Dialogue entre une jeune Afghane prisonnière de Kaboul et une jeune Française libre à Paris. Pour qu’on n’oublie pas le sort des femmes en Afghanistan.

Chaque mois depuis le retour en force des talibans, de mauvaises nouvelles nous arrivent d’Afghanistan : les femmes n’ont plus le droit de fréquenter l’école, elles ont perdu le droit de sortir sans la présence d’un homme, elles n’ont plus le droit de travailler… Leur liberté est grugée un peu plus chaque jour. Résultat : les talibans les ont carrément exclues de la vie publique.

Petite entorse à la nature de cette rubrique cette semaine : le livre dont on vous parle n’est pas un essai, c’est un témoignage.

Un témoignage unique et précieux de la vie des Afghanes, raconté de l’intérieur, qui ne peut pas vous laisser indifférent.

Écrit à quatre mains, celles de la militante afghane Khatera Amine et de la journaliste Maurine Bajac, Je vous écris de Kaboul… est un livre bouleversant.

Le courage de Khatera Amine est sidérant. C’est elle qui, au départ, contacte Maurine Bajac. La jeune femme a envoyé des messages à plusieurs journalistes occidentaux dans l’espoir d’attirer l’attention et d’obtenir au moins une réponse. Elle a réussi. Son message attire l’attention de Maurine Bajac.

Khatera est révoltée. Elle veut raconter son quotidien depuis le retour en force des talibans, en août 2021, lorsque les militaires occidentaux, dont ceux du Canada, ont quitté le pays.

Prisonnière de Kaboul avec ses parents et sa jeune sœur, Khatera a une autre sœur qui vit aux États-Unis et un grand frère ingénieur qui a réussi à s’enfuir grâce à son statut d’employé d’une entreprise étrangère. Khatera et ses parents ont tenté par deux fois de le suivre, en vain.

La jeune Afghane de 28 ans, allumée et impliquée, milite pour le droit des femmes. Elle est issue d’une famille instruite et progressiste. Sa mère est journaliste. Khatera ne baisse pas les bras, elle veut lutter pour ses droits et ceux de ses sœurs, au risque de sa vie. Elle raconte à sa correspondante française un quotidien fait d’obstacles, de peur, de dangers. Et malgré cela, malgré la lourdeur et la menace constante de se faire prendre, Khatera raconte aussi des moments plus légers, parle de musique, de culture (elle avoue avoir un faible pour Johnny Hallyday !). Une manière de nous rappeler que la vie a déjà été « normale » en Afghanistan et que ses habitants aspirent, pour la plupart, à la même chose que nous.

Non seulement Khatera est déterminée à se battre, mais elle a un plan. Elle va à la rencontre des pères de famille et propose de donner des cours de cuisine à leurs filles.

En réalité, elle ne leur montrera pas à faire du pain. Elle leur apprendra plutôt à lire et à écrire. On la tient tellement pour acquise en Occident, mais l’éducation, c’est la liberté.

Par cet acte de subversion, Khatera fait preuve d’un immense courage. Si elle se fait prendre, elle risque d’être exécutée. On ne badine pas avec les talibans…

À 6000 kilomètres de là, Maurine Bajac reçoit ce témoignage important. La jeune femme n’est pas une reporter internationale, mais elle a couvert l’arrivée d’un vol avec à son bord des Afghans en fuite.

C’est un peu un hasard si elle répond au message de Khatera. Mais les deux jeunes femmes ont pratiquement le même âge et un lien de confiance s’établit rapidement entre elles, même si le contraste entre leurs deux vies est frappant.

La jeune Française a accepté d’être le porte-voix de ces femmes qui ont peur d’être oubliées. Ne confirmons pas leur pire crainte. Ce livre est un vibrant plaidoyer pour la liberté. Il devrait venir à bout de notre indifférence.

Extrait

« Un lien se noue entre nous, à cet instant, aussi fort qu’inattendu. Je suis sûre qu’elle le sent, elle aussi. Ce lien, je veux le saisir autant que je le redoute. Parce qu’à tout moment il peut se briser. Si les talibans la retrouvent, une seule balle peut tout emporter. Ses idées, sa fougue, son irrévérence. Elle vit avec ce risque depuis sa naissance, moi je le découvre à travers elle. Khatera me réveille. Elle allume en moi une urgence : il faut qu’elle soit entendue. Qu’on ne puisse pas l’oublier. Ni elle, Khatera Amine, ni aucune des jeunes filles de ce pays, contraintes de se taire pour survivre. »

Qui sont Khatera Amine et Maurine Bajac ?

  • Khatera Amine occupait un emploi au gouvernement jusqu’à la prise de pouvoir des talibans. Elle est militante pour le droit des femmes en Afghanistan.
  • Maurine Bajac est journaliste pour les chaînes TF1 et LCI.
Je vous écris de Kaboul

Je vous écris de Kaboul

Albin Michel

295 pages