(Ottawa) Des Canadiens d’origine afghane qui avaient aidé les soldats canadiens en Afghanistan poursuivent le gouvernement fédéral pour ne pas avoir sauvé les membres de leur famille des talibans – et ils allèguent qu’Ottawa a fait preuve de discrimination dans la façon dont il traite les Afghans par rapport aux Ukrainiens.

Le gouvernement fédéral a récemment créé un programme pour assurer la sécurité des familles des Canadiens qui ont servi comme conseillers linguistiques et culturels en Afghanistan.

Mais les critères sont si restrictifs qu’ils ne s’appliquent pas à certains membres des familles qui ont été menacés en raison de leur lien avec l’intervention militaire du Canada avant la prise de contrôle des talibans en août 2021. Ottawa a aussi plafonné à 380 le nombre de demandeurs principaux.

Deux de ces conseillers culturels et linguistiques ont déposé une requête en Cour fédérale alléguant que le gouvernement avait fourni des « avantages d’immigration supérieurs » aux Ukrainiens qui ont fui l’invasion russe de leur pays à partir de 2022, par rapport à ceux fournis aux Afghans qui espéraient échapper à la prise du pouvoir des talibans en 2021.

« Nous souhaitons que la politique ukrainienne soit étendue à tous ceux qui en ont besoin. Pas seulement les Ukrainiens, mais toute personne se trouvant dans une situation similaire de persécution par la guerre ou de graves violations des droits de la personne », a déclaré Nicholas Pope, l’un des avocats des deux hommes.

Les conseillers et leurs avocats veulent également que le gouvernement admette que les deux approches très différentes violent la Charte canadienne des droits et libertés.

Peu de temps après l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, le Canada a créé un programme spécial qui a permis à un nombre illimité de ressortissants ukrainiens et à leur famille de travailler ou d’étudier au Canada jusqu’à trois ans, pendant qu’ils cherchaient refuge.

Les familles des conseillers culturels sont cependant toujours bloquées en Afghanistan et dans les pays voisins.

Être demi-frère ne suffit pas

La sœur de l’un des conseillers, qui n’est identifiée dans la poursuite que sous le nom de « John Doe 1 » en raison du risque pour cette famille, n’est pas admissible à venir au Canada parce qu’elle a quitté l’Afghanistan pour la Turquie avant le 22 juillet 2021.

La poursuite indique qu’elle n’a aucun statut juridique en Turquie et qu’elle ne peut pas travailler, que ses enfants ne peuvent pas aller à l’école et qu’ils risquent d’être renvoyés en Afghanistan.

Le demi-frère du même conseiller en Afghanistan n’est pas admissible parce que les demi-frères ne sont pas considérés comme faisant partie de la famille, en vertu du programme canadien.

« Les talibans s’en fichent. Ils ne disent pas : “Oh, tu es son demi-frère, pas son frère, alors on va te laisser tranquille” », a déclaré Me Pope.

La famille d’un autre conseiller, identifié dans le dossier judiciaire comme « John Doe 2 », fait face à des embûches similaires. Sa sœur en Afghanistan, selon la poursuite, devrait laisser derrière elle trois de leurs filles parce qu’elles sont trop âgées pour être considérées comme des « personnes à charge ».

Le gouvernement fédéral n’a pas encore répondu au dossier judiciaire, et le ministre de l’Immigration n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire. Dans un communiqué publié plus tôt ce mois-ci, le ministère déclarait qu’il avait adapté ses approches à mesure que la situation difficile évoluait en Afghanistan.

45 Canadiens d’origine afghane

Le gouvernement canadien avait recruté quelque 45 citoyens canadiens d’origine afghane pour servir de conseillers linguistiques et culturels pendant la mission en Afghanistan. Ils ont obtenu une habilitation de sécurité « ultrasecret » et ont risqué leur vie pour servir aux côtés des soldats canadiens. Depuis, certains membres de leur famille ont été menacés par les talibans en raison de leurs liens avec l’armée canadienne.

« C’est la partie qui me dégoûte, que les 45 [conseillers linguistiques et culturels] aient pris des risques énormes », a déclaré Amir Attaran, avocat et professeur à l’Université d’Ottawa. « Qu’est-ce que le gouvernement Trudeau a fait ? Il les a laissés sur le bord du chemin. »

Le professeur Attaran a représenté quatre autres conseillers linguistiques et culturels qui avaient servi en Afghanistan, dans des poursuites en matière de droits de la personne contre le gouvernement, l’année dernière, pour des motifs similaires.

« C’est évident que c’est de la discrimination, a-t-il déclaré en entrevue mardi. Vous ne pouvez pas offrir un traitement spécial à une seule nationalité. Cela viole clairement la Loi canadienne sur les droits de la personne et, je crois aussi, la Charte des droits et libertés. »

Les quatre conseillers ont maintenant réglé leur poursuite, a-t-il dit. Il ne peut pas révéler les détails de ces règlements à l’amiable, mais il a qualifié les négociations avec le ministère de l’Immigration d’« extrêmement lentes et, jusqu’à tout récemment, d’une mauvaise foi crasse ».

Me Attaran a déclaré qu’il n’était pas entièrement satisfait de ce résultat, car les familles de nombreux autres conseillers sont toujours en danger.