenter d’ici la fin du siècle, le nombre annuel de journées où le mercure atteint les 30 oC passerait de 13 à 58 à Bois-des-Filion, dans les Basses-Laurentides. Côté précipitations, même si le total estival variait peu à Lebel-sur-Quévillon, en Jamésie, elles seraient plus concentrées en « coups d’eau ». Une tendance assez généralisée au Québec, montrent les modèles. Conséquence : le contenu en eau des sols diminuera, la saison des incendies de forêt s’allongera de 10 à 20 jours, et les surfaces brûlées doubleront, rappelle le chapitre consacré au Québec du rapport Le Canada dans un climat en changement. Angelica Alberti-Dufort est l’autrice principale de ce chapitre exhaustif sur les impacts du réchauffement.

Consultez les Portraits climatiques d’Ouranos Lisez le chapitre consacré au Québec du rapport Le Canada dans un climat en changement

Une bande dessinée – Des étés suffocants en ville

IMAGE TIRÉE DE LA BANDE DESSINÉE L’ABD DU CLIMAT

L’illustrateur et vulgarisateur scientifique Martin PM signe L’ABD du climat, une série de planches de bande dessinée qui expliquent des concepts associés aux changements climatiques.

« Les impacts de la chaleur extrême, ce qui est malheureux, c’est que ça va surtout toucher les populations vulnérables, lance Angelica Alberti-Dufort. Et ça va beaucoup se passer dans les milieux urbains. » Les effets des îlots de chaleur couplés à ceux du réchauffement de la planète aggraveront « l’inconfort thermique » en ville pendant l’été. L’ABD du climat, conçue par Martin PM et publiée par Un point cinq, consacre une planche à ces îlots de chaleur. Une belle « illustration » du phénomène, dit la scientifique, qui rappelle – comme la bande dessinée – que la température peut varier de 10 oC d’un quartier à l’autre en fonction de la présence des végétaux. « Pas pour rien que tout le monde cherche l’ombre quand vient le temps de garer sa voiture ! », dit-elle.

L’ABD du climat, qui explique une série de concepts associés aux changements climatiques, propose aussi quelques planches en version parlée. Toujours en ville, souligne Mme Alberti-Dufort, les infrastructures de gestion des eaux pluviales des municipalités seront mises à mal par les épisodes de précipitations extrêmes. « Des geysers d’égout, c’est le genre de choses qui pourraient arriver vraiment plus souvent », observe-t-elle. Rien pour rassurer les dizaines de ménages qui ont été inondés par l’averse du 13 septembre 2022 à Montréal...

Lisez L’ABD du climat

Un reportage – Et si l’eau venait à manquer ?

IMAGE TIRÉE D’UN REPORTAGE DE LA SEMAINE VERTE

En Montérégie, l’eau se fait rare pour les agriculteurs qui doivent trouver de nouvelles sources d’approvisionnement dans les périodes de sécheresse.

La météo et le climat sont deux choses distinctes. La première concerne les jours et les semaines à venir, la seconde traduit l’évolution du temps sur des décennies. Même dans un climat qui se réchauffe, il peut donc y avoir des étés plus frais. N’empêche, bien qu’il s’agisse d’une saison exceptionnelle, l’été 2021, très chaud et sec au Canada, donne une idée des problématiques qui découlent des changements climatiques.

L’émission La semaine verte, de Radio-Canada, a consacré un reportage aux effets de cette saison inhabituelle sur la gestion de l’eau au pays. « On y sent vraiment la détresse des gens et l’urgence de trouver des solutions », observe Angelica Alberti-Dufort. La semaine verte se penche surtout sur ce qui se passe dans l’Ouest, très affecté en 2021. Mais elle s’attarde aussi à la situation de l’eau au Québec, qui n’est guère plus réjouissante, malgré l’apparente abondance.

Le reportage touche aussi la question des conflits d’usage entre les États-Unis et le Canada, un aspect qui concerne le Québec. Après tout, l’eau du Saint-Laurent, principale source pour les réseaux de distribution d’eau québécois, vient en grande partie des États-Unis. « Des années où le niveau du fleuve sera très bas, ce n’est pas exclu qu’on ait des problèmes d’approvisionnement », prévient la chercheuse.

Voyez le reportage « Le Canada menacé par les pénuries d’eau » de La semaine verte

Qui est Angelica Alberti-Dufort ?

  • Angelica Alberti-Dufort détient une maîtrise professionnelle en génie industriel de Polytechnique Montréal, avec une spécialisation en résilience urbaine et responsabilité environnementale, et un baccalauréat en géographie physique de l’Université de Montréal.
  • Après sa formation, celle qui est membre de l’Association des communicateurs scientifiques du Québec devient recherchiste et rédactrice scientifique pour le média numérique spécialisé en changements climatiques unpointcinq.ca.
  • En 2018, elle se joint à Ouranos, le consortium québécois sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques. Elle y occupe aujourd’hui le poste de spécialiste en recherche et transfert des connaissances.